“Pan-médicalisme ?”

Merci Monsieur Comte-Sponville pour votre éditorial dans le numéro 648 de Challenges.

A l'évidence, des choses devront être revues dans le financement de la santé et des erreurs ont été commises dans le passé dont cette crise est un révélateur. Soyons cependant vigilants à ce que les vrais sujets soient adressés dans une logique de bonne allocation des ressources publiques. Certes, il ne faut pas mégoter sur la santé mais il y a tant d'autres sujets sur lesquels il ne faut pas mégoter qu’il faudra bien arbitrer.

Prenons l'exemple du nombre de lits de réanimation. Nous avons tous entendu ce cri d’alarme, "la France manque de lits de réanimation !", repris et amplifié sans filtre par tous les médias. Aujourd’hui, nous entendons que "nous passerons le cap !". L'Hôpital s’est adapté à la situation en revoyant la distribution des lits. En même temps, une logistique a été mise en place pour mieux répartir la charge sur l'ensemble du territoire. Tout cela ne s'est pas fait sans efforts et sans difficultés. Certes, les soignants ont fait leur travail et rempli la mission qui leur est assignée mais l'effort et le sacrifice doivent être reconnus. Ils ont aussi démontré que ce service public sait faire preuve d’agilité.

L'Hôpital a surfé sur la crête, il a frôlé la rupture et il semblerait qu’il va passer le cap. Prenons du recul. Ne pas dimensionner notre capacité sur la base d’un pic, a fortiori centennal, c’est une évidence. Appréhender le sujet dans le cadre d’une vision globale en intégrant la capacité à reconvertir des lits et à répartir l’effort sur toutes les régions, aussi.

Mais pourquoi donc alors ce cri d’alarme et pourquoi n’a t il pas été challengé ? Est-ce une perte de sang-froid face à la crise ? Est-ce un ancien réflexe lié à la prise en compte de ce paramètre dans le calcul de la dotation budgétaire des hôpitaux ? Dans les deux cas, le rôle de l'administration et du politique ne peuvent être critiqué, ce serait bien de le reconnaître. 

Pour autant, il y a semble-t-il de vrais sujets : la dépendance à l'étranger qui a pesé sur notre approvisionnement, une politique de longue date qui doit être corrigée; le déficit en masque, vraisemblablement un mauvais arbitrage budgétaire que le monde politique et les médias doivent assumer collectivement vue la responsabilité aveuglante de ceux qui ont crié à l'erreur de gestion lors de la crise H1N1 !

Plus fondamentalement, le financement de notre système de santé doit être amendé. Le monde entier nous envie la solidarité (au pays de l’individualisme !) que démontre le niveau de nos dépenses publiques pour la santé, tout comme sont généralement reconnues l'excellence de notre médecine de pointe, majoritairement à l’hôpital, et l'efficacité de l'organisation de la santé en France.

Cette crise met en évidence l’importance de l’organisation publique de la santé et la nécessité de lui accorder les moyens dont elle a besoin. Mais, vraisemblablement, nos capacités ne nous permettent pas d’augmenter de trop le budget de la santé, cela ne serait pas raisonnable. C'est donc un redéploiement des moyens qu'il faut envisager. Cela nous oblige de fait à nous interroger sur le décalage entre cette mission stratégique et le déséquilibre de moyens que l’on constate entre le service public et la médecine privé.

Les médecins spécialistes en ville sont outrageusement bien rémunérés et leur pratique dans le privé semble privilégiée quand l’hôpital public n’a pas les moyens de les concurrencer. Est-il normal que ceux qui œuvrent pour le bien de tous, qui subissent de plein fouet les crises sanitaires, qui soutiennent cette excellence médicale soient aussi injustement pénalisés? Un rééquilibrage entre les moyens publics alloués à la médecine de ville et à la médecine publique est indispensable.

Une fois corrigés les manques flagrants (les masques, notre dépendance...), plusieurs axes semblent devoir être poursuivis pour redonner ses chances au service public là où il est concurrencé.

La crise de l’hôpital qui a précédé la crise sanitaire a montré qu’il faut augmenter les effectifs de certaines catégories de personnel via une politique d’embauche amendée, et revaloriser les métiers via une meilleure distribution des rôles et responsabilités. Pour adresser la crise des vocations, il faut aussi revoir les conditions de travail et les salaires afin de valoriser, attirer, motiver et garder les bons collaborateurs. Il s’agit bien ici de tous ces métiers peu valorisés qui font marcher l’hôpital.

Il faudra pour cela dégager des moyens en prenant des décisions courageuses afin de réduire le financement public dont bénéficie le secteur privé quand il est en concurrence avec le public, c'est une question d'équité et d’économie.

Enfin, Il faut transformer l'Hôpital pour optimiser son fonctionnement, améliorer l'accueil des usagers et la qualité des services qui leur sont proposés. La population a confiance dans l'Hôpital pour la qualité des soins de pointe qui y sont délivrés mais ne supporte plus l'attente pour un rendez-vous, les salles d'attente encombrées, la lourdeur administrative et les formalités… Les usagers doivent venir à l’hôpital parce que c’est mieux pas parce qu’ils y sont contraints ! Là se joue la survie de l’hôpital public.

En somme, il s’agit de faire pour l’hôpital ce que l’on fait dans les entreprises, les recettes sont les mêmes et cela n’a rien de honteux ! La crise crée un nouveau contexte propice au soutien par la population d'un véritable rééquilibrage entre les organismes publics de la santé dont l'effort a été plébiscité et les institutions privées qui sont nécessaires et souhaitables et ont démontré leur capacité à être solidaires. Espérons que nos gouvernants dont c'est le rôle sauront profiter de ce contexte favorable pour corriger ce qui doit l'être.

Catherine PAUL-HARDOUIN

Membre du cabinet en charge de l'action sociale, de l'insertion, de la santé et de l'inclusion numérique

4 ans

Merci Éric pour ce billet. Bien a toi

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