Pour une Présidence et une Citoyenneté lucides et engagées

Demain je glisserai mon bulletin dans l’urne, dans un acte d’évidence et d’inquiétude. Dès demain soir il sera temps que chacun joue pleinement son rôle pour qu’à une catastrophe évitée ne succède l’augure d’un désastre assuré.

Car celui qui gagnera demain devra retenir ce qu’a montré le premier tour : un peuple fissuré et écartelé entre quatre propositions souvent radicalement différentes et parfois dangereusement extrémisées. Peut-être même cinq si l’on y ajoute l’option du découragement abstentionniste. Quel que soit son score, celui qui sera élu le sera bien du bout des lèvres par une grande majorité, ce qui devra le renvoyer instantanément à l’ampleur de ses responsabilités pour notre futur. En conséquence, on attend demain de la gravité dans la victoire, et que la tentation d’une célébration narcissique et lyrique d’un destin même remarquable et précoce reste dans le huis-clos privé d’un homme face à son miroir de salle de bain, là où paraît-il naissent et se nourrissent les ambitions politiques.

Il faudra se rappeler le moment venu que derrière les femmes et les hommes qui applaudissent au premier rang, beaucoup plus encore resteront dans la défiance et difficiles à ramener vers un dessein collectif repensé. Pour cela, le courage et la fermeté des intentions devront être la marque de fabrique d’un mandat décisif. Il ne pourra pas être efficace s’il s’encombre de faibles compromis que pousseraient les circonstances d’un assemblage hétéroclite de conseillers encore étonnés et ravis de se retrouver dans la place.

Mais tout Président qu’il sera, nous ne pouvons attendre d’un homme et d’un gouvernement qu’ils dissipent seuls la fumée brunâtre qui s’est épaissie sur notre pays. Que faisons-nous, chacun de nous ? Les critiques justifiées sur la bassesse de la campagne électorale ne doivent pas faire peser tout le poids de notre futur sur le seul personnel politique. Nous avons tous le choix au quotidien de contribuer par nos engagements à restaurer un peu de la confiance, de la solidarité, de la compréhension et du partage dans une société que nous voulons protéger des naufrages sécuritaires et identitaires. Que chacun de nous se pose la question : quel est mon apport ? La République n’est pas une injonction, c’est un Pacte qui repose sur nos engagements et notre participation active. Il y a en France tant de moyens, essentiellement associatifs, pour que chacun participe à l’éducation, la transmission de valeurs, le partage, la solidarité ou simplement le plaisir d’être ensemble. Si chacun amplifiait son engagement avec courage et détermination, dans son quartier, dans son village, dans son entreprise ou son institution, nous finirions par recréer une société du lien concret. Ce serait notre part du Pacte.

Que le Président qui s’annonce se consacre donc aux grands équilibres, aux redistributions légitimes, à la transition écologique, à la protection des citoyens, à la renaissance d’un projet Européen et la préparation d’une grande France numérique, intelligente et innovante. Qu’il délaisse le story telling et se consacre à l’history making. Qu’il fasse donc de la macron-omie et nous confie les détails de nos micro-vies, où nous déciderions si nous voulons par nos efforts ouvrir les bibliothèques le dimanche, organiser un tournoi de football, aider nos enfants et nos aînés ou simplement animer nos rues. A condition que nous le fassions tous, vraiment et continûment.

Le futur a besoin d’humilité et d’engagement, chacun à sa place, et que nous travaillions tous à la recréation de projets, grands et petits, qui préserverons notre envie et le bonheur de vivre en France.