Passer des critères de Maastricht à ceux de Copenhague
Le vote du Parlement Européen contre la politique du gouvernement hongrois est une bonne nouvelle. Il permet de soulever une anomalie qu’il convient de dissiper : comment a-t-on pu oublier les critères de Copenhague ?
La crise financière de 2008 - qui s’est transformée en crise économique puis sociale, avec d’importantes répercussions sur la dette souveraine - a conduit certains Etats membres, et la zone euro elle-même, au bord du gouffre. Elle a mis en exergue les - désormais fameux - « critères de Maastricht » : stabilité des prix, déficit public inférieur à 3% du PIB, dette publique inférieure à 60% et taux d’intérêt à long terme maîtrisés.
Dans l’opinion publique, le rejet de l’Union Européenne est souvent associé à cette « Europe maastrichtienne », où le nom de la ville néerlandaise, prononcé « Maastrique », sonne comme un coup de trique sur les citoyens européens assommés de prélèvements, privés d’augmentations salariales et sevrés d’aides sociales.
En effet, alors que le Conseil Européen de Lisbonne, en 2000, leur promettait de « faire de l’Union en 2010 l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale », les Européens se sont retrouvés plus affaiblis que jamais avec un taux de chômage supérieur à 10% dans certains Etats membres et frôlant les 25% pour les jeunes de moins de 25 ans.
Comment convaincre les jeunes générations des bénéfices de l’Union Européenne dans un tel contexte, quand l’accès à l’emploi et donc, au logement et au bien-être, est rendu si difficile ? Comment envisager une Europe qui protège quand les perspectives d’avenir sont compromises, quand les services publics se contractent, quand les inégalités se creusent ?
En corrigeant les dysfonctionnements de l’économie bien sûr, ce qui est loin d’être simple, mais aussi à travers une voie qui n’a pas été assez creusée ; en réhabilitant les critères - non pas de Maastricht mais - de Copenhague.
Que disent les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Copenhague en 1993 ? Pour entrer dans l’Union Européenne, il convient de respecter trois critères : un critère économique (l’existence d’une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’Union), une reprise de l’acquis communautaire (c’est-à-dire des quelques 300 directives qui constituent le socle de la réglementation communautaire, essentiellement le marché unique à l’époque) et un critère politique. Ce dernier – et non des moindres – exige la présence d’institutions stables garantissant la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’Homme, le respect des minorités et leur protection.
A l’heure où certains Etats membres bafouent l’Etat de droit, songent à rétablir la peine de mort, veulent mettre le système judiciaire sous contrôle ; alors que les jeunes générations sont attachées, légitimement, à leur liberté et leurs acquis en la matière, il serait temps de se réapproprier les critères de Copenhague, et, singulièrement, le critère politique.
S’il ne constitue pas le seul héritage de l’Union, il en est un fondement et une claire marque distinctive, lorsque l’on voyage ou vit à l’étranger. Quel ensemble au monde peut en effet se targuer de défendre la liberté d’expression, celle de la presse, l’indépendance de la justice, la tenue d’élections libres, le respect des minorités, le rejet de la peine de mort, si ce n’est l’Union Européenne ? Sa Charte des Droits fondamentaux constitue le texte le plus abouti en la matière et sa Cour de Justice veille à son respect.
Il ne faudrait pas que quelques gouvernements remettent en cause ces acquis précieux et que l’on puisse imaginer l’absence totale de sanction judiciaire, voire d’exclusion. Il est donc urgent de redonner la priorité aux critères de Copenhague !