Pas si simple, l'assertivité...

Pas si simple, l'assertivité...

« Hé Françoise ! Ton truc, ça marche pas ! J’ai déjà été assertif avec mon patron et il n’a quand même pas changé d’avis... »

Abordant les émotions dans un précédent article, j’indiquais comme choix conscient envisageable celui d’exprimer assertivement son point de vue. Tous ceux d’entre vous qui ont déjà eu la possibilité de participer à une formation dédiée à l’assertivité (ou la gestion de conflit, ou la gestion du stress, ou la communication non violente,...) connaissent d’ores et déjà le message DESC. « Dèkwa ? » me diront les autres. DESC, acronyme d’une approche destinée à structurer un message potentiellement difficile.

  • D pour « décrire » et en l’occurrence, décrire les faits observés, sans interprétation ni jugement de valeur.
  • E pour « exprimer », exprimer son ressenti, exprimer l’impact des faits observés sur soi.
  • S pour « solutions » : quelles pourraient être les pistes permettant de modifier la situation ?
  • C pour « conséquences », conséquences entraînées par l’application de la solution choisie.
« C’est bien beau Françoise, mais c’est pas très naturel ton truc, ça demande de la préparation. »

En effet, pareille démarche demande parfois de prendre le temps d’y réfléchir, temps qui peut être salutaire lorsque la situation à laquelle nous sommes exposés provoque en nous des émotions qui pourraient s’exprimer de façon maladroite, voire violente.

Ce temps de préparation est aussi l’occasion de mieux identifier ce qui se passe en nous. Nous revoici en compagnie de la pleine conscience (mindfulness) : qu’est-ce qui vient de se passer ? Qu’est-ce que ça provoque comme ressentis physiques ? Quelles sont les pensées qui se mettent peut-être à tourner dans ma tête, tel un hamster enragé ? Puis-je reconnaître l’émotion suscitée par cette situation ? Puis-je faire un lien entre le comportement et/ou les paroles de mon interlocuteur et ce que cela entraine en moi ? Quel « bouton » a-t-il pressé pour me toucher de la sorte ? Cela s’est-il vraiment passé ou suis-je en train de lui prêter des intentions ? Sont-ce bien des faits ou des interprétations ?...

Que de questions... Comme toute pratique, c’est l’usage et l’entrainement qui vont permettre de l’intégrer et d’y faire appel avec aisance et rapidité. Car si ne pas réagir sous le coup de l’émotion peut éviter des débordements, revenir sur une situation vécue une semaine plus tôt risque de ne plus avoir beaucoup de sens.

« N’empêche, ta structure, ça fait artificiel ».

Si ce n’est que l’on n’est pas seul dans la situation et qu’il ne s’agit pas d’entamer un monologue. Mais bien une discussion. Et que la porte d’entrée sera le « D » de « décrire ».

Un exemple :

Je suis en réunion et, alors que je suis en train de présenter un point, Jérémy, l’un de mes collègues, ne décolle quasiment pas de son smartphone. Je le regarde une fois... deux fois... rien ne change... Je sens que je commence à « mousser » ... Je rougis, je me contracte (mains, épaules, sourcils...). « Mais il n’a rien à faire de ce que je raconte... Et après il viendra me poser des questions... Ha, ces jeunes, aucun respect... » Le hamster se met en route. Et avec lui, la colère monte. « Je vais lui faire bouffer, son smartphone ! ... » Et là, je prends conscience de tout ça, de ces sensations, pensées, émotions qui sont en train de m’envahir. Je les vois. Je les identifie.

Je vais alors choisir ma réaction : attendre la fin de la réunion et aller trouver Jérémy, en tête à tête.

« Jérémy, t’as un peu de temps pour moi ? J’aimerais te parler. »

Si tel ne pouvait pas être le cas, je demanderais à Jérémy de me réserver un peu de temps au plus tard le lendemain.

Et, comme lorsqu’il s’agit d’annoncer une mauvaise nouvelle, il ne va pas être question de tourner autour du pot en lui parlant de la pluie et du beau temps, pas question non plus de lui faire deviner la raison de ma demande (« tu as bien une idée de ce que je veux te dire... », « t’as pensé quoi de mon intervention ? », « t’as un nouveau smartphone ? »...). Si je souhaite maintenir une relation agréable, pas question non plus de l’agresser, de porter des jugements (« t’en avais rien à f... de ce que je racontais tout à l’heure !? »). Allons-y pour un message « DESC », assertif...

D : « Tout à l’heure, pendant la réunion, j’ai présenté un point sur... Tes yeux n’ont pas quitté ton smartphone durant mon intervention ». Une description factuelle de la situation, exempte de jugement et d’interprétation. J’ai déjà ici intérêt à laisser de l’espace à Jérémy pour lui permettre de réagir, si réaction il y a. Peut-être y avait-il une bonne raison à son attitude : « oh oui, désolé, mais le petit vient d’être hospitalisé et ma femme me donnait des nouvelles » ou « sorry, De Mesmaeker voulait des infos pour le gros contrat qu’on est en train de passer avec lui... Tu sais comment il est... ». Et peut-être que ces raisons feront retomber mon irritation : moi aussi je serais inquiète si mon enfant était à l’hôpital, moi aussi, j’ai déjà eu affaire à De Mesmaeker... Il pourrait aussi vous dire : « ah oui, je prends des notes, c’est plus facile pour assurer le suivi de la réunion ». Et oui, ça arrive... Et notre entrevue pourrait alors en rester là.

Mais peut-être n’y aura-t-il pas de réaction, ou pas de réaction suffisamment satisfaisante, et vais-je embrayer sur l’expression de mon ressenti. Ce qui implique qu’il faudra que je sois au clair avec ce que cela a provoqué chez moi : colère parce qu’impression de ne pas être respectée, crainte d’être ennuyeuse, de dire des bêtises, surprise de le voir ainsi alors que d’habitude ce n’est pas le cas,...

E : « j’ai eu l’impression que ce que je racontais ne t’intéressait pas alors que c’était en lien avec tes dossiers et ça m’a mise en colère : j’ai pris la peine de mettre en évidence les impacts pour les différents participants et j’ai eu l’impression d’avoir travaillé pour rien. »

Ici encore, je vais permettre à Jérémy de réagir. Peu de chances qu’il reste coi : il ne souhaitait pas provoquer ça chez moi, il ne s’était pas rendu compte qu’il avait été aussi inattentif, il ne savait pas que c’était important pour moi, il n’est plus en charge de ces dossiers, ... Occasion pour nous d’échanger et d’éventuellement, pour moi, préciser mon ressenti, d’insister sur l’importance que ça a pour moi (« Oh, tu ne vas pas en faire tout un fromage !?! » « Je ne cherche pas à en faire tout un fromage, je te dis juste que pour moi, c’était énervant, déstabilisant, irritant, surprenant... »).

S : que faire pour éviter pareille situation ? Quelle solution apporter ? Peut-être Jérémy proposera-t-il de lui-même d’être pleinement attentif lors de la prochaine réunion, ou de me prévenir s’il a une urgence à régler, ou... Et si ce n’est pas le cas ou que ses propositions ne me conviennent pas, je peux alors lui demander de m’accorder de l’attention, de me prévenir s’il prend des notes, de sortir pour régler les choses extérieures à la réunion...

C : « ça m’évitera ainsi de me mettre martel en tête pour rien », « je m’assurerai de ne voir participer que les personnes qui doivent effectivement être présentes », ... Les conséquences que l'application de la solution entraînerait.

« Ben, n’empêche, j’ai déjà abordé les choses juste comme ça avec mon patron, et je l’ai déjà dit : il n’a pas changé d’avis pour autant ! »

En effet, ce n’est pas parce que je formule une demande sous la forme « DESC » que je vais d’office obtenir le changement souhaité. Je débute généralement mes formations en annonçant aux participants qu’ils vont être déçus : je n’ai pas de baguette magique à leur offrir... C’est également le cas de l’assertivité.

Le fait d’être assertif ne garantit en effet pas que la personne à laquelle vous vous adressez va elle-même adopter un comportement assertif. Mais opter pour l’agressivité a de fortes chances de générer de l’agressivité ou de la peur, bases peu constructives pour une relation qu’elle soit professionnelle ou privée. Manipuler l’autre risque aussi de provoquer un retour de manivelle douloureux quand il se rendra compte qu’il a été manipulé. Quant à la fuite, comment vous sentez-vous en fin de journée après avoir « écrasé », « mis le couvercle » ?... Non, pas de garantie de résultat avec l’assertivité mais au moins les choses auront-elles été dites, dites de manière à provoquer le moins de préjudice ajouté possible, dites en faisant de son mieux, dites en faisant le pari de l’intelligence de votre interlocuteur (non, on ne gagne pas à tous les coups :-) ). Ce qui permet au moins de se regarder dans la glace, d’être droit dans ses bottes.

Par ailleurs, formuler une demande assertive n’entraîne pas forcément le comportement souhaité parce qu’une demande n’est qu’une demande. Peut-être nous faut-il faire le deuil, comme l’enfant, de la toute-puissance. Lorsque je demande quelque chose, je donne le droit à l’autre de ne pas être d’accord. Si je ne lui accorde pas ce droit, il ne s’agit dès lors pas d’une demande mais d’une exigence. Comment vous sentez-vous lorsque votre interlocuteur exige quelque chose de vous ?... Faites-vous vraiment une demande lorsque vous demandez quelque chose ? Ou pas...

D'autres articles sur notre Evoluo-blog .

Mais c est l idéal pour mieux communiquer

Pas du tout évident en terrain

Cathy Van Liempt

Learning Expert | Learning Culture - Digital Learning - Blended Learning - Digital Communication - Knowledge Sharing @ 4 YOU Consulting

8 ans

Dans un premier temps, pouvoir se raccrocher à des outils, cela permet d'explorer de nouvelles manières de faire. Après, tout devient plus naturel, et on n'y pense même plus. En route vers "plus d'assertivité".

assertivite et congruence.... j'adhère totalement même si parfois l'exercice demeure complexe et compliqué

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