Nouvel épisode dans la saga de la vie de l’article 750-1 du Code de procédure civile.
L’article 750-1 du Code de procédure civile, créé par l’article 1 du décret n°2022-245 du 25 février 2022 en vigueur depuis le 27 février 2022, prévoyait de nouvelles obligations de tentative de résolution amiable des conflits, préalablement à toute demande en justice.
Il était applicable aux instances en cours, en application de l’article 6 du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, depuis sa publication.
Par un arrêt du 22 septembre 2022 (6ème - 5ème chambres réunies N° 436939) statuant sur un recours pour excès de pouvoir à l'encontre du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, le Conseil d'état a notamment annulé l'article 750-1 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue de ce décret.
L'article 750-1 du Code de procédure civile imposait une mesure de tentative de résolution amiable des litiges (médiation, conciliation), préalable à toute saisine du juge, pour certains litiges et notamment les troubles anormaux de voisinage, sous peine d'irrecevabilité.
Le 3°) de cet article précisait que les parties étaient notamment dispensées de cette obligation en raison de « l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
Sur le point de l'indisponibilité du conciliateur, le Conseil d’État a jugé : « elles [les dispositions de l'article 750-1 en question] n'ont pas défini de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels cette indisponibilité pourra être regardée comme établie. S'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours juridictionnel, l'indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. ».
Le Conseil d’État précise enfin les conditions d'application de cette annulation :
« Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision, de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses. Par suite, il y a lieu de regarder comme définitifs les effets produits par l'article 750-1 avant son annulation et par les procédures et décisions affectées, entre le 13 décembre 2019 et le 1er janvier 2020, par l'annulation du I de l'article 55 du décret attaqué. »
Au vu de la politique gouvernementale de développement des modes de résolution amiable des litiges, il était entendu que cet article allait être rétabli, chose faite par décret n°2020-357 du 11 mai 2023.
L’article 750-1 du Code de procédure civile a donc été rétabli dans sa version d’origine excepté concernant, le point 3°) relatif au critère d’appréciation du motif légitime permettant de déroger à cet article.
Le Conseil d’État, dans son arrêt cité ci-dessus a jugé que le motif légitime de dérogation à cet article prévu dans l’ancienne rédaction du texte, à savoir l’indisponibilité du conciliateur de justice « dans un délai manifestement excessif » n’était pas suffisamment précis et portait atteinte aux dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
La nouvelle rédaction supprime la notion de « délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », pour la remplacer par « un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites. »
Par ailleurs, ce nouveau décret ajoute un 5° à l’article 750-1 concernant les exceptions à l’obligation préalable imposées par cet article :
« 5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
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Ce nouvel alinéa renvoie à l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution qui est relatif à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances qui peut être mise en œuvre par un huissier de justice [commissaire de justice] à la demande du créancier pour le paiement d'une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d'une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État (5.000 euros en application de l’article R. 125-1 du même code).
Le nouvel article 750-1 du Code de procédure civile est alors ainsi rédigé :
« Art. 750-1. - En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
L’article 4 du décret n°2020-357 du 11 mai 2023 précise que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur à compter du 1er octobre 2023.
Il apparait donc nécessaire, en préparation des contentieux concernés par ce nouvel article, d’anticiper dès à présent les diligences nécessaires afin de pouvoir, à compter du 1er octobre 2023, saisir les juridictions concernées, puisque cet article est applicable aux demandes en justice qui, à compter de cette date, devront préalablement avoir fait l’objet des tentatives préalables obligatoires de médiations, conciliations ou procédures participatives.