Phishing, à la pêche aux données !
Préambule
Qui n'a jamais reçu un e-mail de sa banque, de son assurance, de son fournisseur d'accès Internet ou même des impôts l'invitant à, par le biais d'un lien, mettre à jour ses informations personnelles et/ou saisir ses identifiants bancaires ? Dit comme ça, ça peut paraître anodin et pourtant, un simple lien peut cacher une terrible menace, le phishing !
Sous ce terme équivoque, se trouve une technique de piratage vieille de plus de 20 ans. En effet, d'après le site Internet Silicon.fr, le premier cas de phishing remonterait à 1996 ! Dont le but était d'obtenir des données d'authentification pour entrer, sans payer, sur le réseau AOL afin d'obtenir des quotas plus élevés de téléchargement (ô douce époque de l'abonnement limité à Internet et des modems 56k à la mélodie gracieuse).
Normalement, à ce stade, vous apercevez l'iceberg au loin sans vous doutez de la menace qui se profile. Approchons-nous et voyons ensemble sa face cachée.
Qu'est-ce que le phishing ?
Entre la phonétique du terme et l'illustration de cet article (sans parler du jeu de mot habile dans le titre), je pense que vous avez une petite idée sur l'origine du terme phishing.
C'est la contraction de "fishing" (qui signifie "pêche") et de "phreaking" (qui veut dire "piratage téléphonique"). En bref, cela consiste à "pêcher" des informations en "piratant" l'identité de quelqu'un afin d'obtenir aisément les dites informations.
En français, on utilise le terme hameçonnage. Ou aussi filoutage mais j'ai une nette préférence pour le premier qui fait bien plus sérieux.
Aujourd'hui, le phishing est principalement véhiculé par des messages électroniques mais à l'époque, où Internet en était encore à ses débuts, il était surtout pratiqué par téléphone. Le but était de voler des numéros de carte de crédit et/ou des informations personnelles (pour ensuite usurper l'identité des victimes). Le phishing se pratique aussi par SMS et fax. Et aujourd'hui, il se pratique également via les réseaux sociaux comme Facebook.
Les escrocs vont même jusqu'à faire de l'ingénierie sociale pour vous duper. C'est-à-dire qu'ils vont enquêter sur votre vie privée et professionnelle pour pouvoir vous approcher plus facilement. Et à l'ère de Facebook et Cie, où on publie dès qu'un événement survient (naissance, mariage, vacances, etc.), c'est un véritable jeu d'enfant !
D'après une étude menée par Altospam, un éditeur de solution anti-spam qui a conservé des statistiques depuis 2005, près de deux e-mails sur trois étaient une tentative de phishing sur le premier semestre 2019 (avec un taux moyen de 65,26%). Pour comparaison, les ransomwares sur lesquels j'ai également rédigé un article, ne représentaient qu'une moyenne de 0,31% sur le début de l'année 2019. Quant aux e-mails légitimes (non publicitaires), ils ne représentent que 19% de la masse...
Comment ça fonctionne ?
Le procédé est simple et commence par une usurpation d'identité. Généralement, l'escroc se dissimule derrière une administration publique (impôts, sécurité sociale, etc.) ou une société où vous avez de fortes chances d'être client (banque, opérateur Internet, etc.).
Ensuite, l'escroc essaye d'instaurer un climat de confiance. En arborant le logo de l'entité usurpée, ses mentions légales, sa charte graphique, son site Internet, etc. Généralement, il est question d'argent (vous êtes éligible à un remboursement, par exemple) et/ou de sécurité (votre compte doit être mis à jour, par exemple).
Une fois que votre confiance est gagnée, l'escroc vous invite à cliquer sur un lien. Confiant, vous cliquez dessus. Vous arrivez alors sur un site Internet aux couleurs de l'entité usurpée, vous retrouvez vos marques, cela vous conforte d'autant plus. Sur la page, un banal formulaire à remplir (soit avec les informations personnelles nécessitant d'être mises à jour, soit avec les informations bancaires requises pour être remboursées).
Et là, la technique du phishing entre en action. En fait, vous n'êtes pas sur le site Internet de l'entité usurpée mais sur une copie, fidèle au possible (jusqu'à l'adresse URL). Les informations personnelles/bancaires que vous venez de saisir dans le formulaire, elles ne seront pas récupérées par l'entité usurpée mais par l'escroc. Vous avez été piégé !
Dans le cadre de données bancaires, il y a de fortes chances que vous constatiez des prélèvements anormaux dans les jours à venir. Dans le cadre de données personnelles, elles seront revendues au plus offrant qui les utilisera pour vous spammer ou, pire, pour usurper votre identité.
N'espérez pas résoudre le problème en contactant l'escroc, il y a de fortes chances qu'il ait utilisé une adresse e-mail éphémère. Qui plus est, il y a fort à parier qu'il ne soit pas dans le même pays que vous...
Cas concrets
À titre professionnel (responsable informatique d'une PME) ou à titre personnel (je baigne dans l'informatique depuis plus de 15 ans), j'ai eu l'occasion de croiser un bon nombre de tentatives de phishing. Des fois, l'escroquerie est aussi grosse que le nez de Cyrano de Bergerac. Des fois, c'est subtil au point de me faire douter (mais heureusement, il persiste des signes révélateurs difficiles à camoufler).
J'ai même eu l'occasion d'en faire une formation vidéo, disponible sur ma chaîne YouTube. Le format est un peu long (1h15) mais j'y explique comment détecter un e-mail frauduleux. Et pour cela, je m'appuie sur des cas concrets. Je clique même sur les liens (ce qu'il ne faut pas faire, on est bien d'accord) pour vous montrer l'envers du décor.
Parmi les grands classiques, il y a le phishing à l'administration publique. Par exemple, un e-mail d'AMELI (la branche Assurance Maladie de la Sécurité Sociale). L'objet est légitime et fait miroiter un remboursement. L'adresse e-mail pourrait confondre un néophyte car il contient le terme "AMELI", genre "remboursement-ameli@gmail.com". Le message est plutôt bien construit et sans faute d'orthographe, comme un e-mail officiel. Bref, tous les signaux sont au vert. On nous invite donc à cliquer sur un lien pour renseigner nos coordonnées bancaires afin de recevoir le dit remboursement. Sauf que les coordonnées bancaires seront récupérées par l'escroc. Quant au remboursement, il va se transformer en dépense anormale sur votre compte bancaire...
Le but est toujours le même, gagner votre confiance pour "pêcher" vos informations personnelles.
Autre grand classique, le phishing sous couvert d'une fraude au président. Généralement, là on attaque un service comptabilité en se faisant passer pour le dirigeant. Cela nécessite de l'ingénierie sociale pour savoir qui contacter et sous quel nom (et quelle adresse e-mail). Mais le but reste le même, récupérer des informations bancaires comme un RIB.
On peut avoir la même chose à l'échelle d'un particulier. L'escroc se fera passer pour un prestataire de service connu et reconnu (Orange, EDF, etc.) et il prétextera une intervention chez vous (et ainsi obtenir votre adresse postale et/ou e-mail).
Avec de l'ingénierie sociale, il peut même se cacher derrière une société où vous êtes client (SFR, Free, Engie, votre banque, votre mutuelle, etc.) et vous demander des informations concernant votre contrat (jusqu'à votre carte bancaire ou votre RIB).
Dernièrement, j'ai même vu passer des cas concernant des transporteurs (UPS, DHL, Chronopost, etc.) sous couvert d'une commande à livrer. Avec soi-disant des frais de livraison à régler.
Bref, vous l'aurez compris, l'escroc pourra se faire passer pour une société mais aussi un proche, un collègue, un policier, un huissier, une administration publique, etc. Le but étant d'accrocher votre confiance par tous les moyens possibles.
Comment s'en prémunir ?
Il y a deux axes de prévention à mener. Les deux axes sont complémentaires, l'un ou l'autre ne suffisant pas. La particularité du phishing c'est qu'il ne se cache pas derrière un vers informatique (virus). Donc, on ne parlera pas d'antivirus ni de pare-feu.
Tout d'abord, il est primordial d'avoir un anti-spam. Il peut être déjà inclut, comme dans certaines solutions de messagerie style Gmail. Mais vous pouvez le compléter avec une solution payante comme Altospam ou Vade Secure.
Attention, à l'instar d'un antivirus, ce n'est pas une protection ultime. Un anti-spam repose sur des listes noires et des algorithmes de détection (basés sur des mots-clés, adresses e-mail, liens, etc.). En conséquence, un nouveau type de phishing peut passer entre les mailles du filet (je suis fier de ma blague, comprendra qui pourra).
Ensuite, c'est bête à dire mais il va falloir faire preuve de vigilance. Ne pas croire sur parole le premier message reçu, et ce même s'il vient de votre famille/direction ou d'une administration publique. En règle générale, ne communiquez JAMAIS vos coordonnées personnelles ET bancaires sur Internet.
Par exemple, vous avez reçu un e-mail des impôts ? Appelez-les. C'était un appel téléphonique/SMS ? Rendez-vous sur place. Il faut savoir qu'une administration publique (et cela vaut également pour les banques) ne vous demandera jamais vos coordonnées bancaires et personnelles par e-mail.
En outre, évitez de vous rendre sur des sites Internet par le biais des liens contenus dans les e-mails, préférez l'accès direct (via vos favoris ou un moteur de recherche). La plupart de vos correspondants professionnels (banques, télécoms, administrations publiques, etc.) disposent d'un espace client et en vous y connectant, vous saurez si on vous réclame vraiment des informations.
Dans ce sens, je rappelle une astuce dont j'ai parlé dans mon article sur les ransomwares. En survolant un lien contenu dans un e-mail, vous verrez (en bas à gauche ou en bas à droite de la fenêtre) l'adresse du site Internet vers lequel pointe le lien. Si ce dernier n'a aucun rapport avec le correspondant mentionné au départ, passez votre chemin. Cela fonctionne aussi avec l'adresse e-mail (un e-mail de Free alors que l'adresse e-mail se termine par "sfr.fr" ? Passez votre chemin).
Vous pouvez également vérifier le message en lui-même, particulièrement les fautes d'orthographe (de grammaire, de syntaxe, etc.). Vérifiez également l'expéditeur et son lien avec vous (vous êtes client à la banque LCL et vous recevez un e-mail du Crédit Agricole, passez votre chemin).
En bref, il n'y a pas de solution miracle contre le phishing. Tout est question de vigilance. Prenez votre temps. Lisez, analysez, décortiquez l'e-mail. Posez-vous des questions. Rendez-vous sur l'espace client. Appelez l'expéditeur. Et dans le doute, même à 0.1%, supprimez l'e-mail. Si c'est important, l'expéditeur saura revenir vers vous.
N'hésitez pas à visionner ma formation vidéo sur les bonnes pratiques en sécurité informatique qui relate tout ce que je viens de dire, de façon plus généraliste (je n'y traite pas que du phishing mais de toutes les menaces numériques).
Comment réagir ?
C'est le drame, malgré mes conseils, vous avez cliqué sur un lien dans un e-mail et vous avez rempli le formulaire alors que c'était une escroquerie par phishing... L'erreur est humaine, au moins vous ne referez pas deux fois la même bêtise. Mais du coup, que faire ?
Si vous avez communiqué des coordonnées bancaires, contactez sans plus tarder votre banque. La majorité dispose d'un numéro d'urgence dans ce genre de situation, disponible 24h/24 et 7j/7. Expliquez la situation et demandez le blocage de votre compte.
Si vous avez communiqué des identifiants/mots de passe, modifiez sans plus tarder le mot de passe du compte concerné (celui pour lequel vous avez communiqué le mot de passe). Modifiez également tous les comptes utilisant ce même mot de passe (en passant, ce n'est pas bien et on aura l'occasion d'en reparler dans un prochain article). Si ce n'est pas possible (l'escroc a changé votre mot de passe, par exemple), alors contactez la société derrière le compte, expliquez la situation et demandez le blocage immédiat.
Si vous avez communiqué des coordonnées (téléphones, e-mails, postales, etc.), attendez-vous à recevoir du SPAM... À ce niveau-là, vous ne pouvez pas faire grand-chose à part trier et faire attention.
Dans tous les cas, déposez une plainte au commissariat ou à la gendarmerie la plus proche. Vous pouvez faire une pré-plainte en ligne, pour gagner du temps. Bien entendu, conservez les preuves (e-mail vérolé, échanges, etc.). Sachez qu'un numéro gratuit INFO ESCROQUERIES (0805 805 817) est à votre disposition pour être conseillé par des policiers et des gendarmes spécialisés. Et enfin, n'hésitez pas à signaler les e-mails via le site Internet de signalement du Gouvernement.
Le mot de la fin
On aura pu voir que le phishing est sournois. Très difficile à détecter, il peut s'avérer fatal. Il existe très peu de solutions matérielles/logicielles pour se protéger et il faudra redoubler de vigilance si vous ne voulez pas vous faire piéger.
Mais ce n'est pas une mission impossible. Comme nous avons pu voir, il existe des signes révélateurs qui ne trompent pas. Des fois, il suffit juste de lire (et de cogiter). Dans tous les cas, on ne clique pas sur n'importe quoi sans savoir ce qu'il en retourne. Et cela vaut pour tout, pas uniquement le phishing.
Pour conclure, n'hésitez pas à vous abonner à des flux spécialisés dans la cybersécurité (comme l'ANSSI et son site Internet d'alerte CERT-FR) ou même ceux des sociétés où vous êtes clients. Par exemple, certaines banques sont pointilleuses là-dessus et informent leurs clients dès qu'il y a une vague de phishing en leur nom. Jetez un œil à Twitter également (Damien Bancal, ZATAZ, CNIL, Cert-FR, Cybermalveillance, ANSSI, etc.).
Bref, vigilance et information seront vos meilleurs alliés contre le phishing.
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Merci de votre précieuse attention.
Responsable qualité & Référente handicap de l'ENSAI
4 ansMerci Bastien pour cet article et tes conseils avisés afin de nous aider à nous prémunir du phishing, car c'est une vigilance de tous les instants !