Positionnement, ou l’art de faire des sacrifices.
The essence of positioning is sacrifice. You must be willing to give up something in order to establish that unique position.
Al Ries & Jack Trout — Positioning: The Battle for Your Mind
Notre histoire démarre en 2009, quand un jeune diplômé qui n’avait aucune formation en informatique se mit à coder un prototype nommé baptisé Burbn tout en apprenant le code lors de ses soirées après le travail.
Burbn était un réseau social avec beaucoup de fonctionnalités, beaucoup de gamification (système de point, compétition, etc.), et parmi toutes ces idées se trouvait en arrière-plan une fonctionnalité marginale, celle de pouvoir poster et commenter des photos.
Une fonction totalement secondaire qui allait devenir le cœur de l’un des plus grands réseaux sociaux de tous les temps.
En effet, après observation, l’équipe s’est rendu compte que cette fonctionnalité était devenue extrêmement populaire auprès des utilisateurs et à décider de rebâtir une application entièrement basée sur le partage de photo en sacrifiant les autres fonctionnalités et de la renommer :
Instagram.
Sacrifier sa vision (et son égo)
La vision désigne comment un leader visualise la fin d’un chemin. Avoir une vision est primordiale, mais encore faut-il s’assurer que ce que le leader croit être le bon chemin ne soit pas un cul-de-sac.
Quand le voyage vers les plages de Saint-Tropez se termine dans un champ en plein milieu de la Dordogne, il faut accepter le fait de revoir sa copie.
La seule chose qui ne peut pas ou peu changer dans une entreprise, c’est sa mission.
Tout comme Instagram, de nombreuses entreprises se sont retrouvé dans ce champ de Dordogne et ont dû revoir leur chemin.
Malheureusement, les chemins ne sont pas toujours revus.
Dans le monde de l'entrepreneuriat, il arrive fréquemment que le pire ennemi d’un fondateur soit le fondateur lui-même.
Convaincu de détenir une idée qui va apporter succès, gloire et richesse, le fondateur bâti toute une équipe autour de cette dernière dans le but qu’elle prenne forme, de l’améliorer ou encore de la rendre plus sophistiquée, sans jamais remettre l’idée centrale en question.
Dans cette situation, le positionnement est donc aligné sur cette idée centrale.
Mais que se passe-t-il maintenant si les mois passent et que cette idée n’a pas le résultat espéré ? Que la raison d’être de l’entreprise ne rencontre pas le succès ?
Dans de nombreux cas, cela s’est traduit par la mort de l’entreprise, mais dans d’autre cas, c'est l’utilisateur lui-même qui lance une ultime bouée de sauvetage avant la noyade, mais il n’y a que trois conditions pour prendre cette bouée :
Cette situation critique montre non seulement que c’est l’utilisateur qui fait le succès ou la mort d’un produit, mais que c’est aussi l’utilisateur qui fait le produit. Le fondateur ou CEO ne fait qu’accepter ou non la direction suggérée indirectement par l’utilisateur.
Parfois cette direction est conforme à la vision originelle, parfois elle s’en éloigne, si cela arrive sommes-nous prêt à sacrifier notre vision pour le bien de l’entreprise ?
Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent
Les contres arguments les plus courants sont généralement inspirés d’Henry Ford ou Steve Jobs expliquant que les gens ne savent pas ce qu’ils veulent.
Oui, il arrive que les gens ne savent pas ce qu’ils veulent, mais ils savent aussi ce qu’ils ne veulent pas. Et il existe un cimetière d’idées pour le prouver.
De plus, il ne s’agit pas ici de se baser sur des souhaits formulés, mais sur des comportements réels.
Sacrifier le surplus, embrasser l’essentiel
Le développement d’un produit (notamment digital) est traditionnellement assez linéaire. Des fonctionnalités qui s’accumulent toujours plus dans le but de construire le meilleur produit ou service.
Mais le meilleur produit n’est pas celui qui a le plus de fonctionnalités, c’est celui qui rempli le mieux sa fonction principale, sa mission, son “job-to-be-done”.
Si nous jetons un œil aux applications présentes sur notre smartphone, on se rend compte que plusieurs applications permettent de faire la même chose grâce à des fonctionnalités similaires, mais chaque application excelle dans une chose et c’est pour cette chose que nous l’avons téléchargée et que nous l’utilisons.
Lorsque Instagram, alors Burbn, est née, l’application n’excellait dans rien. Pire, la chose pour laquelle elle excellait n’était pas communiqué.
Recommandé par LinkedIn
C’est ici que le positionnement fait face à une problématique, comment communiquer la valeur et la différence d’un produit si on ne peut pas définir une seule et unique chose à communiquer.
Il faut choisir son champion, ne montrer que ce champion au monde et les gens viendront pour ce champion.
No matter how complicated the product, no matter how complicated the needs of the market, it’s always better to focus on one word or benefit rather than two or three or four.
— The 22 Immutable Laws of Marketing
Une position forte sur le marché, c'est une position claire et simple.
À vouloir ajouter de grosses fonctionnalités, cela risque non seulement de créer “un produit dans le produit” et donc de complexifier l’ensemble, mais aussi de croiser le chemin d’un champion concurrent qui excelle déjà sur ce terrain.
Plus c’est flou, moins c’est mémorable, plus c’est diversifié, plus c’est risqué.
Il vaut mieux être fort quelque part que faible partout et je n’apprendrais rien en disant que se spécialiser c’est la clé. En bref, si une partie d’un produit n’est pas aligné sur la spécialité de la maison, il peut être judicieux d’y réfléchir à deux fois.
Sacrifier son public
“The new product should be at least 10 times better than the existing solution so that you can convince a significant number of users to change their habits.”
— Ben Horowitz
Avant tout chose, voici deux vérités générales, à garder constamment en tête :
Lorsque Ben Horowitz dit qu’un nouveau produit devrait être dix fois meilleur que les solutions existantes pour faire une percée sur le marché, cela sous-entend que les solutions existantes doivent être dix fois moins biens.
Or, toutes les solutions existantes n’auront pas le même contraste avec la nouvelle solution, pas le même écart de valeur.
Prenons un exemple.
A. La famille Martin ne possède pas de lave-linge et chaque membre de la famille à l’habitude de laver son linge à la main dans une bassine.
B. La famille Dupont à un vieux lave-linge en fin de vie.
Chaque famille décide d’acheter un (nouveau) lave-linge.
La réponse aux deux questions est : Non.
La valeur perçue d’un lave-linge, pour la famille sans, est susceptible d’être dix fois supérieur que leur actuelle bassine, alors qu’elle sera plus faible pour la famille possédant déjà un lave-linge.
On pourrait très bien positionner notre lave-linge auprès des deux familles, mais cela génèrerait de la confusion, car il y aurait deux messages, deux positionnements.
Le positionnement classique pour la famille Martin (sans lave-linge) serait de promouvoir les laves-linges en général, alors que le positionnement pour la famille Dupont (avec un vieux lave-linge) serait par exemple de promouvoir un meilleur lave-linge que l’ancien.
Sans compter que ces deux messages diviseraient le budget marketing par deux.
À moins d’être une multinationale, il faut donc faire un choix et pour le faire, il faut se poser quatre questions :
Une fois que les réponses sont trouvées, il faut abandonner l’idée d’attaquer le reste et ne se concentrer que sur cette cible.
En revanche, dans le cas où un concurrent bien installé est déjà positionné sur cette cible, il vaut mieux à réfléchir à deux fois avant d’y aller.
Conclusion
Le positionnement est un choix, celui de devoir parfois sacrifier le reste dans le seul but de renforcer le meilleur.
C’est une constance de clarté et de simplicité à tous les niveaux qui permet de garder ou approcher une position forte et durable.
Sans cette force d’esprit et de décision, c’est une position floue qui s’installe à la fois sur le marché, mais aussi dans la tête du prospect.