POURQUOI FAUT-IL DIRE NON AUX RÉFÉRENDUMS NATIONAUX ?

La grande confusion qui règne aujourd’hui au Royaume Uni devrait faire réfléchir les démocrates des pays occidentaux sur l’opportunité de soumettre au référendum, une décision importante pour leur pays.

Apparemment l’expression de la démocratie directe peut être séduisante et cette voie est ouverte par l’article 11 de la constitution complété en 1995 et en 2008, qui prévoit que « peut être soumis au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions….Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales… »

Cependant les consultations populaires au niveau national, portent  de plus en plus sur des sujets complexes et exigent un niveau de connaissances que très peu d’électeurs peuvent posséder, surtout quand on ne peut répondre que par oui ou par non à la question posée. Ainsi combien de français avaient lu et surtout compris les quelque 190 pages du projet de traité constitutionnel pour l’Europe qui leur a été soumis le 29 mai 2005 ?

La pratique référendaire présente en tout état de cause des faiblesses qui en décrédibilisent en partie les résultats. Ainsi une révision constitutionnelle peut être adoptée avec 50% des voix plus une, sans qu’il y ait un quorum d’électeurs, alors que la voie parlementaire exige une approbation des 3/5ème des votants réunis en Congrès.

De plus un référendum peut être l’occasion pour de nombreux électeurs de se défouler face au pouvoir en place et de manifester leur mécontentement, ce qui aboutit à biaiser largement une telle consultation. Gageons qu’un chef d’Etat avec une très faible cote de popularité pourrait se voir opposer un refus très net à la mise en œuvre d’une mesure pourtant extrêmement populaire, qui aurait pu faire l’unanimité dans d’autres circonstances…

Enfin une décision soumise à référendum peut être construite sur un ensemble de mensonges. Combien d’électeurs britanniques se sont fait gruger par la promesse d’affecter au NHS une somme supplémentaire de 350 millions de livres par semaine, qui ne seraient plus versées à l’Union européenne et d’aboutir à zéro immigration en provenance des pays qui la constituent. Les plus démunis, qui ont voté pour la sortie de l’UE, risquent d’être les premières victimes de leur propre vote. Le Brexit illustre bien ainsi l’inadaptation d’un instrument tel que le référendum pour traiter une question aussi cruciale pour les citoyens que leur avenir dans l’UE.

        Pourtant le même  Royaume Uni dispose d’un autre instrument de démocratie directe qui semble bien fonctionner, sous la forme d’un droit de pétition. Ainsi, lorsqu’une pétition recueille 10 000 signataires, elle doit obtenir une réponse du gouvernement. Si elle atteint le seuil des 100 000, elle peut faire l’objet d’un débat au Parlement, si une commission spécialisée le décide.

        La France pourrait s’inspirer de ce système et abandonner définitivement le référendum national aux partis extrémistes qui en font leur fonds de commerce, pour essayer d’asseoir leur légitimité.


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Vincent Grenouilleau

Directeur de projet chez DGAC

7 ans

D'accord avec toi, Claude, à condition de ne pas se limiter aux référendums (da) nationaux. Pour moi, le référendum en général est le dispositif le moins démocratique qui soit. Cf, le mot -apocryphe, mais significatif- qui circulait au temps où Napoléon pas encore III se préparait à faire avaliser son coup d’État par un plébiscite "populaire" : les curés, qui lui servaient d'agents électoraux, à la question de l'électeur : "Mais que veut dire referendum?" répondaient : "C'est un mot latin qui veut dire "oui"".

Nathalie QUELQUEJEU

DRH de l'IGN, Administratrice de l’Etat, promotion Alan Turing

7 ans

Avis partagé , merci pour cette analyse. En l'espèce je pense que la sanction de la politique nationale a été le principal levier pour les partisans du Brexit. La pédagogie autour des enjeux européens doit être renforcée.

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