Permis de construire et atteinte à la sécurité publique : un exemple à Saint-Malo.

Permis de construire et atteinte à la sécurité publique : un exemple à Saint-Malo.

 

Même si un projet respecte toutes les règles fixées dans le plan local d’urbanisme (emprise, hauteur, aspect extérieur…), la délivrance du permis de construire peut être refusée lorsqu’il existe un risque d’atteinte à la sécurité publique.

Les hypothèses dans lesquelles la question se pose ne sont pas si courantes, et encore moins lorsqu’il est question d’un risque de submersion marine.

Le Conseil d’Etat vient cependant de rappeler les règles existantes en la matière, au sujet d’un permis de construire délivré à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).

 

Les faits et la procédure :

 

Un constructeur avait obtenu un permis de construire, ainsi qu’un permis modificatif, pour l’édification d’un petit collectif de quatre logements sur un terrain situé près de la Chaussée du Sillon, à Saint-Malo (35).

Le Préfet d’Ille-et-Vilaine a contesté ces permis devant le tribunal administratif de Rennes, lequel a rejeté ses prétentions.

En appel, la Cour administrative d’appel a jugé que le maire de Saint-Malo n’avait pas commis d’erreur manifestation au sujet de l’atteinte éventuelle à la sécurité publique.

Le Conseil d’Etat en a toutefois jugé autrement, en rappelant le type de raisonnement devant être mené en matière de risque de submersion marine.

 

Les règles applicables :

 

L’article R 111-2 du code de l’urbanisme prévoit que le permis de construire peut être refusé, ou être délivré avec des prescriptions spéciales, lorsqu’il existe une possible atteinte à la sécurité publique.

Le texte précise que le risque peut résulter de la situation des constructions projetées ou de leurs dimensions, de leur implantation à proximité d’autres installations, ou encore de leurs caractéristiques.

Il est utile de noter que le refus de permis de construire n’est qu’une possibilité, de telle sorte que le juge administratif n’exerce en la matière qu’un contrôle dit de l’ « erreur manifeste d’appréciation » (c'est-à-dire de l’erreur grossière, ce qui suppose que le risque présente une certaine évidence).

 

Comment s’appliquent les règles au risque de submersion marine ?

 

Le Conseil d’Etat a rappelé que pour l’application de l’article R 111-2 du code de l’urbanisme, l’administration doit apprécier les risques en prenant en compte plusieurs données :

  • La situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer ;
  • La situation de la zone à l’arrière d’un ouvrage de défense contre la mer ;
  • Le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de l’ouvrage de défense contre la mer (risque apprécié au regard de son état, de sa solidité, et des précédents connus de rupture ou de submersion).

Bien évidemment, cette appréciation du risque doit être faite au regard des données scientifiques disponibles.

 

L’application au cas d’espèce.

 

En l’occurrence, la Cour administrative d’appel de Nantes avait retenu l’absence d’erreur manifeste d’appréciation au regard des données scientifiques suivantes :

  • Le projet se situait dans une « zone d’aléa moyen » (zone située entre 0 et 1 m en dessous du niveau moyen centennal) ;
  • Le projet se situait à une dizaine de mètres d’un ouvrage de défense contre la mer (la digue de Saint-Malo), c'est-à-dire dans une zone d’écoulements violents en cas de rupture de la digue ;
  • La digue présente des faiblesses structurelles et a été submergée ou endommagée à plusieurs reprises, et sur une période récente, lors de violentes tempêtes ou pendant les grandes marées.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait dénaturé les pièces du dossier.

En jugeant de la sorte, la haute juridiction a estimé que les juges d’appel avaient, de façon flagrante, méconnu le sens, pourtant clair, des données scientifiques produites.

Par cette décision, le Conseil d’Etat a donc, par exception au principe selon lequel il ne juge pas les faits, fait connaître sa position quant à l’existence d’une atteinte à la sécurité publique.

L’affaire a été renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Nantes, mais il semble désormais évident que le permis sera annulé, et ce au regard du risque d’atteinte à la sécurité publique.

 CE, 23 mars 2016, n°390853

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