Parvenir à modifier son système de pensée pour conduire et réussir la transformation
« Nous devons apprendre à voir le monde avec un regard neuf car les problèmes ne peuvent pas se résoudre avec la même conscience, ou le même point de vue, qui les a engendrés » Albert Einstein
Le changement découle d’une nouvelle lecture de la réalité
Il faut savoir que notre système de croyances, dont nous n’avons pas toujours conscience, est la base de notre vision du monde. Seulement, il s’agit d’une réalité de deuxième ordre parce qu’il y a des filtres qui s’interposent entre la réalité et la perception que nous en avons. Du coup, un fait lui-même n’a pas de sens, il y a autant de sens qu’il y a d’angles de vue pour l’observer. Qu’une même situation puisse être interprétée par un individu comme une opportunité et par un autre comme une menace doit nous conduire à relativiser nos certitudes sur une réalité qu’on considèrerait comme intangible ou injouable. Exemple : un commercial dans le secteur de la chaussure envoyé par son directeur dans un endroit reculé du monde donne ses conclusions à ce dernier « il n’y a rien à faire ici, personne ne porte de chaussures ». Parallèlement, le concurrent envoyé au même endroit envoie un sms à son supérieur « bingo ! tout à faire ici, personne ne porte de chaussures ».
Notre système de croyances nous pousse, à observer, à interpréter puis à réagir en conséquence. Sans compter que nous avons cette incroyable capacité à construire une réalité plus jouable pour nous. Parfois, nous pouvons donc mettre beaucoup de rigidités dans nos interprétations, ce qui nous rend incapables de découvrir. Seulement, quand nous sommes fermés, nous sommes focalisés sur nos apriori et il nous devient impossible d’accepter des informations qui déstabiliseraient nos certitudes. Dans ce cas, nous avons tendance à gérer nos expériences de telle sorte qu’elles confirment nos certitudes. C’est là qu’il devient nécessaire de reconsidérer ce que nous croyons connaitre. Parce qu’en fait, ce sont ces expériences qui pourraient permettre la modification du système de pensée puisque l’adoption ou le changement de croyances peut se faire en réaction à une expérience forte ou à plusieurs expériences répétitives produisant un effet cumulatif. Rien ne sert donc de répéter mécaniquement les choses, ce n’est pas en répétant un conseil à quelqu’un ou ce n’est pas en s’obligeant à penser de telle ou telle façon que nous pouvons créer des changements neuronaux. L’expérience, qui viendrait permettre de ne plus conforter ou alimenter nos croyances limitantes, est souvent LA première étape difficile beaucoup trop sous-estimée parce qu’elle est exigeante, inconfortable, qu’elle demande du temps en contredisant l’idée qu’on peut se transformer à moindre coût. Ce qui montre l’importance du travail d’exploration de l’identité profonde en amont en vue d’une prise de conscience de nos mécanismes de fonctionnement.
Les états du changement mis en perspective
Pour reconstruire notre réalité, nous passons par 5 états de changement :
- Dans l’état Alpha, nous sommes persuadés de posséder la solution aux problèmes de l’existence. Du coup, les croyances, les systèmes de pensées et les comportements induits par les niveaux de l’existence en cours ne sont pas remis en cause. Il peut y avoir des difficultés, des inquiétudes et des changements horizontaux peuvent donc avoir lieu mais pas au point de remettre en question le système de pensée. Il s’agit, selon Gregory Bateson, d’un changement de type 1 qui a lieu à l’intérieur du système c’est-à-dire que le système a une aptitude à exercer des phénomènes auto-correcteurs sur les éléments internes ou externes qui menaceraient nos équilibres. C’est ce qu’on appelle le « toujours plus de la même chose ». Seulement, face à un problème lorsqu’un système humain n’y arrive plus avec ses mesures habituelles d’autocorrections et lorsque « les solutions » maintiennent les problèmes ou en créent d’autres, le système entre alors en crise (au niveau individuel comme sociétal). Cela signifie qu’au sein du système, des changements de niveau 2 s’imposent. S’ils ne sont pas introduits, le système tombe malade (toujours sur le plan individuel comme sur le plan organisationnel ou sociétal) ;
- C’est ce qu’on appelle l’état Beta, dans lequel nous sommes confrontés à des problèmes insolvables du haut de notre système de pensée, une volonté de passer à autre chose sans savoir quoi à savoir que l’accès à un changement de type 2, dans un système humain, nécessite que les règles qui le régissent subissent des transformations. Cette modification de règles du système humain relève d’une reconstruction de la réalité ;
- Dans le creux Gamma, le nouveau système de pensée n’est pas encore disponible et, comme le laisse présager le biais cognitif de « l’illusion de la fin de l’histoire », nous savons ce que nous avons accomplis mais nous n’avons pas accès à la façon dont nous pourrions faire autrement. Face à la situation, le risque est de revenir en arrière en utilisant des vieux paradigmes, des vieilles recettes, qui ne seront pas adaptés. La réaction des États-Unis face aux attentats du 11 Septembre en est une illustration. Comme l’évoque les huit niveaux de l’existence de la théorie de l’émergence cyclique des niveaux de l’existence, voir spirale dynamique, de Clare W. Graves, nos valeurs et nos besoins individuels et sociétaux ont toujours évolué dans le temps et évoluent au fil du temps.
Seulement, nous n’avons jamais accès cognitivement à nos valeurs de demain qui plus est qu’aller vers quelque chose que nous ne connaissons pas nous fait très peur et nous pousse à rester dans ce que nous sommes, sous prétexte que nous y avons nos repères, même si la situation ne nous correspond pas. Revenons à l’exemple, dans une société américaine marquée par la possibilité de réussir individuellement sans entrave (niveau orange de la spirale dynamique qui marque globalement l’intention du paysage occidental), après les attentats, qu’a fait George W. Bush pour solutionner la problématique ? Un retour en arrière (creux gamma donc) dans un niveau dominé par des règles à suivre (niveau bleu de la spirale dynamique) selon un modèle judéo-chrétien, un nationalisme fort renforcé pour combattre l’ennemi à abattre, une répression forte pour assurer un sentiment de sécurité rassurant pour une société inquiète ne voyant pas d’autres solutions valables pour agir.
Autre exemple : comment réagit un adolescent en plein désir d’indépendance et d’émancipation face à des parents qui le mettent face à des règles fortes pour le contrer ? Il revient dans un temps court, dans un niveau de l’existence relatif à l’impulsion et l’expression de la colère.
Seulement, le creux gamma est inévitable, il est l’occasion de se rendre compte que les vieilles solutions ne sont plus appropriées et qu’il faut aller vers un niveau de conscience différent. Il facilite la prise de conscience appelée insight.
- Insight appelé également le saut delta, durant lequel la personne a un nouveau déclic avec un nouveau niveau de réflexion et donc de compréhension l’amenant ensuite vers un nouvel état alpha durant lequel la situation est stabilisée et l’équilibre s’installe car le nouveau système de pensée correspond aux attentes jusqu’au prochain état Béta…
Le « recadrage »
Le recadrage va permettre de découvrir des possibilités qui ne pouvaient être envisagées dans la précédente réalité. Il ne vise pas la réalité (il existe autant de réalités que de points de vue pour observer un sujet) mais l’efficacité d’un autre point de vue. Nous l’avons vu, l’exploration de l’identité profonde, l’expérimentation sont autant de leviers essentiels. Le recadrage, c’est le fait d’étonner quelqu’un qui revient à stopper son système de pensée pour le rendre réceptif à une nouvelle perception qui va donc le conduire à libérer de nouveaux comportements. A savoir que l’influence exercée par le recadrage est liée à la qualité de la relation avec l’autre : pouvoir provoquer l’étonnement tout en respectant l’écologie de l’interlocuteur. Il s’agira alors de :
1. Décoder les paradigmes et les désirs de changement sur deux dimensions :
- Décoder la vision du monde par le questionnement, s’intéresser au « pourquoi » (non pas au « comment ») car les réponses liées vont permettre de lire les croyances et en les exprimant, la personne conscientise ;
- S’assurer du désir de changer de la personne accompagnée.
2. Amener à la conscientisation du besoin de changer via une technique de questionnements pour explorer les solutions mises en œuvre jusqu’ici permettant à l’interlocuteur de constater par lui-même les limites, permettant ainsi un déclic ;
3. Questionner les croyances (les drivers qui nous gouvernent, les obstacles liés pouvant bloquer le changement vont alors commencer à apparaitre) ;
4. Comprendre et hiérarchiser les obstacles qui freinent face au « comment changer ? ». En les identifiant, il peut avoir lieu un passage vers un autre niveau de l’existence et le plan d’actions commence à être visualisé.
Auf Wiedersehen Link
3 ans....."le changement est une porte qui s'ouvre de l'intérieure" (Jacques Salomé).
Cybercogniticien | Conjuguant IT, Finance et Philosophie | Utiliser l'Innovation pour des Défis Complexes
5 ansExcellent article ! FYI Philip Anderson Qui est à l'origine de cette terminologie alpha, beta, creux gamma, saut delta Marion Barras ? Après je vois un souci différent, c'est lorsque le sujet voit bien que la réalité change (O tempora O mores disait Cicéron) mais que l'alpha qu'il s'était bâti au départ lui impose un nouvel alpha qui l'oblige à renoncer à ses valeurs. Je prends pour exemple l'abolition du polythéisme par Théodose en 391 qui impose aux païens de se convertir au christianisme. Une conversion religieuse forcée c'est pas cool, c'est mieux quand c'est volontaire avec un missionnaire qui prêche sans prosélytisme. Comment aborder ce problème des valeurs perdues ou reniées ?
Consultant Senior Stratégie RH et sociale & Change Management @EY
5 ansUn article très éclairant sur ce que signifie et implique profondément le changement. Dans un sens culturel, il s'agit de la disposition à remettre en question les règles, les habitudes, et manières de répondre à un problème, précisément quand nous serions tentés d'y apporter les mêmes réponses qui ne fonctionnent pas et qui perpétuent le problème. D'un point de vue pragmatique, le changement, ou plutôt l'aptitude à changer repose dans un premier temps dans la capacité à une réflexivité sur la manière dont on se rapporte personnellement à une vision du monde dans un certain contexte, précisément quand cela impliquerait de reconnaître cette vision pour ce qu'elle est, pour ce qu'elle cautionne, pour ce qu'elle dit de nos valeurs et de nos actions. Le changement est un cheminement initié par une remise en question de principes éthiques dont on a "pris acte" pout se réinventer dans la pensée et dans l'action. J'ai trouvé particulièrement intéressant le passage sur l' "incapacité cognitive" à accéder aux valeurs de demain, comme si nous étions si profondément embarqués dans une vision du monde que nous ne pouvions nous représenter de nouvelles mises en relation à un système humain ou plus largement à la vie. Autrement dit, il serait commun à une société donnée d'être incapable de se représenter des formes de sociétés qui seraient en rupture culturelle, idéologique ou éthique avec celles qui existent ou qui ont existé. Les individus en seraient-ils tributaires, héritant de ce "prisme" qui est appelé état Alpha, avec lequel nous pourrions "tout" résoudre, mais qui en réalité serait limitant ? Comment alors nous mobiliser pour un "saut delta" vers un prochain niveau de conscience, encore fait d'impensés ? La difficulté de ce saut delta repose-t-il dans cette incapacité à penser, ou bien une incapacité à agir conjointement ? Quel lien entre la pensée et l'action dans la spirale dynamique ? Article on ne peut plus intéressant qui met en perspective le cours de l'histoire et l'évolution de nos sociétés, merci Marion Barras
Coach consultant Professionnel Spécialiste en Bilan de compétence Méthode Disc & FM.
5 ansMerci Marion pour ton résumé sur la spirale dynamique