Possession de biens immobiliers en France et résidence fiscale : deux rappels utiles du Conseil d’Etat
Dans une décision du 7 octobre dernier, le Conseil d’Etat a rappelé qu’au regard tant du droit interne que du droit conventionnel, la seule possession de biens immobiliers en France n’est pas suffisante pour qu’un contribuable y ait sa résidence fiscale.
S’agissant du droit interne, le Conseil d’Etat a fait application de l’article 4 B du Code général des impôts, qui détermine les conditions dans lesquelles des personnes physiques ont leur domicile fiscal en France. Cet article identifie trois critères alternatifs, à savoir un critère personnel (avoir en France son foyer ou, en l’absence de foyer, son lieu de séjour principal), un critère professionnel (exercice en France d’une profession non accessoire), et un critère économique. Dans l’affaire jugée le 7 octobre dernier, le Conseil d’Etat devait se prononcer sur le critère économique, qui est rempli lorsque le contribuable a en France le centre de ses intérêts économiques, et qui ne l’est pas si le centre des intérêts économiques du contribuable se trouve hors de France.
A cet effet, le Conseil d’Etat a mis en œuvre le principe selon lequel s’il convient, pour déterminer le centre des intérêts économiques du contribuable, d’examiner sa situation patrimoniale, la question posée n’est pas, lorsque ce patrimoine est productif de revenus, celle de la répartition de ce patrimoine entre la France et d’autres Etats, mais celle de la répartition des revenus de ce patrimoine. Applicable depuis l’arrêt M. Caporal du 27 janvier 2010, cette solution est logique lorsque, comme en l’espèce, la question posée est celle de l’imposition des revenus et non celle du patrimoine. Par suite, lorsque des contribuables possèdent en France d’importants biens immobiliers, cette circonstance ne suffit pas à ce qu’ils y aient leur domicile fiscal, surtout si ce patrimoine n’est pas productif d’importants revenus et si ces contribuables établissent que la majorité de leurs revenus provient de leurs activités professionnelles réalisées dans un autre Etat et que leurs revenus de source française ne sont qu'exceptionnels ou inexistants.
S’agissant du droit conventionnel, le Conseil d’Etat a ensuite rappelé que s’il ressort du paragraphe 2 de l'article 1er de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 qu’« Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation », cette condition n’est pas nécessairement remplie dans un de ces deux Etats au seul motif que le contribuable y possède des immeubles. Encore faut-il, en effet, qu’il soit établi qu’un de ces immeubles constitue « un foyer permanent d'habitation ». Il est précisé que dans l’hypothèse dans laquelle cette condition est remplie en France et dans un autre Etat conventionné avec la France, il convient, si la convention fiscale internationale reprend le modèle proposé par l’OCDE, d'écarter ce critère et de recourir à d’autres critères subsidiaires pour établir la résidence fiscale du contribuable : celui des liens personnels et économiques les plus étroits (centre des intérêts vitaux), puis celui du lieu de séjour habituel, et enfin celui de la nationalité.
En résumé, la possession d’un patrimoine immobilier important en France ne suffit pas, à elle seule, à établir en France la résidence fiscale d’une personne physique.