Personne ne dit rien ?
Je me suis réveillé ce matin avec cette pensée : ce monde est-il sérieux ?
La présidente de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, a tenu son engagement et s'est rendue à Taïwan. Jamais un vol n'a été autant suivi en direct sur un site de pistage aérien. Cette éminente femme politique américaine n'a pas manqué d'apporter son soutien au peuple taïwanais et a assuré avoir agi au nom de la démocratie telle que défendue par les autorités locales.
Deux choses : sur le fond, cette communication est défendable. Sur la forme, c'est peut-être la provocation de trop. Pékin a aussitôt réagi et n'a pas manqué d'annoncer des réactions à venir. Dans les médias occidentaux, on évoque désormais la nouvelle crise géopolitique de l'été, comme s'il s'agissait d'un feuilleton télévisé reconnu pour son suspense haletant. En somme, on attend avec impatience le prochain épisode. Pourtant, il ne s'agit pas de fiction mais d'une véritable tension politique opposant les deux premières puissances économiques et militaires de la planète.
Une fois de plus, je déplore cette politique de la provocation émanant de Washington. Au nom de la démocratie et des droits de l'Homme, on titille l'adversité en soutenant les acteurs susceptibles de leur provoquer des réactions allergiques. Pourtant, depuis les années 2000, lorsque les États-Unis ont été jusqu'à déclencher des interventions armées pour ces motifs, je pense notamment à l'Irak et à l'Afghanistan, ils ont effectivement réussi à écarter du pouvoir Saddam Hussein et les talibans mais ne sont jamais parvenus à pacifier ces régions et encore moins à contribuer à la démocratisation de ces pays. Quant aux droits de l'Homme... Après de nombreuses années de présence sur le terrain, on se rend compte que les pertes militaires sont lourdes, que l'intervention coûte cher et qu'il est préférable de lever le camp et de laisser les autochtones avec un chaos politique et social qui laisse la porte ouverte à tous les extrêmes.
En cette période estivale, je m'interroge. Nancy Pelosi se déplace à Taïwan en plein contexte trouble. Les hostilités en Europe orientale sont toujours d'actualité. Il est manifeste que la stratégie occidentale déployée pour faire plier la Russie n'a pas les effets escomptés. Cette crise ukrainienne est partie pour durer. D'ailleurs, force est de reconnaître que le positionnement occidental à l'égard de la Russie n'est pas suivi par le reste de la communauté internationale. Ainsi, lorsque je vois Nancy Pelosi se déplacer dans l'ancienne Formose, je m'interroge: la démarche est évidemment volontaire mais les États-Unis maîtrisent-ils leur diplomatie ? Je m'interroge d'autant plus que je ne suis pas convaincu par une portée autre que celle de la provocation. Toujours est-il que cette escalade des tensions est malsaine.
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L'alliance occidentale est déjà bien concernée par la crise ukrainienne. La crise financière se profile à l'horizon. Les taux d'intérêts remontent. L'inflation est forte. Les approvisionnements alimentaires et en énergie suscitent de nombreuses craintes. A part ça, tout va bien ! Je n'ai pas l'impression que le voyage de Nancy Pelosi soit opportun en de pareilles circonstances. Il ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu dans un environnement global instable et incertain.
Je comprends la volonté américaine de vouloir poursuivre une politique visant à démontrer sa domination (hard et soft powers si chers à Joseph Nye) dans le monde. Toutefois, l'écart la séparant de la concurrence ne cesse de se réduire tandis que les relations internationales actuelles vont dans le sens d'un monde multipolaire. Toutefois, au regard de l'évolution des relations internationales, je me demande s'il n'est pas dans leur intérêt de changer leur manière de dialoguer. Je ne suis effectivement pas convaincu par la stratégie de communication développée par Washington si ce n'est de s'attirer davantage d'antipathie dans le monde. Les dominants n'ont pas besoin d'être aimés, me rétorquerez-vous. Je vous le concède. En revanche, le constat est dur pour le monde occidental: ses initiatives ne sont plus soutenues par le reste de la communauté internationale. Le discours occidental ne passe plus.
J'ai soulevé la thèse d'un choc des dialogues entre l'Est et l'Ouest (j'assume cette terminologie de guerre froide) dans mon livre consacré à la crise ukrainienne "Les limites de la diplomatie". Ce choc des dialogues vaut également pour les relations sino-américaines. Il n'y a rien de pire que de s'engager dans une politique dont on ne maîtrise pas les réactions en chaîne. Au risque de me tromper, c'est l'impression que le voyage de Nancy Pelosi me laisse. Après tout, quoi de mieux qu'un coup d'éclat de la Présidente de la Chambre des Représentants sur la scène internationale à trois mois des élections de mi-mandat aux États-Unis ? Cette initiative a sans conteste une finalité électoraliste. Elle sera peut-être payante pour les Démocrates dans un contexte national au demeurant très incertain. En revanche, j'émets beaucoup plus de réserves quant à la portée diplomatique.
Spécialiste des reconversions, transitions et orientations professionnelles. Career Coach. Bilans de compétences. Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. IHEDN. evolutioncarriere.com
2 ansJ'ai la même impression Thierry Pastor. Et nous, le peuple, on continue de s'interroger? c'est tout? Bonne journée