Plus d'autonomie pour les villes pour davantage de développement durable

Plus d'autonomie pour les villes pour davantage de développement durable

L’auteur est avocat, politologue et directeur général et secrétaire-trésorier de la Municipalité de Morin-Heights. Il s’exprime ici à titre personnel.

J’aimerais réagir au texte de l’éditorialiste Paul Journet publié le mercredi 21 novembre dernier et intitulé « Le parti de l’étalement ». Des nuances, des précisions et des rectifications s’imposent dans ce nouvel élément du débat sur l’aménagement du territoire et de l’environnement.

Bien que je partage à l’occasion certaines opinions de monsieur Journet, je ne peux souscrire cette fois-ci à ses idées relatives à l’étalement urbain. Mes réserves ne portent pas sur ses propos relatifs au troisième lien à Québec. Sur ce dernier point, je suis passablement d’accord avec lui sur la futilité de ce projet très peu porteur d’une vision d’avenir essentielle dans un contexte de transition écologique.

L’étalement urbain : une expression largement galvaudée à laquelle nous attachons un sens fortement péjoratif depuis trop longtemps, fruit d’une récupération politique par celles et ceux qui conspuent et ostracisent la banlieue et les régions et qui cherchent à nous conduire lentement mais sûrement vers une rétro-urbanisation, un nouveau mouvement urbanistique vers les grands centres.

L’étalement urbain est souvent identifié à tort comme étant une source de tous les problèmes des grandes villes. Cette expression comporte l’avantage, pour celles et ceux qui en font grand usage, d’être mal comprise, floue et suffisamment affectée d’une connotation négative, assez pour être devenue un paria, l’ennemi à abattre pour régler les problèmes d’aménagement urbain et de transport collectif.

Je suis sincèrement un peu blasé du manque d’originalité des débats sur l’aménagement du territoire au Québec depuis 40 ans. Il me semble que leur contenu a fort peu évolué et demeure bien appuyé sur des assises dépassées qu’il serait grand temps de moderniser. Loin de souscrire à l’idée de monsieur Journet de resserrer encore et encore les lois déjà existantes et désuètes, je crois au contraire qu’il serait grand temps, si vraiment la société québécoise est sérieuse dans son désir de faire des villes et municipalités des vrais gouvernements de proximité, de libérer ces dernières du carcan des Orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT), cet outil technocratique assez peu efficace, archaïque et paternaliste qui rend les récents changements législatifs adoptés sous l’ancien gouvernement presque cosmétiques tellement ces OGAT constituent le principal frein à l’émergence d’audace et d’innovation dans le développement des localités.

Je ne crois pas, contrairement à un certain courant de pensée très fort et persistant, que les villes et municipalités des régions ne sont animés que par des motivations ou incitatifs fiscaux ou pécuniers. Au contraire de la pensée dominante des grandes villes, les régions sont, dans beaucoup de cas, des exemples en matière de développement durable, de qualité de vie et de protection de l’environnement. Si tant d’individus et de familles viennent s’y installer et sont prêts à de nombreux sacrifices pour y arriver, c’est qu’ils y trouvent une réponse concrète et réelle à des besoins trop souvent ignorés par de grands penseurs en aménagement urbain, davantage soucieux de répondre à des enjeux de grandes villes et qui trouvent, dans la protection de l’environnement, une façon de transférer aux régions la responsabilité des limites aux modèles de développement issus des théories de la densification et de la rétro-urbanisation.

Il est grand temps, dans la foulée de ce formidable mouvement social issu du Pacte pour une transition écologique, de convoquer des États généraux sur l’aménagement urbain, de questionner ce modèle dépassé de développement urbain au Québec qui persiste depuis 40 ans, de revoir cette idée de vouloir concentrer tout le développement économique dans les grandes villes, de revoir les rapports entre celles-ci et les régions et d’évaluer l’opportunité, pour les grandes villes, de reconnaître l’apport des régions à leur propre développement et que le salut de ces premières repose peut-être sur la prospérité et le succès des secondes.

Il est grand temps de cesser d’emprisonner les régions dans des carcans législatifs remontant aux années 1970 et de leur donner plus de liberté dans l’aménagement du territoire. La ville que j’ai le privilège de diriger depuis peu a, de son propre chef, renoncé à développer 13,5% de son territoire en acquérant diverses portions de celui-ci aux fins de les convertir en réserve naturelle. 13,5% de son territoire qu’elle a choisi de ne pas consacrer au développement immobilier. Des exemples comme celui de Morin-Heights, il y en a des dizaines à travers le Québec.

La coercition législative n’a strictement rien donné. En faire davantage n’apportera certainement pas plus de résultat, bien au contraire. Je ne partage donc pas l’opinion de monsieur Journet à l’effet qu’il faille en ajouter davantage.

Enfin, il serait aussi grand temps, dans ce débat, de cesser de constamment tout ramener à l’argent. Bien qu’il faille reconnaître que le système actuel de la fiscalité municipale a atteint ses limites et qu’il y a urgence de le moderniser, le Québec a somme toute peu bougé à ce chapitre. L’idée de céder des points de taxe de vente aux villes et municipalités comporte un certain mérite mais il ne faudrait surtout pas reprendre d’une main ce que l’on donnerait de l’autre, en s’imaginant que l’on s’attaquera à l’étalement, d’autant plus, tel qu’exprimé plus tôt, qu’il s’agit d’un symptôme bien davantage que la source des défis à relever sur le véritable enjeu que sont l’occupation et la vitalité de notre territoire.

Christine Belanger

Gestionnaire principale, protection et acquisition chez Fondation de la faune du Québec

5 ans

Fonds des municipalités pour la biodiversité !

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