Nucléaire : quand Emmanuel Macron réécrit l'histoire

Nucléaire : quand Emmanuel Macron réécrit l'histoire

Bertrand GUYOTJournaliste à Front Populaire Publié le 6 septembre 2022

Attention, sujet sensible, n’interrogez surtout pas Emmanuel Macron sur sa responsabilité dans la crise énergétique que traverse la France. Ce lundi après-midi, lors de la conférence de presse qui a suivi un entretien téléphonique avec le chancelier allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron a dû défendre son bilan sur les questions énergétiques. Et s’est livré à un bien curieux exercice de réécriture de l’histoire. « J’ai agi pour que nous puissions sauver la filière nucléaire française », a-t-il rappelé, évoquant son rôle de ministre de l’Économie et de l’Industrie sous François Hollande.

Pendant l’exercice de cette fonction, il aurait « montré [sa] confiance dans le nucléaire à une époque où » il était « plutôt minoritaire ». Une fois devenu président, il aurait eu le mérite de repousser l’objectif de 50 % de part du nucléaire dans le mix énergétique à 2035 contre 2025, objectif fixé alors par François Hollande et issu, à l'époque, d’un accord avec EELV. Pour autant, une petite cure de rafraîchissement est nécessaire : Emmanuel Macron, le grand défenseur autoproclamé du nucléaire, déclarait le 9 février 2017, « ce n’est pas bon d’avoir 75 % de notre énergie qui vient du nucléaire ». Il affirmait alors : « je garderai le cadre de la loi de transition énergétique ». La phrase « je maintiens donc le cap des 50 % » était bien mise en avant, en vertEt surtout, aucune explication rationnelle ne venait alors expliquer les raisons de ce jugement.

Qu’Emmanuel Macron soit rassuré, le pallier de 50 % de part du nucléaire dans le mix énergétique français a été atteint à maintes reprises cet été. Lundi, pendant la conférence de presse, l’atome produisait près de 55 % de notre électricité. En même temps, la France exportait un peu moins de l’équivalent de la production de l’énergie solaire et éolienne cumulées, environ 7 150 Mégawats. L’énergie produite par la centrale Fessenheim — hors problèmes de corrosion ou maintenance — nous aurait alors bien aidés, même si elle n’aurait — largement — pas suffi à tout compenser.

Un manque de vision RH

En ce qui concerne la centrale alsacienne, Emmanuel Macron persiste, signe et assume sa décision de la fermer en 2020. Pour le président, cette centrale était la plus « vieille de France » et elle « ne faisait plus l’objet de travaux de maintenance depuis plus de cinq ans ». Pas de quoi justifier un arrêt : en 2019, l’Autorité de sûreté nucléaire l’assurait, « la performance de la centrale nucléaire de Fessenheim [restait] à un niveau satisfaisant en matière de sûreté nucléaire » et la centrale « se [situait] favorablement par rapport à la moyenne nationale ».

Enfin, Emmanuel Macron s’est défendu, expliquant que la centrale était proche de l’Allemagne, pays notoirement antinucléaire. L'Alsace serait-elle redevenue une province allemande ? Les Français, et tout particulièrement les Alsaciens, apprécieraient sans doute que Paris exige alors de Berlin la fermeture des centrales à charbons autrement plus polluantes et nocives pour la santé des humains que le nucléaire, situées à proximité de Karlsruhe ou de Sarrebruck et proche de la frontière. Pour qu’enfin s’applique le principe de réciprocité dans ce couple bancal où la France fait figure, presque systématiquement, d'éternelle cocue.

Enfin, Jupiter n’a pas apprécié la sortie Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF. Ce lundi 29 août, celui qui doit bientôt quitter l’entreprise a taclé le gouvernement lors des Rencontres des entrepreneurs de France (REF) du Medef. « On manque de bras parce que l’on n’a pas assez d’équipes formées », a-t-il tout d’abord estimé, avant de lancer un pavé dans la marre, devant une ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, particulièrement mal à l’aise. « On nous a dit : “Préparez-vous à fermer les douze suivantes”. Nous, avec la filière, nous n’avons pas embauché de gens pour construire douze centrales, nous en avons embauchés pour en fermer douze ».

L’énergie, une industrie du temps long

Ces propos ont fait sursauter Emmanuel Macron. « C’est absolument inacceptable que les gens qui ont eu la responsabilité des travaux de maintenance du parc installé puissent expliquer aujourd’hui que nous n’avons pas pris nos responsabilités », a-t-il tonné, avant d’affirmer que « dès les premiers mois de mon premier mandat, nous avons redonné de la visibilité à la filière ». Une visibilité, certes, mais au seul horizon 2035. Il serait bon de donner quelques cours de gestion de compétences RH au président de la République tant les politiques de recrutements prioritaires lui semblent inconnues. Quand un plan de charge chute, il est naturel de ne pas investir dans des métiers naturellement amenés à décliner.

Même s’il est vrai que les problèmes de corrosions ne sont pas imputables au gouvernement actuel et qu’en cela, la position de Jean-Bernard Lévy peut paraître un peu caricaturale, la réécriture de l’histoire réalisée ce lundi par Emmanuel Macron l’est au moins autant. L’inconvénient avec l’énergie, c’est qu’il s’agit d’une politique du temps long qui ne souffre pas de court-termisme. Les décisions — où l’absence de décisions — du quinquennat Hollande, suivies de leur matérialisation le quinquennat suivant ont logiquement eu des conséquences très concrètes une décennie plus tard, en 2022. Emmanuel Macron peut bien tenter d’esquiver les critiques, les faits sont là, et ils sont têtus, cruels et implacables. L’actuel président de la République porte une lourde responsabilité dans la crise.

Bonsoir Monsieur excuse-moi comment va le président et expliquer mon problème aidez-moi s'il vous plaît

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