Partie 2 - Tout est lié et relié
On ne peut inventer le « monde d’après » tout seul. Alone, we can’t
« La faiblesse est un avantage car elle impose l’union face à un danger, la coopération, l’entraide et le développement corrélatif de l’intelligence » (Charles Darwin). Cette coopération nous sentons bien sa nécessité car aucun de nous (individu ou Etat) n’est assez solide pour construire une réponse acceptable aux problèmes que nous rencontrons. L’union est une nécessité, une évidence que nous oublions parfois en nous empêtrant dans de stériles querelles.
Si on regarde du côté des tribus primitives, les individus savaient chasser, pêcher, se soigner avec les plantes, survivre et se repérer en forêt, éviter les pièges de la nature. Ils disposaient de grandes connaissances qui leur permettaient d’être autonomes et de vivre dans un environnement aussi hostile qu'inconfortable. Et pourtant, ces « primitifs » se regroupaient en tribus. Alors que nous sommes individuellement bien moins équipés pour faire face à notre survie dans un monde moderne, nous ne revendiquons que notre différence, notre individualisme, et peinons à faire communauté, défendant des intérêts personnels voire corporatistes.
La solution passe par l’union
L’union du peuple, c’est le point de départ incontournable, mais ne négligeons pas l’union des peuples qui ont des communs à partager. Sur ce point, le moment est venu pour l’Europe de jouer sa carte. Un marché commun fut un début, mais cela ne suffit plus. D’autres valeurs, d’autres fonctionnements, d’autres organisations doivent nous rassembler et nous aider dans nos solidarités. A défaut l’Union disparaîtra.
L’Europe, du nom de la déesse grecque qui étymologiquement signifie la large terre, n’est pas qu’un continent. Elle porte une histoire, difficile, douloureuse, chaotique, qui a fini par regrouper dans une communauté européenne un ensemble de pays cherchant la stabilité. Bien entendu ces pays ont des différences, culturelles, linguistiques, religieuses. Ils ont aussi des communs qui font que l’Union est une réalité. Le départ aussi tumultueux que compliqué du Royaume Uni résulte d’une manipulation politicienne de l’opinion doublée d’un enfermement juridico-administratif. Toute relation a ses tiraillements.
Intelligence sociale et intelligence collective sont les deux dimensions qu’il nous faut développer pour faire de l’Europe bien plus qu’un marché. Et nous l’avons déjà fait dans certains domaines avec des réussites extraordinaires. Erasmus en est un très bel exemple, parce que ce programme ouvre à l’échange, à la diversité, au multiculturalisme, aux langues, à la validation académique et la communauté de pratiques dans l’enseignement supérieur. Nous pouvons également souligner la force de groupes industriels transnationaux comme Airbus, ou les succès de l’Agence Spatiale Européenne. Il est possible d’aller bien plus loin.
Faire du vieux continent, l’inspirateur d’un nouveau monde
Nous sommes des vieux pays, dans un vieux continent, et cela nous confère une histoire et une culture, fortes de nos diversités, qui ont su révéler jusqu’ici des liens et des valeurs. Une fois encore, entre nous, nous débattons plus souvent sur nos différents que sur nos similitudes et c’est sans doute une erreur. Ensemble, nous avons capacité à fonder une résilience européenne et un nouveau modèle qui deviendront le ciment de notre union. Au cas par cas, nous savons le faire. Durant la catastrophe COVID-19, de belles solidarités ont eues lieu, sans doute pas assez, mais nous pouvons apprendre et progresser.
Le temps est venu de poser un nouveau cap européen, fort et ambitieux, dans lequel aucun peuple ne perdra son identité, qui révélera nos complémentarités et notre solidarité. Cela est possible dans de nombreux domaines : la santé, la prévoyance, l’innovation sociale, l’éducation, la recherche, l’autonomie alimentaire, la souveraineté énergétique et digitale, l’industrie, la défense, l’espace, les politiques de développement et de soutien vers les pays plus démunis, l’éco-responsabilité des entreprises et des citoyens, la responsabilité sociétale.
« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements. » (Charles Darwin)
Parce qu’il n’a pas été compris ou qu’il a offert sur un plateau des arguments scientifiques dévoyés de leur réelle démonstration, le darwinisme a autorisé toutes sortes de théories sociologiques, religieuses, politiques, économiques, managériales qui ont fait de la concurrence brutale, du combat, de la mise à mort de l’autre, le principe des sociétés et de leur développement. Les plus agiles survivent, pas les plus forts ! Voilà le réel message de Darwin. Cette agilité nous devons l’intégrer, avec rigueur, à nos procédures, protocoles, process techno-administratif, car c’est aussi ce qui nous englue actuellement, dans notre pays et en Europe. Notre Union est capable d’adaptation et de révélation dans un monde V.U.C.A.
L’agilité se trouve aussi dans les esprits. Accepter de penser avec un autre logiciel, avec les idées de l’autre que j’accueille et enrichis à mon tour pour leur donner une chance d’éclore. Nous ne pouvons durablement être en lutte ou se disputer une position avec notre Alter Ego. Si nous ne comprenons pas cela, nous mourrons ensemble d’épuisement, comme des idiots. Ne tombons pas dans un simplicisme angélique qui ne serait ni à la hauteur des enjeux ni une bonne réponse à la complexité de l’unité et de la collaboration étendue de 27 pays, peut-être plus demain. Ce sera difficile, mais si nous le voulons, nous le pourrons.
Faire de notre diversité une véritable richesse
Dans la logique nationale, comme européenne, le choix nous appartient : soit nous mettons totalement le focus sur ce qui nous rassemble, sur notre union, sur nos communs et nos complémentarités, soit nous continuons à observer ce qui nous différencie dans un tiraillement technocratique favorisant la fracture et l’absence définitive de grand projet fédérateur.
Jusqu’ici, l’Europe peut être qualifiée de réussite tiède, en regard d’un manque d’ambition. Mais, cela est oublier un peu vite les raisons originelles de sa fondation. Les pays initiaux et ceux qui les ont rejoints ont tous recherché la même chose : plus jamais de guerre entre nous, de la stabilité, une capacité à organiser les échanges, les flux de biens et de personnes. En cela, le cahier des charges a été rempli, malgré des imperfections administratives, une lourdeur et une lenteur des instances dans les situations difficiles. Il semble nécessaire d’inventer une suite, avec force et ambition, en phase avec des attentes nouvelles et tout aussi complexes que la paix.
Tout ne peut venir d’en haut
Notre culture française est fortement imprégnée de l’Etat jacobin centralisé, pourvoyeur de réponses et de solutions. Nous sommes déstabilisés face à COVID-19 alors que la solution clé en main n’existe nulle part sur la planète. Nous cherchons à nous rassurer en justifiant qu’ici ou là de meilleures réponses (parcellaires et incomplètes) sont apportées. Nous découvrons, en France, que faire face « quoi qu’il en coûte » reste compliqué car nous supportons mal cette incertitude que nous assimilons à du cafouillage (que certains exploitent avec indécence à des fins politiciennes). Les pays du Nord, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande, l’Islande, réussissent mieux que nous à ce niveau parce qu’ils acceptent que la science et l’argent ne détiennent pas toutes les réponses dans l’instant. Ces pays sont pragmatiques, alors que nous sommes capricieux. Apprenons les uns des autres.
Personne n’a de baguette magique quand tout est en tension. L’exemple des masques le démontre : trouver un fournisseur, attendre qu’il produise, assurer la logistique et la distribution sans se faire voler la marchandise, contraindre la consommation intérieure pour éviter toute rupture, tout cela ne se solutionne pas avec des incantations. Et ceux qui prétendent le contraire n’ont jamais mis un pied dans une entreprise. La crise est en tout premier lieu sanitaire, mais avec des répercussions immédiates au niveau économique puis social, générant également des impacts psychologiques forts. S’intéresser à la seule dimension de la pandémie, ou traiter ces dimensions de façons déconnectées les unes des autres consisterait à croire que la complexité et la systémique n’existent pas.
Quand il n’y a pas de solution immédiate la première réponse applicable est celle du bon sens : mettre en œuvre tout ce qui nous donne du temps, travailler sans relâche, chercher les informations manquantes, faire preuve de solidarité et d’humanité pour assurer un premier niveau de résilience, ne pas polémiquer ni se désunir. A défaut, nous entrons dans la politique spectacle basée sur des querelles intérieures ou dans le délire égotique et le déni de la maladie (USA), l’abandon du peuple (Brésil), l’effondrement intérieur.
Covid-19 nous démontre que la domination et le rayonnement d’un Etat ne s’exerceront plus par un rapport de force et de violence, mais au travers de l’agilité, de la solidarité et de la bienveillance envers son peuple, dans son peuple et vers les peuples amis.
Un new deal européen qui nous ressemble, fort de nos valeurs humanistes
L’Union Européenne doit inventer un nouveau chemin centré sur l’humain et sur toutes les infrastructures qui peuvent contribuer à cela. Dans la posture des dirigeants et des institutions des éléments nouveaux devront prendre place : humilité, politique de l’attention, meilleure transparence, capacité à exprimer sa compassion envers son peuple quand ce dernier souffre. En cela, Jacinda Arden, Première Ministre Néo-Zélandaise nous a montré l’exemple.
Une identité européenne, modèle d’un nouveau monde en phase avec les défis humains et environnementaux est à inventer, dans une logique profondément humaniste et de progrès. Au-delà d’un Green Deal, imaginons un Human Deal. Isolément cela sera impossible et presque dénué de sens, mais… Together, « Yes, we can ! »
© Lionel Pradelier – (Merci de vos commentaires et de vos partages)