Petite introduction théorique à l'Intelligence Stratégique

Petite introduction théorique à l'Intelligence Stratégique


L’Intelligence Stratégique (IS), discipline mère de l’intelligence économique (IE), beaucoup plus connue, peine à gagner droit de cité à cause de l’ombrage que lui fait sa célèbre fille. Mais, au regard des exigences de la société de l’information dans laquelle nous baignons, nous pensons que bientôt elle va se déployer au-delà du champ économique et va gagner toutes les sphères de décision.

Dans ce post, nous allons faire une petite incursion exploratoire à l'intérieur de ce domaine si prometteur.

DEFINITION

Sous de faux airs de vulgarisation, l’expert français Eric Delbecque a écrit un ouvrage très profond et richement documenté sur l’intelligence économique (« L’intelligence économique pour les nuls », chez F1rst éditions, 2015). Nous allons paraphraser sa définition de l’IE en disant que l’Intelligence Stratégique est « la capacité de pilotage d’une organisation (quelle que soit sa nature) en milieu complexe, incertain et conflictuel ».

Que devons-nous retenir de cette définition ?

1. L’IS tire son origine de la nécessité, pour les organisations, de s’adapter et de maîtriser un environnement de plus en plus

·  complexe : Avec la mondialisation et le développement technologique, presque tous les schémas et systèmes politiques, économiques et sociaux anciens sont dépassés. L’intelligibilité de notre monde devient de plus en plus difficile ;

·  incertain : Difficile, à présent, de bien prévoir l’avenir car tout s’interpénètre et produit des dynamiques nouvelles peu lisibles a priori ;

·  conflictuel : Cette même mondialisation crée une internationalisation de la concurrence, de nouveaux critères de compétitivité, l’engagement des états dans une « guerre économique » sans frontières. La perception des conflits et les moyens d’y faire face évoluent constamment avec, notamment, les avancées de l’IA et du Big Data.

2. L’IS n’est pas une simple construction mentale déconnectée des exigences pratiques de la réalité quotidienne. Elle est une capacité, mieux un véritable pouvoir. Elle est le nouveau paradigme qui doit, désormais, gouverner le pilotage de toute organisation ;

3. Son périmètre d’intervention englobe TOUTES les organisations (gouvernements, administrations publiques, collectivités locales, entreprises, société civile, etc…). C’est la raison pour laquelle l’IS donne naissance à plusieurs domaines d’application (Intelligence économique, mais aussi intelligence politique, sociale, etc…)

Au-delà de cette définition, il y a lieu de dire que le XXIème siècle est le siècle de l’information EN TANT QUE DETERMINANT ET POUVOIR. Désormais,

·   celui qui détient la bonne information est le mieux placé sur l’échiquier compétitionnel actuel ;

·   tout fonctionne sur la base de l’information (êtres humains, organisations, machines et autres objets…) et l’information devient, ipso facto, une donnée hautement stratégique ;

·   il s’agit, comme le dit si bien Michaël E. Porter, de « donner la bonne information à la bonne personne, au bon moment, pour prendre la bonne décision. »

A la base, donc, il y a l’information. En fonction du traitement et de la destination qui lui sont assignés, nous disposerons de trois fonctions essentielles de l’IS :

1. la veille : C’est la fonction première. Elle consiste à « repérer, collecter, traiter, stocker des informations et signaux pertinents qui vont irriguer l’organisation à tous les niveaux, permettre d’orienter le futur et également protéger l’avenir » (Daniel Rouach, « La veille technologique et l’intelligence économique »).

Ainsi comprise, la veille reçoit, de différentes sources, des données formatées ou non qu’elle transforme en informations stratégiques en vue d’une prise de décision aboutissant à des actions concrètes ;

2. La sécurité : Eu égard à sa sensibilité, l’information doit, à la fois, être protégée et surtout servir à protéger l’organisation car, ne l’oublions pas, celle-ci se meut dans un environnement tantôt compétitionnel, tantôt conflictuel et, même, parfois les deux ;

3. L’influence : Cette dernière fonction est, à mon avis, la plus importante. Sur la base de la relevance des informations collectées, il s’agira (entre autres) d’

·  améliorer la performance générale de l’organisation (Intelligence administrative et de gestion) ;

·  influer, en faveur de l’organisation, sur le cours des évènements, des tendances et décisions, dans notre environnement d’activité ;

·  constituer un réseau d’influence (lobbying parlementaire, par exemple).

ASPECTS ESSENTIELS

Les maîtres-mots de l’IS sont, ainsi,

1. Adaptation : Nous assistons, actuellement, à un tourbillonnement de changements, de transformations et d’accélérations de tous genres et dans tous les domaines. Il n’existe aucun autre moyen, en dehors de l’Intelligence Stratégique de suivre cette cadence absolument infernale. Il se trouve, malheureusement, que seules les organisations capables de s’adapter pourront se maintenir sur le terrain, voire y régner. C’est donc là, une question essentielle de survie ;

2. Anticipation : L’environnement actuel des organisations est instable, incertain et surtout très concurrentiel. Le principe de survie qui y prévaut c’est de SAVOIR POUR AGIR de manière optimisée et ce, de préférence avant la concurrence. Ceci ne peut se faire qu’à l’aide de l’IS. Il n’y a qu’elle pour permettre aux organisations de tous genres de bien comprendre la réalité présente et, surtout, d’anticiper l’avenir. Cette anticipation consistera, essentiellement, à explorer toutes les opportunités qui se présenteront et, aussi, à prévenir les potentiels dangers.

3. Transcendance : Il est un fait incontestable, c’est que l’IS recèle un potentiel d’innovation très élevé. La maîtrise de l’information stratégique permet, non seulement la mise à niveau, mais également, l’innovation, voire la disruption.

L’innovation part des limitations de l’existant (maîtrisées par l’IS) pour créer des formes améliorées, supérieures.

La disruption part des mêmes limitations pour emprunter des voies inexplorées (a priori absurdes) pour créer des choses nouvelles, quelques fois en totale coupure avec l’existant.

L’IS, dans sa quête de l’information pertinente, utilise une panoplie de méthodes pour la plupart empruntées à d’autres disciplines dont les techniques documentaires, l’analyse statistique, le profilage, les études de marché, etc… Certaines des méthodes utilisées viennent du monde du renseignement mais il faut l’affirmer haut et fort : Dans ses principes originels, l’IS n’a rien à voir avec l’espionnage, elle fonctionne dans un cadre légal en obéissant à des règles éthiques formalisées.

Le meilleur est à venir : La grande force de l’Intelligence Stratégique réside dans cette capacité à utiliser de manière harmonieuse et optimale le potentiel des deux grandes révolutions que sont le Big Data et l’Intelligence Artificielle. On pourrait même dire qu’elle constitue le facteur décisif qui permet la pleine expression de ces deux disciplines.

Il est vrai, certes, que les sources de l’IS ne se limitent pas au numérique (nous venons de le voir plus haut). Mais dans un monde de plus en plus connecté, le Big Data va s’imposer comme la principale source pour quasiment toutes les informations. En se généralisant, l’IS va devenir le principal utilisateur du Big Data et de l’Intelligence Artificielle.

L’Is, en s’automatisant, va de plus en plus utiliser la puissance des algorithmes de l’IA pour, non seulement, extraire des informations pertinentes des Data Centers, mais également en exploiter les données via le Machine Learning (Apprentissage automatique) en vue de proposer des voies de décision continuellement améliorées.

Tout ceci n’est pas de la science -fiction. C’est exactement comme cela que travaillent toutes les grandes sociétés dans le monde, en particulier les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

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