Partie 1 - Se réconcilier pour redevenir un peuple

Partie 1 - Se réconcilier pour redevenir un peuple

Une citation anglo-saxone pour le peuple français : provocation ou ouverture ?

Dimension symbolique avant tout ! Nul n’aura oublié le « Yes, we can ! », prononcé par Barak Obama dans ce qui est devenu son plus grand discours de campagne. Derrière cette affirmation se cache la capacité d’un peuple, presque sans limite, à accomplir son destin en transformant ce qui doit l’être, en se mobilisant avec force et courage pour un « monde meilleur ».

Alors, oui, nous le pouvons, nous aussi si nous le voulons vraiment. La lucidité impose de ne pas croire à l’impossible. Non, nous ne serons pas grassement payés à ne rien faire pour l’éternité. Non, le réchauffement climatique ne s’endiguera pas sans effort. Non, nous ne pourrons pas rester spectateurs des transformations nécessaires et attendre des autres pour qu’elles aient un réel impact. Non, ce ne sera pas totalement confortable ni garanti. Mais qui a dit que c’était facile ? Le voulons-nous vraiment ? En avons-nous le courage ? Et que souhaitons-nous mettre raisonnablement derrière un « Yes, we can ! » à la française ?

Un peuple déchiré, qui a mal et souffre de sa désunion

Nous vivons dans une société fracturée. Les blessures ne sont pas récentes. Rarement prises en compte ou soignées de façon superficielle, ces douleurs sociales ont été largement exploitées comme fonds de commerce des populismes. Alors que notre pays dispose de systèmes de santé et de prévoyance que beaucoup nous envient, notre société souffre. Alors que certains tentent de réduire les fractures, sans réellement transformer le modèle qui les génère, d’autres ravivent les plaies évitant toute cicatrisation. Il devient urgent de prendre soin de nous, nous peuple de France, car ce mot de peuple ne signifie plus grand-chose en 2020.

Le terme a été galvaudé, renvoyant au « petit peuple » en opposition des « élites ». Cette guerre des « catégories » (car ce n’est même plus une guerre des classes) est en train de nous tuer, stigmatisant toujours plus des sous-ensembles de notre population. Les pauvres en veulent au riches qui leur rendent en retour, les ouvriers en ont après les patrons, les jeunes après les vieux, les salariés après les fonctionnaires…, tout ce qui peut nous opposer est devenu argument de destruction, comme si collectivement nous avions décidé de nous autodétruire dans un grand autodafé tant nous sommes tous hérétiques aux yeux des autres.

Quel est notre malheur ?

Sommes-nous malheureux ? Sommes-nous capricieux ? Sans doute un peu des deux. Et notre malheur vient peut-être de nos caprices. Nous n’en avons jamais assez, il nous en faut toujours plus et cela s’applique à chacun de nous quel que soit son job, son titre, sa CSP, ses caractéristiques individuelles. Cette avidité sans limite, sans doute provoquée par un système éducatif élitiste et individualiste, génère des frustrations de plus en plus grandes, provoquant oppositions et rebellions. Mais que nous manque-t-il, vraiment ?

Nous vivons culturellement dans la comparaison sociale permanente. Nous nous sentons bien lorsque nous possédons plus que nos semblables, sans jamais être satisfaits de ce que nous avons. Nous sommes schizophrènes, avec une issue morbide à la clé. Les peuples qui « réussissent mieux » que nous (avec des réserves sur le terme) qu’ont-ils de si différent ? Ils ont une volonté plus marquée d’exercer ce « vivre ensemble » et le respect des différences. On y trouve aussi une capacité à polémiquer bien plus réduite, des lanceurs de polémiques bien moins nombreux, des médias moins complaisants à leur égard et plus « pédagogues » dans la « factualité » de l’information. Nous avons inventé une machine à diviser, créant dissensions et jalousies, agitant doute et défiance en permanence. Il est temps de changer cela.

Un peuple a besoin d’unité

Un peuple n’est pas une collection de personnes ni d’individualités, comme une équipe de foot n’est pas une collection de stars. Pour réussir, il faut partager des choses fortes et être prêt, chacun à son niveau et responsable de son poste, pour faire le job et aider son coéquipier. Par définition un peuple est un « ensemble d’humains vivant en société sur un territoire déterminé qui présente une homogénéité relative de civilisation ; ces humains se sentent liés par un certain nombre de coutumes et d'institutions communes ». Il s’agit donc de vivre ensemble et de partager des communs. Comme dans une équipe de foot, tous ne sont pas avant-centre ou gardien de but, mais tous partagent le sens du jeu, les valeurs, l’esprit, le respect, la collaboration, l’unité, le courage, l’envie... Une équipe qui ne fait pas cela est une machine à perdre redoutable. Sommes-nous devenus cela ? Non, pas encore car nous avons quelques restes. Mais le danger nous guette et nous devons nous reprendre en main.

Que sont nos communs devenus ?

Vivre en société implique la capacité de respecter les autres, les règles et les usages collectifs. Par ce respect mutuel, nous comprenons alors que notre liberté a bien une limite qui est celle de l’autre. Que les règles ne sont pas faites pour nous brimer, mais pour garantir un vivre ensemble convenable pour tous. Vivre en société requiert la solidarité et une confiance mutuelle qu’il faut entretenir en retenant tout mépris et tout excès. Cela impose également d’écouter les autres, de confronter des idées, sans partir du postulat que nous avons raison, sans vouloir bloquer dès que le désaccord apparaît. C’est difficile, excessivement difficile, dans une époque où chacun se sent détenteur de la vérité et qu’il dispose d’outils pour l’exprimer. L’absence d’humilité, l’absence d’écoute réciproque, l’absence de considération de l’autre, la moquerie et le dénigrement systématiques, la caricature, ont creusé la tombe de ce qui faisait société, et du respect en premier. Vivre en société donne des droits mais surtout des devoirs et celui qui refuse cette contrepartie s’exclue de lui-même, quoi qu’il en dise.

Avant de parler de demain ou du monde d’après nous devons soigner notre peuple et lui permettre de refaire corps, de se retrouver. Nos différences ne sont pas des obstacles mais bien une richesse, à condition que nous respections les communs (quitte à les redéfinir), à condition que nous ne brandissions pas nos caractéristiques identitaires à chaque coin de rue comme des justifications pour s’exonérer de faire et de respecter. Le sexe, l’âge, la couleur de la peau, l’origine, les diplômes, l’emploi, la CSP, les préférences sexuelles ou religieuses…, ne valent ni absolution ni dispense à respecter ces communs. Et cela nous l’avons oublié, dans toutes les catégories et la diversité de notre population, offrant même en exemples ceux qui transgressent. Le référentiel a glissé : celui qui respecte les communs est devenu un idiot invisible, alors que celui qui les méprise gagne en visibilité.

Transformer la culture de l’opposition et du rapport de force

« Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui, avant, ne parlaient qu'au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. Aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. C'est l'invasion des imbéciles. » (Umberto Eco).

Sans prôner la lutte des classes, notre société a un indispensable besoin d’éclairage et d’élévation des connaissances. Nos machines médiatiques, classiques ou modernes, se sont mises à produire en image et à valoriser les contres exemples de ce qui fait société, diffusant quiproquos, fake news, rumeurs et incitant ceux du « camps d’en face » à sur-réagir pour montrer qui a raison. Au lieu d’élever le débat, nous avons colporté la bêtise, le ragot, la désinformation, la haine et le désir de vengeance au sein de notre population, tuant dans la foulée toute confiance.

Que penser d’un homme politique qui ne s’applique pas à lui-même ce qu’il réclamait si fortement pour les autres ? Il invite chacun à se sentir au-dessus de la règle. Quel exemple renvoie un élu de la république qui usurpe l’identité du Président de la République pour faire un coup de com et soigner sa visibilité ? Il envoi le message que tout est possible, pour la « bonne blague », même lorsque celle-ci est illégale ? Que se passe-t-il pour un jeune de banlieue faisant du rodéo dans la cité ? Il met en évidence son défi de la règle et de l’autorité, inconscient du danger ; mais il sera visible sur les réseaux sociaux ou au journal télévisé… L’information spectacle, les déclarations tapageuses doivent cesser pour laisser la place à ce qui est factuel et porteur de sens.

Qui entend-t-on sans cesse dans les médias ou sur les réseaux sociaux ? Ceux qui râlent, ceux qui s’opposent, ceux qui ne respectent pas la règle, ceux qui cherchent une forme de célébrité, ceux qui développent des théories non vérifiables, ceux qui ont réponse à tout. Pas ceux qui travaillent, qui entretiennent les communs, qui respectent la nécessité de règles partagées, qui ne critiquent pas ouvertement, qui réfléchissent avant de parler, qui font preuve d’humilité face à la complexité, qui ne recherchent pas la médiatisation sociale. Ceux-là sont ceux qui font avancer le pays, qui acceptent de donner (devoirs) pour recevoir (droits), quels que soient leurs attributs sociaux. Hélas, ceux-là ne font pas monter l’audimat car ils ne font pas parler autant que les polémiques, « les Anges ou les Marseillais » ou les théoriciens du complot permanent.

« Laissez la haine à ceux qui sont trop faibles pour aimer » (Matin Luther King).

Une quête d’identité ne peut pas s’exprimer par des différences. Elles ne sont pas un problème mais une richesse, sauf si nous les érigeons pour ce qu’elles portent d’opposable. Notre fracture réside dans ceux qui font la promotion des écarts d’attitude face aux communs, au lieu de valoriser ceux qui co-construisent en silence. Elle est amplifiée par ceux qui dénoncent la nécessité de l’effort (certains syndicats pour ne pas les nommer), tout comme par ceux qui promettent des réussites socio-économiques simples et rapides (certains extrêmes pour ne pas les nommer).

Nos identités diverses ne sont pas un obstacle au vivre ensemble si nous respectons nos communs, si nous souhaitons co-construire et non détruire, si nous désirons unifier et non désunir, si nous consentons à l’effort et non à détourner les systèmes d’assistance.

Refaire Nation, s’apaiser et s’unir autour d’un grand projet

Notre pays dispose de nombreuses richesses, de belles valeurs et d’outils sociaux assez puissants. Il nous faut les dépoussiérer et les adapter en regard d’un grand projet qui nous réunisse. La majorité silencieuse de ceux qui œuvrent avec conscience et engagement doit aussi faire entendre sa voix et se mobiliser massivement pour dire STOP à tous ceux qui jouent la carte de la déstabilisation, de la division et du chaos.

Quel projet voulons-nous ? Ce n’est pas à moi de l’écrire mais à tous ceux positifs, motivés, capables de compromis et d’agilité, désireux d’un demain respectueux, inclusif et solidaire. Et pour cela, sans la moindre hésitation « Yes, we can ! »

« Pour être heureux il faut éliminer deux choses : la peur d’un mal futur et le souvenir d’un mal passé » Sénèque

© Lionel Pradelier – (Merci de vos commentaires et de vos partages)


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