Nullité de la convention de forfait jours : un risque financier important pour l’employeur
Dans un arrêt rendu récemment par la Cour d’appel de Versailles, le 26 janvier 2022, les juges se sont notamment prononcés sur la demande d’une salariée qui soulevait la nullité de la convention de forfait jours prévue à son contrat travail.
Les juges ont d’abord vérifié si le poste de la salariée était éligible au forfait jours. Il s’agissait de déterminer si elle relevait de la catégorie des cadres dits « autonomes » (article L.3121-43 du Code du travail)
Ensuite, ils ont constaté que l’employeur n’établissait pas avoir assuré ni de suivi régulier de l’organisation du travail de la salariée, ni de sa charge de travail et ni de l’amplitude de ses journées au moyen d’un décompte annuel du nombre de jours ou demi-journée réellement travaillé. Aucun entretien annuel portant sur la charge de travail ne s’était tenu.
En conséquence, la Cour d’appel considère que la convention de forfait est privée de tout effet et estime que la salariée est éligible au paiement d’heures supplémentaires.
Au soutien de sa demande, la salariée produisait un récapitulatif précis des horaires journaliers sur la période litigieuse, avec une heure d’arrivée, de départ, un temps de pause et le temps de travail en heures, ses agendas Outlook, ses notes de frais et mails. La Cour a considéré que ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire ses propres éléments.
L’employeur avait produit partiellement les horaires accomplis sur la base du relevé électronique du badge mais les juges ont estimé que compte tenu des éléments produits par la salariée, « l’employeur ne pouvait sérieusement soutenir qu’il ne demandait pas implicitement la réalisation d’heures supplémentaires. ».
La Cour fait droit partiellement à la demande de paiement d’heures supplémentaires: 99.317,43 euros outre les congés payés, 9.931,74 euros.
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En outre, l’employeur a été condamné à verser :
- 40.000 euros de dommages et intérêts au titre des contreparties obligatoires en repos et les congés payés afférents non pris, car le contingent annuel d’heures supplémentaires fixé par la convention collective avait été dépassé (100 heures)
- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect des durées maximales du travail car la salariée prétendait qu’elle travaillait plus de 10 heures par jour et plus de 48 heures par semaine
- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect du repos quotidien pendant les séminaires auxquels participait la salariée.
La salariée a perçu aussi la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi pour n’avoir bénéficié d’aucune formation ni d’évaluation de compétences en 10 ans.
Cour d’appel de Versailles 17ème chambre, 26 janvier 2022, n°19/01734