PAS SI SIMPLE
La distincitivité du droit de marque est un critère de validité essentiel.
Cette caractéristique est apprécié de plus en plus sévèrement par les Tribunaux, qui ont aujourd’hui tendance à prononcer l’annulation des marques non seulement descriptives (décrivant les caractéristiques des produits et services désignés par le signe) mais aussi laudatives (généralement composées d’adjectifs qui évoquent une qualité intrinsèque des produits ou services désignés).
Et c’est le groupe AUCHAN qui vient de faire les frais du renforcement de cette jurisprudence, le Tribunal de Grande Instance de Paris ayant annulé ses marques verbales communautaires « SIMPLY » et « SIMPLY MARKET » relatives à ses enseignes de supermarché, dont il est titulaire depuis 2005 et 2006, pour des produits alimentaires et des services de vente au détail.
Les supermarchés « SIMPLY » et « SIMPLY MARKET » sont devenus en 10 ans des acteurs importants du paysage de la distribution alimentaire en France.
S’apercevant que MARKS AND SPENCER avait lancé des produits discount alimentaires dénommés « SIMPLY M&S », la société INTERNATIONAL SUPERMARKET STORES a initié une action en contrefaçon de marque à l’encontre de son concurrent devant le TGI de Paris.
En défense, MARKS & SPENCER a classiquement critiqué la validité des marques opposées, et notamment leur absence de caractère distinctif, argumentation qu’a retenu le Tribunal.
Il a en effet considéré que le terme « SIMPLY » est aisément compréhensible du consommateur français, et évoque la simplicité des services désignés par ce signe. L’adverbe SIMPLY aura donc pour le public pertinent une fonction laudative.
Une marque composée d’un terme laudatif, même banal, peut être distinctive « à la condition qu’elle soit apte à jouer sa fonction de garantie d’origine commerciale, ce qui est exclu si elle est uniquement et d’emblée perçue par le public pertinent comme un message publicitaire ou promotionnel ordinaire ».
Or, s’agissant des termes « SIMPLY » ou « SIMPLY MARKET », le Tribunal considère que le public comprendra qu’il pourra bénéficier de services simplement offerts et exécutés. Le public percevra uniquement une appréciation qualitative tendant à vanter les mérites des services rendus et non une garantie d’origine commerciale.
Le Tribunal conclut que les signes en cause ne sont pas aptes à remplir la fonction de garantie d’origine d’une marque, et ne sont pas intrinsèquement distinctifs. Il a donc prononcé l’annulation de ces deux marques.
Alors qu’auparavant la jurisprudence du TGI de Paris était plutôt clémente à l’égard des marques laudatives (ont été par exemple déclarées distinctives les marques « REGAL»[1] pour des produits alimentaires, « NUTRIACTION» pour des services de conseil en hygiène alimentaire[2],…), cette décision est parfaitement conforme à la jurisprudence communautaire actuelle qui a pour objectif de purger les registres des marques non distinctives qui génèrent des entraves non justifiées à la libre circulation des biens.
Toutefois, si cette décision devient définitive les répercussions serait peu importante : en effet, l’annulation des marques du groupe AUCHAN ne l’empêche pas par ailleurs de continuer d’exploiter les signes « SIMPLY » et « SIMPLY MARKET » et de devoir décrocher ses enseignes ; mais il ne pourra plus en interdire l’usage à des tiers en se fondant sur ses marques.
De surcroît, il reste encore au groupe AUCHAN ses marques semi-figurative « SIMPLY MARKET ».
Autre solution pour le groupe AUCHAN : basculer ses enseignes vers le réseau SUPER U dans le cas où le projet de rapprochement actuellement en cours entre AUCHAN et SYSTÈME U prospérait.
Ce qui est incertain pour le moment à la lumière des dernières déclarations du Président de l’autorité de la concurrence qui a reporté l’examen du projet de fusion à l’automne, estimant qu’il n’était pas suffisamment abouti.
Est-ce aussi la fin des marques à slogan publicitaire si elles sont inaptes à jouer la fonction de garantie d’origine commerciale ?
Just do it…
Michèle MERGUI
Avocat à la Cour
[1] TGI Paris, 3ème ch. 3ème sec. 29 novembre 2013 RG n°10/11374
[2] CA Paris Pôle 5 Chambre 1. 25 septembre 2013 RG n°11/01914