Pédagogie de l'atelier
« Seule compte l’expérimentation, le reste n’est qu’information » A. Einstein
Cette citation typique à la formation scientifique est, certes partiellement inappropriée pour l’enseignement de l’architecture mais adhère malgré tout à l’apprentissage actif qui selon Bonwell et Eisen (1991. Enseigner à l'université: Conseils pratiques, astuces, méthodes pédagogiques. Markus Brauer) se distingue d’autres méthodes d’enseignement par plusieurs caractéristiques.
En substance, les stratégies d’apprentissage actif :
1. Impliquent de la part des étudiants plus que simplement d’écouter ;
2. Mettent plus l’accent sur le développement des savoir-faire des étudiants que sur la transmission d’informations ;
3. Engagent les étudiants à participer activement à des activités (lire, écrire, discuter) dont la plupart nécessitent l’utilisation de capacités de réflexion d’un niveau supérieur (Analyse, synthèse, application, évaluation) ;
4. Donnent aux étudiants la possibilité d’explorer leurs propres idées, attitudes et croyances à propos du thème étudié (shakarian, 1995).
Dynamiser – Perfectionner – Produire.
Le coaching Le mot coaching, dont l'origine du nom vient de coche, désigne une activité orientée vers l'accompagnement et l'épanouissement de la personne coachée. Plutôt qu’être un architecte enseignant, je considère ma position dans le cadre d’un studio/atelier comme celle d’un coach chargé d’émanciper son équipe. Elaborer une stratégie de travail, dynamiser et éduquer, voici quelques rôle que je m’alloue.
Je propose de « border » l’atelier par deux principes « éducatifs » : Outre l’enseignement « orthodoxe » : connaissances culturelles, techniques d’analyses, les intervenants de l’urbain et de l’architecture, codes de la représentation… Une position autrement dynamique qui invite l’étudiant à s’aventurer en lui. Nous parlerons un peu à la manière de « La fabrique du lieu » (Jean-Noël Blanc Sociologue à l’école d’architecture de Saint-Étienne & Francis Nordemann, architecte et urbaniste, université de Pennsylvanie) ce qu’être là, dans un lieu défini, qu’est-ce que cela veut dire ? Nous aborderons par la trame intime le passage du lieu à l’installation en stimulant les allers-retours entre les acquis provenant de l’extérieur, du domaine de l’apprentissage et du respect des codes en y opposant la représentation que peut s’en faire un étudiant « désinhibé ». Atelier Burdèse/Engrand/Dequet 4e année Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille France. 1995-1999.
§ Une règle d’or dans l’atelier : Limiter au maximum le travail de brouillon sur ordinateur. Les étudiants utilisent du calque d’étude, papier et une panoplie de feutres, crayons, stylo. Donner le goût du dessin, du travail de superposition des calques. La fin fondamentale étant de faire durer au maximum la phase de brouillon (la projetation) et d’établir les connexions (les allers-retours) entre les analyses (Historique, géographique, morphologique, sociologique etc.) et le projet.
§ L’apprentissage d’une technique d’analyse personnelle n’est possible qu’en quatrième et cinquième année. Il faut de la maturité pour ne pas succomber à l’imagerie architecturale qui peut engourdir les mouvements de la pensée et laisser quasi-exclusivement la place aux conclusions confortables et séduisantes. Durant cette phase de « post-conception » notre travail ne consiste pas à répondre mais à questionner (Alors que l’Architecture est pour l’étudiant de l’ordre de la réponse).
§ Les axes : La posture de conception et la démarche de projétation contre une vision « unitariste » et « méthodologiste ». La richesse des postures (intellectuelles), la variété d’approches favorise la qualité des projets. Opposer et/ou distinguer : Processus de production (posture évolutive) et méthodologie de production (posture codifiée et démarche linéaire conduisant à la fonctionnalité et la constructibilité).
§ L’obligation de travailler à l’intérieur d’un champ paradigmatique (vision cohérente, matrices…) favorise l’expérience intime. L’étudiant est préservé d’un contexte doctrinal (étranger) qui peut (eu égard à sa jeunesse), à son insu, régler sa pensée.
§ Le travail collectif simultané (1 semestre), le temps du brouillon, favorisent la singularité de l’expérience chez l’étudiant. La multiplicité des interventions expérimente ses choix initiaux et renforce sa spécificité. L’étudiant doit s’expliquer, abandonner toute velléité de propriétaire, toute tentation de clore trop rapidement sur une « trouvaille ». Une pensée ne peut être bonne tout simplement parce qu’elle nous appartient.
§ Construire une culture de la métaphore pour en épuiser les représentations normatives (images et textes). L’étudiant doit renouer avec son intimité, se confronter au moment présent du travail. S’investir en lui et hors de lui. Apprendre la « désinhibition ». Désapprendre avant d’apprendre à fin de « désenfouir » ses désirs et ses volontés qu’il est souvent plus confortable de recouvrir d’une réponse formelle.
§ Se défier de toute propension despotique ;
§ Éviter la confusion conception / architecture conceptuelle & urbanisme conceptuel ;
§ Éviter la confusion conception / créativité ;
§ Affirmer nos modèles doctrinaux ;
§ La psychologie environnementale ;
§ Le travail sur maquette : plan maquette et maquette d’étude.
Psychologie de l’environnement. « Les rues sont l’appartement du collectif. Le collectif est un être sans cesse en mouvement, sans cesse agité, qui vit, expérimente, connaît et invente autant de choses entre les façades des immeubles que des individus à l’abri de leurs quatre murs». Walter Benjamin, Paris capitale du XIXe s
STUDIO (Généralement 4H/Semaine) 1ère année.
§ Cette approche nécessite de « mettre l’étudiant dans le bain » afin de ne pas perdre du temps. Sur la base de 4h par semaine, 1 à 2 séances d’introduction sur la méthode employée sont indispensables.
§ Cours de psychologie environnementale (voir cours joint) + lecture.
§ Une relation unique : Le cerveau / la main / le crayon (Renzo Piano).
§ Le calque & La maquette. L’informatique impose une forme radicale et géométrique qui impose un concept figé, c’est déjà un projet et cependant encore rien. En superposant les croquis aux notes, par les effets de passage du crayon sur un même trait, en repliant le calque sur lui-même ; la forme naît progressivement et s’impose. Ce n’est pas là une vision passéiste du métier mais il y a quelques années, à Bordeaux nous avions travaillé sur un logiciel qui pouvait reproduire en plan et volume nos croquis scannés. Mais l’aspect intuitif n’était pas maîtrisable à cette époque (ce l’est aujourd’hui).
§ Je propose dans un premier temps un travail sur un sujet simple du type kiosque à fleurs en respectant les démarches d’analyses puis de projétation et enfin de représentation que je propose. Selon la qualité d’acceptation des étudiants nous pouvons rapidement conduire la réflexion sur un projet de musée, de salle de spectacle, mais aussi une approche urbaine à l’échelle de l’îlot pour sensibiliser les étudiants à une approche distincte de l’analyse historique.
Pourquoi ne pas envisager : Une coopérative d’achat de matériel de maquette qui rend responsable l’étudiant et réduit par l’achat groupé le coût des achats (matériel de dessin, plastiline, pâte à modeler, balsa, corde à piano, polystyrène non expansé, solvant, peinture à la bombe de type Marabou, carton plume, aluminium…).
Usine Mac Cain dans le Nord de la France (Ville non communicable). Dequet. L. Architecte
En 4ème et 5ème année l’atelier se développe sur un axe tendu : du projet urbain au projet de bâtiment. En gardant ce cap, d’un travail en binôme au projet individuel, l’étudiant comprend qu’il peut maîtriser de l’urbain au bâti, un projet complet. Implanter un musée, une plate forme multimodale, une médiathèque en fin de projet urbain est une immense satisfaction pour l’étudiant et le plaisir reste toujours un moteur dynamique incomparable.
Pour les années qui précédent il est important de gérer essentiellement sur un projet du bâti, le contrôle des outils (Bien qu’il soit irréalisable de maîtriser un objet bâti hors d’un paysage !). D’un kiosque au projet de salle de spectacle en passant par l’analyse du paysage ; les premières années.
Une analyse orientée.
L’analyse et le projet ne sont jamais dissociés durant l’année, l’une corrige l’autre et réciproquement. Si l’analyse historique est de norme ; il est important parallèlement de développer l’analyse physique (plus adapté au projet architectural) et psychologique de l’espace. Cette approche « psycho-morphologique » du lieu apporte des réponses fréquemment inhérentes aux questions. Il est utile durant cette phase d’envisager et de demander à l’étudiant de proposer son projet (le dessiner rapidement pour la semaine suivante) et l’analyser en groupe afin de démontrer ou simplement montrer le caractère de « la voie sans issue » liée à la précipitation mais aussi de remédier au fil du temps à la difficulté d’abandonner ses idées (posture de propriétaire). La succession de projets avortés et abandonnés liés à l’accumulation des profils d’analyses conduit l’étudiant au projet final (théoriquement indissociable de la « bonne » analyse).
Vers un nouveau musée Villeneuve d’Ascq 59. Dequet L. Architecte
Que se soit pour l’analyse de paysage urbain ou l’analyse de l’objet ; il est important d’expérimenter. Détourner le sens en interrogeant le lieu et l’espace par des montages vidéos en utilisant des bandes sonores (Un lieu de culte est il toujours lisible avec des bruits de mobylettes, de plage, de jeu ou avec la musique de U2). Utiliser (toujours par le montage) la réimplantation, comment interroger le lieu : Une salle de spectacle est elle toujours lisible au centre d’un carrefour routier, ferroviaire, au milieu du désert… La lecture du plein et du vide, l’architecture c’est aussi la transition, mettre en vocabulaire la magie du lieu… Bref il y a bon nombre de possibilités pour détourner et comprendre l’objet et l’étudiant devra en concevoir de très personnelles dans le but de « se trouver ».
L’analyse sera progressivement orientée : nous devons vendre un produit ! Sans tricher et sans détourner le sens, l’architecte doit vendre son projet et il est important de donner un sens à son analyse et de ne pas se limiter à un bel écrit et de belles représentations sans débouché.
En fin de cycle : Le projet appareillé de son analyse seront « vendus » (présentés) sur un montage exportable sur le net en un clic, clef usb ne durant pas plus de 3 mn (commentaire, bande sonore…). Analyses, croquis, plans et maquettes y seront présentés. Il est important d’apprendre à exporter et présenter sans être présent, nos projets sans courir aux 4 coins du pays voire du monde. Communiquer vite et très bien ! Semer la graine dans l’esprit de l’autre.
Pour en arriver là, les étudiants travaillent sur calque (Sauf « la mise au propre ») et sur maquettes. Les espaces et volumes sont contrôlés et modifiés en effectuant des modifications des plans en fonction de la maquette et inversement. La mise à l’échelle humaine est immédiate en contrôlant la maquette avec un Fish œil (Œilleton de porte). Dans un premier temps sur plastiline, argile, carton plume pour aboutir à une maquette finale en polystyrène non expansé (plaques de 1 à 3 mm soudées avec un solvant). Des maquettes d’analyses seront aussi réalisées car il n’y a pas que le plan et l’écrit pour démontrer une analyse (dossier communiqué). J’ai par exemple travaillé pour le concours des gares TGV (Lille, Bruxelles, Berlin) et proposé des rendus en superposant analyse et projet en maquette dans les caisses de flipper (Vitesse de la balle) + texte (élément important) + titre. Mais aussi sur Lille ville olympique 2004 ou des studios pour femmes célibataires à Tokyo, concours d’idées pour la réhabilitation de Bauhaus etc.
Plan maquette : Etude sur les gares TGV. Bruxelles/Berlin. Atelier Burdése/Engrand/Dequet. Ecole d’architecture et de paysage de Lille 1998.
Hôtel à Roubaix (Nord de la France). Dequet. L. Architecte
ATELIER
Lorsqu’un architecte, un concepteur du cadre bâti aborde le projet, il se heurte rapidement à la question de la méthodologie. Il met en confrontation ses acquis et la réalité. Quel cheminement intellectuel prédispose au mieux à l’élaboration du projet ? L’architecte se heurte aussi aux frustrations ! Alors, comment faire pour optimiser cette phase et fuir le « préconçu » ?
§ Comment aborder le projet, sous quel angle d’attaque ?
§ Comment, même dans le cadre d’une analyse dynamique et orienté (analyse qui intègre un cahier des charges et un budget), l’architecte établit les liens entre cette analyse et le projet « dessiné » ?
§ Quel serait le bon parcours intellectuel ?
§ Comment éviter les erreurs ?
§ La posture de propriétaire de l’idée, sous-entendu de génie, ne paralyse-t-elle pas notre capacité à innover, nous remettre en cause ?
§ Comment concevoir ?
§ Comment projeter ?
§ Quel type d’agence (d’atelier) pour le futur architecte ?
1. La conception n’est pas un processus linéaire et cumulatif.
J’ai été amené, suite à mon travail avec les acteurs du cadre bâti et les étudiants, à proposer une distinction idéal-typique au sein du processus global de production d'un objet architectural entre, d'une part la posture de conception, et d'autre part la démarche de projetation, postulant qu'il s’agissait là de deux modes de mobilisation intellectuelle spécifiques, voire même antithétiques, s'appuyant sur des outils de natures différentes. Par cette distinction, je voulais m’inscrire en faux contre une vision « unitariste » et « méthodologiste » définissant comme conception l'ensemble du processus de production conçu comme une démarche linéaire, cumulative. Enchaînant des étapes nécessaires, fruit d'un dessin qui progresserait continument et sûrement vers le réalisme (assimilé le plus souvent à la fonctionnalité et à la constructibilité).
2. Pédagogie : Quatre précautions préalables. La question du projet : Se défier de toute tentation hégémonique
L’encadrement formel du projet articulé avec un travail de recherche, ne prétend proposer aucun modèle de pédagogie. C’est bien parce que d'autres formations au projet sont assurées que l’on peut envisager cette expérience, incapable à elle seule de préparer au projet. Certes, il est nécessaire de « forcer » sur les commencements du projet, le processus de conception, l'apprentissage d'une posture intellectuelle que l’on estime essentielle pour le devenir d'un architecte, le développement d‘un métier. Les futurs architectes doivent aussi apprendre en d’autres lieux à maîtriser l'ensemble du travail de projet, à répondre aux obligations de commandes concrètes.
3. Eviter ta confusion conception / architecture conceptuelle.
Le travail fourni par le jeune architecte consiste à maintenir le plus longtemps possible la phase de brouillon, considérée comme la période où les capacités à penser sont massivement convoquées pour l’efficience du projet. Ce travail se conclut en la formalisation solide d’une conception aboutie que l'on ne saurait assimiler à une maquette de projet d'architecture “conceptuelle" mais que l'on doit comprendre comme la figuration concrète d'une pensée décisive, interrompue au profit d'un projet possible. Ce point de conversion du travail de projet est désigné comme fondamental dans l’élaboration du projet comme dans la recherche.
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4. Eviter la confusion conception / créativité.
Bien que la formalisation finale du travail de conception témoigne de l'inventivité de l'architecte, le processus mis en place ne doit pas être confondu avec un travail d'expression plastique pour qui - et à juste titre - le résultat formel est de première importance et représente l'objet, tel qu'en lui-même, de la sanction du travail.
Pour la conception, peu importe la forme concrète, ce qui importe, c'est la rhétorique de la pensée construite pour le projet. La réussite de la formalisation est d'ordre linguistique : une langue doit tenir le projet, ce dont témoigne, ce que prouve la figuration solide de la conception. Son esthétisme est une “écume" secondaire, mais non négligeable comme protocole de conclusion dans le contexte concret où s'élabore la conception.
5. Affirmer nos paradigmes doctrinaux.
Tout travail nécessite un théâtre d’opération. Celui de la conception, au sein d’un l’atelier d’architecture (une agence, un cabinet, une SARL …), s’échafaude autour de paradigmes doctrinaux, ceux qui nous concernent, qui sont clairement et radicalement énoncés comme un ensemble d'injonctions (d’ordres), d'impératifs catégoriques auquel le futur architecte doit s’adapter. Les maîtrise des cadres intellectuels qui structurent la réflexion sur le projet seraient inadaptés, incompétents pour accompagner, nourrir, contrôler une élaboration du projet de conception dont les doctrines nous seraient étrangères. Il n'existe pas de méthodologie “objective" pour l'élaboration conceptuelle du projet et cette posture face à la gestion de la conception exige une posture d'adhésion - momentanée, stratégique, de circonstance. Le profit, pour le jeune architecte, est autant dans la soumission aux paradigmes doctrinaux que dans leur transgression, l’important étant qu'ils soient identifiés, qu’ils fabriquent une contexture d'évolution, de résistance, de confrontation pour la pensée.
6. Un travail de brouillon. La dichotomie conception / projétation traverse autant la langue que le dessin.
Au dessin instrumental, codifié, universellement intelligible de la projétation, s'opposent les graffitis de la conception; dessins d'exploration à l’usage intime, d'une pensée en travail.
A la langue qui énonce, construit, éclaire, argumente, dont la fonction est d’accompagner, ajuster, rendre cohérent le travail de projétation, s'oppose la langue qui défait, démonte, déconstruit, ose la langue qui s'essaye à des montages éphémères, des associations audacieuses, "pour voir".
Le travail de brouillon consiste à entretenir cette imbrication, ces réponses entre une langue mise en jeu et les graffitis : il s’agit de repousser les arrêts sur images, de passer outre les tournures conclusives. Afin de contenir, dans les commencements, l'effervescence de la pensée, d'incessamment revenir au jeu fécond des abstractions et de délaisser les images, le travail de brouillon s'organise, s'échauffe de la tension entretenue entre deux périodes distinctes, dont les durées et les rythmes d'alternance sont orchestrés par un planning imposé (auto-imposé précisément).
6.1. Un travail de déconstruction de la langue.
Les mots sont mis en jeu, les organisations syntaxiques ne survivent pas. La pensée sautille de figure en figure, de trope en trope, ce dont témoignent graffitis et verbalisations. Cette période d'excitation interdit toute forme d'étalement, de prise ou de précipité de la pensée. Il s’agit, selon la terminologie derridienne, par ces opérations de dissémination de la langue, de faire en sorte que ne se reconstitue le logocentrisme paternaliste de l’agence (je préfère dire: atelier) d’architecte, que ne s'énonce l'architecture comme métaphysique. Le travail de conception comme possession de sa pensée doit écarter toute dévotion au discours docte. L’important est, comme l'affirme Walter Benjamin, de perdre son chemin.
6.2. Un travail de métaphorisation.
En contrepoint de la dissémination de la langue, il s’agit d’attraper des îlots de cohérence, des articulations fécondes, de s'arrimer à des figures stables, autant déclamées que dessinées, à des métaphores décisives pour mieux échafauder une fabulation dont on tire profit par la fécondité des interprétations qu’elle autorise du réel. La métaphore arrache le futur architecte au tel quel du contexte et aux systèmes de question / réponse que celui-ci induit spontanément, débouchant au mieux sur le très classique parti architectural, dispositif formel archétypique. Le travail analogique fabrique un décalage fécond entre la précision, la cohérence, la perfection de l’évocation métaphorique et l'impossibilité d’en décalquer une image concrète, immédiate et mécanique. Le travail dans la métaphore favorise l'élaboration d’une narration, d'un récit dont la défocalisation de l'univers architectural libère les éléments essentiels de la constellation métaphorique de toute obligation contextuelle, et autorise les articulations, les montages les plus hardis, afin de parvenir à une proposition décalée, cernée, close, décisive rigoureusement cohérente à l’intérieur du système métaphorique, à la propension illimitée puisqu’indéfiniment interprétable et non assujettie à une expression formelle. La pensée est rendue “libre de ses mouvements". Il est essentiel que les acteurs du projet, au sein d’une même agence parviennent collectivement à fabriquer ce que Deleuze nomme un “discours de minorité”, une connivence, une intelligibilité éphémère, opportune, du hic et nunc dans l'atelier de l’architecte vécu comme lieu propice d’invention.
6.3. Une expérience intellectuelle.
Ce ne sera pas la richesse linguistique ou la singularité rhétorique qui sera exclusivement recherchée durant cette phase d’élaboration du projet mais la capacité à proposer des configurations verbales capables de faire “résonner” (et raisonner) le contexte, capables d'opérer une mise en jeu des éléments identifiés, essentiels, ayant une forte portance pour le travail de projet et désignés simultanément dans le champ métaphorique et dans la « recontextualisation » du projet conformément aux paradigmes doctrinaux : configurations ayant à la fois les vertus de l'abstrait et du concret. Ainsi, l’architecte pourra tirer profit de la tension que lui fournit l'ambivalence des termes du travail : allier la souplesse et la rapidité des opérations abstraites et les manipulations possibles d'éléments concrets élus pour leur pertinence opératoire. Le travail de projet, à partir de la distinction conception/projétation, tente de faire admettre à l’architecte que « l’architecturalité » d’un projet n’est pas essentiellement issue du travail sur sa forme, mais de la construction d'une volonté intellectuelle dont le projet est l'expérience, l’interprétation.
7. Quatre aphorismes sous forme de paradoxes.
7.1. L'apprentissage des commencements n’est possible que durant les dernières années d’apprentissage du métier et si possible avant l’attache professionnelle : il faut de la maturité pour ne pas se laisser entraîner à l'imagerie architecturale qui risque d'engourdir les mouvements de la pensée dans des conclusions confortables et séduisantes, souvent conformes à la demande. Le travail de conception ne consiste pas à répondre mais à questionner, alors que l’architecture est pour un grand nombre d’architectes, de l'ordre de la réponse.
7.2. L’obligation impérieuse de travailler à l’intérieur d'un champ paradigmatique favorise l’expérience la plus singulière, la plus infime chez l'architecte: d’une part celui-ci est libéré de la difficile (eu égard à sa jeunesse professionnelle) nécessité de se pourvoir d'un contexte doctrinal, d'autre part il apprend à se prémunir d’une pollution doctrinale étrangère qui aurait pu à son insu, régler sa pensée.
7.3. Le travail collectif (au sein d’une équipe transdisciplinaire), simultané, le temps du brouillon, favorise la singularité de l’expérience chez l’architecte. La multiplicité des interventions éprouve son choix initial, en renforce la spécificité. Le concepteur se trouve dans l’obligation de s'expliquer, d’abandonner toute velléité de propriétaire, toute tentation de clore sur une “trouvaille”. Une pensée ne peut être bonne simplement parce qu’elle vous appartient.
7.4. Construire une culture de la métaphore pour en épuiser les représentations canoniques (Images, Textes) afin d'évacuer les évocations qu’elle véhicule par nature. L'architecte en herbe doit renouer avec son intimité, se confronter au moment présent du travail, et reconfigurer à sa manière l'évocation métaphorique dont il est l'interprète. Le travail de conception, c’est aussi apprendre au sujet à s'investir, c’est apprendre la désinhibition. L’intellectualité du travail aide à “désenfouir" des désirs et des volontés qu‘il est plus souvent confortable de recouvrir d'une réponse formelle.
En résumé : La conception ne peut être une avancée linéaire, cumulative, d'autre part la conception ne s’élabore pas avec une posture de rétention individuelle, une psychologie de propriétaire.
Note complémentaire.
« Donne un poisson à un homme, tu le nourris pour un jour. Apprends-lui à pêcher, il se nourrira toute sa vie » Lao Tseu
Que ce soit pour le cours ou le studio/atelier architecture, mon approche pédagogique résulte en majeure partie d’un ouvrage de Markus Brauer : Enseigner à l’université. Markus Brauer est directeur du laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO-CNRS) à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Elle résulte également de ma propre expérience acquise au cours des années de pratiques et de la diversité des publics.
Lorsque l’on observe la pyramide de l’apprentissage qui représente le taux de mémorisation en fonction de la méthode d’enseignement, il s’avère que l’enseignement frontal représente 5% du taux de mémorisation pour atteindre 90% dans l’enseignement aux autres ! De la démonstration (30%) à l’exercice pratique (75%), le choix s’impose de lui-même. Je base donc mon travail sur un apprentissage actif, en impliquant activement les étudiants : participation aux tâches de raisonnement supérieur telles que l’analyse, la synthèse et l’évaluation. Le travail s’accomplit selon deux temps : la moitié de son temps en cours et l’autre moitié à effectuer du travail personnel. Pour information on considère 1 heure de travail personnel en cycle licence pour 1 h de cours, 2 h en master et 3 en doctorat, toujours pour 1h de cours donnée.
Conduite pédagogique :
« J’entends et j’oublie. Je vois et je me souviens. Je fais et je comprends. » Confucius
La lecture obligatoire facilite l’apprentissage actif. Cette lecture s’accompagne de questions sur le texte à préparer.
Préparer mieux l’étudiant à la vie professionnelle. Dans un monde professionnel en constante progression – il est estimé que les connaissances scientifiques doublent tous les 20 ans. Sans professeur ou plutôt sans véritable transmission orale, il est important d’apprendre à nos jeunes, la manière d’extraire l’information et d’élargir leur champ de compétence.
L’utilisation de la lecture obligatoire nous libère de l’obligation de ne rien oublier et permet de parler librement à partir de notes sommaires.
Avant dernier point sur le rôle majeur de la lecture obligatoire ; la prise de notes active la mémoire à court terme (informations auditives), totalement inefficace ! En libérant par la lecture obligatoire ; la prise de note et en favorisant l’intérêt pour les informations pertinentes d’un texte, l’étudiant favorisera son attention sur la compréhension d’un cours.
Dernier point : l’anglais restera pour les 50 prochaines années, que l’on approuve ou non, on ne peut pas nier cette évidence ; l’anglais demeurera la langue dominante de la recherche internationale. Il sera impératif d’orienter le travail de nos étudiants dans la recherche et la traduction de textes « en anglais ». De quelques lignes aux articles.
En pré-conclusion : Je considère que l’enseignement est plus efficace si une partie de l’apprentissage se fait en dehors du cours. Je ne parle pas ici de désinvestissement de la part de l’enseignant car au contraire, ce travail personnel se doit d’être préparé, encadré et suivi.
Le syllabus ou descriptif de cours – plan de cours ou « contrat ».
« Les choses ne sont pas difficile à faire, le plus difficile est de se mettre en état de les faire. » Constantin Brancusi
Ce document essentiel à la qualité du cours sera distribué aux étudiants le premier jour de cours. La rédaction du syllabus est l’élément le plus important dans la préparation d’un cours. Cours et studio/atelier utilisent quelques ouvrages (l’axe principal du cours) et bon nombre de textes photocopiés et sites internet. Il est important de limiter la quantité d’ouvrages à lires et privilégier la qualité en alimentant le travail de l’étudiant par des articles de presse ou extraits choisis.
1. Prise de contact
2. Présentation de syllabus
3. Permanence
4. Accords conclus
5. Enseignement du cours magistral
6. Activités pédagogiques & apprentissage actif
7. Associations mentales
8. Feedback !
9. Discussions participatives
10. Les examens : tests avec questions ouvertes / QCM. Autres méthodes d’évaluation.
11. Gestion de l’étudiant
12. Planning
13. La méthode EQLAT : Ensemble. Question. Lecture. Auto récitation. Test.
BIBLIOGRAPHIE
§ Prolégomènes à une psychologie de l’Architecture. Heinrich Wöfflin (Broché)
§ L’espace vivant. Jean Cousin. Ed Le Moniteur
§ Brigitte Donnadieu : A définir selon TP (Ouvrages et conférences). L’apprentissage du regard. Ed La Villette.
§ Architectural Modelmaking. Nick Dunn. Ed Laurence King
§ Réaliser une maquette d’architecture. Eva Pascuali… Ed Eyrolles
§ La psychologie environnementale. Université Paul Verlaine de Metz.
§ Ateliers CERTU.
§ Atelier Burdése/Engrand/Dequet Lille 1995-1999.