Pour une nouvelle approche de développement de marché des pompes à chaleur géothermiques

Pour une nouvelle approche de développement de marché des pompes à chaleur géothermiques

La géothermie représente la solution de chauffage et de climatisation décarbonée la plus prometteuse d'un point de vue performance énergétique. Combinée aux boucles de chauffage et de climatisation urbains, elle offre une perspective d'avenir pour nos villes québécoises et canadiennes en transition énergétique et lutte aux changements climatiques. Pourtant, malgré des décennies d'existence, la pénétration des pompes à chaleur géothermiques reste marginale. Il est temps de changer la recette !

C'est un peu la même chose pour les boucles de chaleur et de climatisation urbaines. On en parle depuis des décennies, avec des exemples éloquents, mais pour l'instant, dans la plupart des nouveaux quartiers, c'est chacun pour soi, chaque propriété avec son propre système de chauffage et de ventilation, maison par maison, bâtiment par bâtiment. Le changement est trop lent. L'adoption est trop lente. Nous avons besoin de champions pour développer ce genre de solution. Les services publics comme les utilités gazières et les municipalités devraient être ces champions.

La géothermie : un potentiel inexploité

Les avantages de la géothermie pour la climatisation et le chauffage sont indéniables, particulièrement dans le contexte actuel d'électrification et de décarbonation rapide des bâtiments. Sa performance énergétique surpasse la plupart des alternatives (ex. : chauffage résistif, fournaises au gaz, pompes à chaleur aérothermiques), tout en réduisant considérablement la pointe électrique de chauffage. Face à l'augmentation démographique au Québec et au besoin croissant d'habitations, la géothermie apparaît comme une clé pour poursuivre la croissance sans émissions de GES, surtout compte tenu de nos capacités limitées de production et de distribution électriques.

Les boucles de chaleur urbaines traditionnelles étaient souvent alimentées par une grande centrale thermique dans les centres-villes. Mais les boucles urbaines du futur seront de plus en plus utilisées en chauffage et ventilation, seront à basse température, et de plus en plus alimentées par les rejets de chaleur des centres de données, épiceries et industries, ainsi que par la géothermie. Elles sont des solutions prometteuses. Tout comme la géothermie, ces solutions ne décollent pas.

Les obstacles actuels

Malgré sa maturité technologique, la géothermie peine à se généraliser. La principale barrière? Le coût initial élevé des puits géothermiques, entraînant des périodes de retour sur investissement peu attrayantes pour les propriétaires de bâtiments. Qui veut d'un retour sur investissement de plus de 15 ans ? D'ailleurs, où serez-vous dans 15 ans ? Vivrez-vous toujours dans le même logement ? Si vous êtes le propriétaire, serez-vous toujours propriétaire du même bâtiment dans 15 ans ? La géothermie a donc surtout été adoptée par des institutions (ex. : hôpitaux et écoles). Dans 15 ans, les institutions savent qu'elles seront toujours où elles sont. Mais ce n'est pas le cas pour la plupart des entreprises et des individus.

Je l'ai écrit souvent, les pompes à chaleur aérothermiques avec la biénergie au gaz naturel constituent un excellent système pour décarboner en évitant les pointes électriques sur le réseau. Mais c'est seulement le meilleur système après la géothermie. C'est simplement le second choix, en attendant que la géothermie soit plus accessible. J'attends, mais le changement est lent.

Une nouvelle approche : impliquer les utilités et les municipalités

Et si nous changions la recette ? Les services publics/utilités (notamment utilités gazières) et les municipalités pourraient être la clé pour déployer des boucles de chaleur urbaine géothermique dans les nouveaux quartiers et développements immobiliers.

Utiliser ces acteurs a des avantages indéniables comparés au « laisser-faire le marché et la compétition » :

  • Capacité à amortir les investissements sur 50 ans ou même plus s'il le faut
  • Expertise en construction et déploiement d'infrastructures
  • Maîtrise des modèles d'affaires à tarifs réglementés au coût de service
  • Attentes raisonnables sur le retour sur capitaux propres
  • Investisseurs intéressés, d'autant plus si l'investissement a des attributs ESG
  • Expérience en facturation et service à la clientèle

De plus, si la géothermie était déployée à travers des boucles de chaleur urbaine plutôt qu'individuellement sous chaque propriété, les boucles de chauffage urbain offriraient l'opportunité de valoriser les rejets thermiques des centres de données, épiceries, ou entreprises manufacturières urbaines. Et pourquoi ne pas y ajouter un appoint de chauffage au gaz naturel renouvelable, au besoin, quelques heures par année ? C'est d'ailleurs un angle de développement des gazières.

Les barrières réglementaires à surmonter

Malheureusement, les régulateurs comme la Régie de l'énergie limitent actuellement la diversification des utilités, les empêchant d'utiliser leur modèle d'affaires réglementé pour déployer et opérer de telles boucles. Le cadre légal ne le leur permet pas. L'argument « traditionnel » pour ne pas changer ?: Il ne serait pas adéquat de consacrer un monopole. Les installations géothermiques devraient être laissés au marché et à la compétition. Certes, ce n'est pas un argument sans vertu. Il y a de nombreux entrepreneurs qui peuvent installer des systèmes géothermiques. D'autres investisseurs pourraient investir plutôt que les utilités. Peut-être. Et puis rien n'empêche les utilités d'investir, même sans monopole consacré et même sans inclusion dans la réglementation, non?

Pourtant, ils ne l'ont pas fait, ou pas assez. Après des années (décennies !) d'attente, la pénétration des boucles de chauffage et de la géothermie stagne toujours.

Garder la même approche et espérer des résultats différents ?

Non ! Il est temps de changer l'approche. Les services publics/utilités, particulièrement celles du secteur gazier, cherchent de nouveaux modèles d'affaires. Les municipalités, quant à elles, sont à la recherche de revenus additionnels et pourraient agir comme utilités municipales ou partenaires.

Ces acteurs ont les avantages comparatifs nécessaires pour changer la donne sur les boucles de chaleur géothermiques. Il est crucial d'adapter notre réglementation pour permettre leur implication et ainsi accélérer la décarbonation au Québec, et au Canada.

En conclusion, repensons notre approche de la géothermie et des boucles de chauffage et climatisation urbain. En impliquant les utilités et les municipalités, nous pourrions enfin débloquer le potentiel de ces technologies essentielles pour un avenir énergétique durable au Québec.

Peut-on laisser un nouveau quartier s'installer avec seulement du chauffage électrique résistif ?

Peut-on laisser un nouveau quartier s'installer avec de nouvelles conduites de gaz naturel ? La géothermie s'impose.

Qu'en pensez-vous ?

À propos de moi

Je suis un professionnel expérimenté dans le secteur de l'énergie, spécialisé dans les stratégies de transition énergétique. N'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn ou à me joindre pour discuter de la façon dont nous pouvons aider votre organisation à se préparer à la transition énergétique.

Nick Annejohn, P. Eng.

Senior Design Engineer - Thermal Energy, Efficiency, & Decarbonization

1 mois

Si on parle spécifiquement de la nouvelle construction, une autre bonne avenue pour la réglementation c'est le code du bâtiment. En plus d'interdire les carburants fossils, on pourrait imposer un plafond sur l'appel de puissance électrique pour le chauffage. Le constructeur pourrait ainsi opter pour la géothermie, mais aussi pour une thermopompe à aérothermie couplée avec une enveloppe plus performante.

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