Numérique, service public et territoires : penser l’humain au-delà de l’outil
Par Sophie Noël et Richard Turco
Un territoire est un écosystème complexe, à l’image de la diversité des individus qui le composent. Comment le numérique peut-il faire se rencontrer le « qui suis-je ? » du citoyen et le « qui sommes-nous ? » de la collectivité pour définir, dans un espace d’échange commun, le « que faisons-nous ensemble ? ».
Une aire, un territoire réel et virtuel
Le territoire communal est un échelon à part, pour tout un chacun. Les évolutions de la décentralisation, la répartition des compétences, tout cela reste un discours flou pour l’usager dans sa sphère du quotidien. En cas de problème, le réflexe de s’adresser à sa Mairie, seul échelon de proximité véritablement identifié, prédomine chez la majorité des citoyens.
Du côté de l’administration, on se pose les questions d’une efficacité maximale dans un contexte de réduction des capacités économiques. Comment faire plus avec moins de moyens et de personnels, comment répondre à des souhaits d’usagers attendant des collectivités le même niveau de service que lorsqu’ils sont clients d’une entreprise ? Les définitions de la quantité et de la qualité des services rendus se trouvent questionnées dans chaque administration.
Innovation publique, simplification administrative, efficacité économique, ces trois données doivent aujourd’hui se combiner, c’est un fait. Mais la réussite du service public numérique se situe au-delà de ces seules ambitions. Il ne faut pas perdre de vue que la relation de proximité, même dans l’utilisation de solutions virtuelles, doit rester au niveau du « maillon humain ». L’usager doit être vu et vécu comme l'élément socle de l’écosystème numérique territorial.
Dans une optique de service public numérique, un objectif central doit rester à l’esprit : comment le numérique constitue-t-il une meilleure solution du vivre ensemble, comment ne se réduit-il pas à une simple relation bilatérale entre l’usager et l’administration ?
Si cet objectif est perdu de vue, le risque est d’enfermer le service public numérique dans une relation basique de client à fournisseur de service, n’offrant aucune plus-value territoriale et sociale. Avec pour conséquence que les soi-disant objectifs d’innovation digitale de la sphère publique s’avèrent être, in fine, une simple copie dégradée de solutions depuis longtemps mises en œuvre par le secteur commercial.
Un air, de liberté et de partage
Le citoyen est à la recherche de services efficaces et simplifiés, c’est un fait. Mais il est tout autant à la recherche d’informations et de partage sur ce qui est constitutif de sa vie, ses besoins et son confort quotidiens, surtout lorsque le temps vient à manquer pour tout gérer.
Les réponses d’aujourd’hui doivent mettre les citoyens en lien les uns avec les autres, pour mieux partager les besoins et les solutions. Cette notion de solidarité citoyenne, s’inspirant des principes de l’économie collaborative dans son aspect non marchand, est un point clé de la dématérialisation des échanges dans la sphère publique en ce qu’elle doit permettre de garantir, lors de l’usage de solutions virtuelles, de la proximité humaine et un sentiment d’appartenance à la communauté constitutive d’un territoire.
Le numérique peut être un outil au service du renouvellement des modes de fabrication de la ville, dans son aptitude à joindre plus facilement les citoyens et à moderniser les processus démocratiques. Les champs d’interventions sont nombreux et peuvent renvoyer autant à la participation citoyenne, au pouvoir d’agir qu’aux recours à des solutions collaboratives dans la vie quotidienne.
Il faut donc penser tout autant outil d’information et de services qu’outil d’échange, d’entraide et de démocratie locale. Le numérique doit s’atteler à répondre aux défis de proximité d'un territoire et à utiliser, pour le bien commun, les véritables atouts et ressources qui le constituent : ses femmes et ses hommes qui, dans leur diversité, sont les véritables moteurs actifs d’une communauté.
La boîte à outils numériques des collectivités doit y jouer à plein son rôle de passerelle.