POUR UN PLAN DE SAUVETAGE ET DE REMISE A NIVEAU DU SERVICE PUBLIC DE JUSTICE

POUR UN PLAN DE SAUVETAGE ET DE REMISE A NIVEAU DU SERVICE PUBLIC DE JUSTICE

A la mi mars 2020, et pendant de nombreuses semaines, les Tribunaux, les Cours de FRANCE et des territoires ultramarins restaient pour la totalité -sauf exception peut-être, mais nous n'en connaissons pas !-, et pour la majeure part de leurs activités, en mode "pause", pour toutes leurs activités qui ne relèveraient pas des affaires dites "essentielles" :

Si ce n'étaient des affaires pénales urgentes (hors Cour d'assises, dont les séances sont suspendues), et/ou tous contentieux liés à la liberté (comme les hospitalisations d'office), il n'y avait aucun véritable maintien d'activité judiciaire...malgré quelques sporadiques tentatives de continuation d'activité, isolées...

Les liens numérisés à distance qui existent déjà avec les partenaires de justice que sont les Avocats, pour continuer à interagir avec les Palais et les justiciables, par le biais du réseau privé virtuel dit RPVA, sont restés pendant cette période d'arrêt de l'activité judiciaire, pour beaucoup, inactifs, du fait du confinement subi par les personnels du service public de justice.

Manifestement, le télétravail n'a pas pu être déployé dans ce secteur, alors qu'il est prôné par les pouvoirs publics pour maintenir l'activité de notre pays.

Cela tient sans doute à la nécessité de créer à domiciles, et aussi de sécuriser les connexions internet à distance, pour pouvoir accéder aux systèmes d'exploitation très particuliers du Réseau Privé Virtuel Justice.

Cela tient peut-être à la nécessité pour les télétravailleurs(euses) de disposer de tout le matériel informatique indispensable à cette activité de secours.

Cela tient surtout sans doute, à une absence de plan de continuité d'activité spécifique, créé pour le monde judiciaire -et non pas militaire, car ces PCA ne sont manifestement pas "calibrés" pour la Justice, mais pour l'Armée au mieux-, et qui fonctionnerait dans le temps (et non pour les tous premiers jours après une crise).

Ainsi, ce sont des dizaines de milliers de dossiers en souffrance, voire d'affaires non introduites, qui ne peuvent trouver d'issue judiciaire.

Dans un pays qui se considère comme une grande démocratie, la paix sociale doit en toutes circonstances rester garantie par l'œuvre judiciaire, et ce avec un principe de continuité, en toutes circonstances.

Le Ministère de la Justice ne devait pas laisser chaque Tribunal, chaque Cour, mettre en place son propre plan de continuité d'activité, et provoquer un fonctionnement aléatoire et inconstant sur tout les territoires.

Les Chefs de juridictions, leurs personnels, semblaient dans ce cadre abandonnés et esseulés- à chacun de tenter de se sortir de sa situation...

Un vrai plan de continuité d'activité supposait donc que cette administration centrale organisât alors l'activité judiciaire en :

1/ Proposant aux personnels de Greffe et aux magistrats des poursuites d'activité en télétravail, à défaut de pouvoir assurer une reprise en toute sécurité de leurs lieux de travail habituels, et leur fournisse à cette fin aide, formation, connexions à distance, voire les matériels si nécessaires à cette fin.

2/ Incitant les personnels de Greffe et les magistrats à interagir avec les Avocats par contacts téléphoniques pour faire avancer telle ou telle affaire, voire par l'utilisation de la visio conférence pour favoriser les interactions, et les inciter à reprendre le cours d'audiences qui ne pouvaient plus se tenir en présentiel.

Il appartenait donc au Ministère de la Justice d'organiser, avec son interlocuteur privilégié que constitue le Conseil National des Barreaux, de nouvelles voies de communications sécurisées entre les Avocats et les personnels de justice.

Remettre du lien entre les personnels du service public de Justice, fut-ce à distance, et les Avocats, semblait une règle minimale à mettre en place, pour assurer un service minimum au justiciable.

Mais, au-delà, et surtout :

Cette crise sanitaire imposait aussi de prévoir l'après-crise.

Si rien ne devait plus être "comme avant", pourquoi ne pas avoir profité des mois offerts depuis la première vague de crise sanitaire, pour déployer ces systèmes et ces pratiques de visio-conférence, qui serviraient pour un déconfinement sans risque de "rechute" :

En installant pendant la crise et le confinement, des matériels et des pratiques de communications à distance, cela aurait permis de gérer des affaires, des audiences, des interactions humaines autrement, que par des déplacements à risque, non écologiques, et autres pertes inutiles de temps.

Nombreux sont les services, sécurisés, conformes RGPD, faciles à mettre en œuvre et à déployer auprès des Avocats et des personnels du monde judiciaire.

Au lieu de cela, et avec la seconde vague de crise sanitaire que rencontre notre pays actuellement :

Selon la Présidente du Conseil National des Barreaux qui a échangé avec la magistrature à ce titre, moins de 10% des magistrats sont équipés en matériel informatique pouvant être mobilisé en dehors des Palais.

La mise en place du télétravail entre la première et la seconde vague n'a pas plus été organisée qu'avant mars 2020, et ce sujet ne serait à l'étude et ne serait discuté qu'à partir de...Décembre 2020.

Que penser alors ?

Que le service public de Justice n'est pas considéré à sa juste valeur.

Qu'il fonctionne toujours comme au siècle dernier.

Que ses moyens ne sont pas proportionnés, que la Justice est financièrement sous dotée.

La Commission Européenne pour l'efficacité de la Justice (CEPEJ) vient de publier son nouveau rapport sur l'effort réalisé par les Etats membres de l'UE pour leur Justice :

Or, la France consacre moins de 70 € par habitant pour sa justice contre 130 € pour l'Allemagne.

La moyenne européenne se situe à près de 85 € par habitant.

Comme le soutient alors la Présidente du CNB dans son intervention de ce 29/10/2020, "la France décroche".

...Et ce n'est pas l'arrivée du nouveau Garde des Sceaux qui permet de rattraper ce retard, ce malgré de récents effets d'annonce sur une augmentation du budget alloué à ce service public.

En règle générale, en matière aéronautique, après un décrochage, il y a le crash...

Puisse ce dernier ne pas se produire avec le confinement qui s'annonce pour ces prochaines semaines, voire ceux pour ces prochains mois...

Philippe CANO

Avocat à AVIGNON

Novembre 2020

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