Nouvelles scènes des campagnes

Nouvelles scènes des campagnes

Essayons dans cet article d’ouvrir largement le cadre de notre réflexion sur la redynamisation des centres bourgs sans négliger la désaffection qui touchent également l’ensemble des villes moyennes du territoire. Le constat de déclin est désormais largement visible pour être partagé par tous au-delà des questions plus sensibles des causes et des remèdes.

Ce sont justement les causes qui font l’objet ces derniers temps de débats importants concernant l’orientation à donner aux politiques publiques : Aménagement du territoire, ruralité, télétravail, habitat, mobilité, préservation des surfaces agricoles, biodiversité, transition énergétique, modernisation des commerces, tiers-lieux, santé et services publics. Toutes ces politiques se retrouvent convoquées au chevet des bourgs et des villes centres, au point de s’interroger s’il n’est pas trop tard ! Au demeurant aucune ne semble pouvoir répondre à elle seule à l’ampleur du défi : Comment repenser les territoires pour faire à nouveau cité ? Refaire centre et société.

Commençons par quelques données majeures de transformation de la société qui engagent notre réflexion sur le long cours. Au XX° siècle, la richesse produite a été multiplié par dix, les km parcourus quotidiennement par neuf – nous faisons en moyenne 45 km/jour pour répondre à nos différents besoins et en continuant sur notre lancée ces distances pourraient être doublées à l’horizon 2030. Notre espérance de vie a augmenté de 40%. Nous travaillons au mieux en France et en Europe 70 000 heures sur des vies de 700 000 heures. Et nous avons multiplié par quatre le temps disponible hors travail et sommeil. En conséquence, le rapport au temps, aux lieux et aux autres s’est modifié pour devenir individuel, mobile, qualitatif et affectif.

Les rapports sociaux issus du travail, du commerce et des engagements associatifs, professionnels, politiques cèdent le pas au profit des liens privés et affectifs au gré des fidélités successives. Nous possédons dans nos vies et nos têtes plusieurs territoires d’appartenance, d’identité, d’activités et de projets sur lesquels finalement nos désirs et nos envies pèsent plus que les faits et les contraintes. Cette transformation sociologique est majeure surtout chez les jeunes générations. Il s’en suit que nos modes de vies, nos mobilités, nos choix familiaux, notre rapport à la nature, aux vacances, à la culture sont devenus des « aménageurs territoriaux » plus puissants que les administrations du territoire et les politiques publiques.

C’est sans doute avec cet état d’esprit nouveau et positif qu’il nous faut réinventer les bourgs et les villes, refaire centre avec les parties sédentarisées qui parfois ont le sentiment d’être laissées pour compte. Nous avons peut-être à réinventer des modes participatifs, ludiques, festifs, ouverts qui ne peuvent se réduite seulement à l’utilité et la gestion en d’autres termes, retrouver le rôle central du social, du récit et du partage. Cela tombe plutôt bien car ces deux journées que nous proposons ont été bâties dans cette intention. Il nous faudra du temps et de la disponibilité pour engager ce qui est aussi une réforme de la pensée et du management des territoires. Du temps et de l’attention pour ne rien négliger, ni personne. Je terminerai sur une note familière, celle de Pierre Sansot qui jadis arpentait les chemins de halage et les ruelles de Monclar ou de Saint Pierre de Caubel. Il nous en a restitué le meilleur pour en faire ce que bon nous semblera « J'ai choisi mon camp, celui de la lenteur. J'éprouvais trop d'affection pour les méandres du Lot, un petit paresseux, et pour cette lumière qui en septembre s'attarde sur les derniers fruits de l'été et décline insensiblement.»

Christophe Thiébault le 10 octobre 2019

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