Pourquoi les négociations conventionnelles entre la CNAM et les médecins de ville ne peuvent pas aboutir en l'état ?
En pleine négociation entre les libéraux et l’Assurance Maladie, la commande du Ministère d’une enquête sur les tarifs de consultations des médecins libéraux, qui a généré un silence total de sa part (qui ne dit mot consent), est symptomatique.
Dans un objectif de décrédibiliser les libéraux auprès de l’opinion publique sur leur demande de hausse des tarifs, cela illustre une forme de perversité politique mais surtout une incompréhension des fondamentaux économiques de la santé en général et de la médecine libérale en particulier.
Le tarif de la consultation est la variable économique à partir de laquelle le médecin libéral va dimensionner qualitativement et quantitativement son exercice.
C’est l’unité de base qui lui permet de définir les moyens à sa disposition pour organiser son exercice, pour soigner ses patients et disposer d’un revenu.
Depuis des années, la seule corrélation qui est faite avec ce tarif est le revenu des médecins. Si on regarde sur des périodes suffisamment longues (10 ou 20 ans), on voit bien que le revenu des médecins suit une croissance plutôt linéaire (avec des trous d’air comme en 2020-2021), correspondant peu ou prou à l’inflation (maintien du pouvoir d’achat) ce qui n’est pas le cas des tarifs de consultations dont certains n’ont pas bougé depuis plusieurs années.
Malgré la faiblesse des tarifs, les revenus des médecins progressent.
Ceci n’est possible que par l'intensification de leur activité, la hausse du nombre d’heures de travail, des économies sur leurs charges professionnelles… bref, une dégradation de leur conditions de travail, un stress croissant, une incapacité d'investir dans l'innovation, une situation de burnout pour 1 MG sur 2…
Les Pouvoirs Publics, dans leur vision comptable et court-termiste, se satisfont très bien de cette situation qui revient à une baisse des coûts unitaires de prise en charge des patients en ville.
Les médecins augmentent leur productivité tout en ayant des tarifs qui baissent en euros constants. Pourquoi changer ça vous dira votre comptable?
Ils ont fait la même chose dans les années 2010 avec le gel du point d’indice des praticiens de la fonction publique, jusqu’à ce que ça casse.
L’erreur originelle est de confondre la notion d’honoraires (ou de chiffre d’affaires) avec celle de revenus, pour les entrepreneurs que sont les médecins libéraux.
Vous allez me dire que les seconds dépendent des premiers et vous avez en partie raison mais ils doivent être différenciés.
Imaginez un montant total d’honoraires d’une base 100 sur un mois correspondant à 100 actes d’une valeur 1.
Si le médecin a une rémunération cible de 50, il lui restera 50 pour financer ses équipements, son personnel, son loyer, ses frais généraux.
Si la valeur de l’acte devient 1,5, sa base d’honoraires devient 150 pour la même activité.
Qu’est ce que ça changera pour le médecin? Dans l’esprit des Pouvoirs Publics et dans ce qu’essaie de faire passer comme message UQC (les médecins sont cupides), le médecin prendra 120 et gardera 30 pour le reste.
La réalité est qu’il prendra toujours autour de 50 mais qu’il lui restera 100 pour financer son activité.
Sa vie professionnelle va donc changer mais pas son train de vie personnel, sauf qu’il/elle sera plus épanoui(e) et moins stressé(e) en rentrant chez lui.
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Cette montée en puissance des moyens octroyés à la ville devrait être intégré dans un plan stratégique d’ensemble à 5 ou 10 ans, et la négociation devrait porter sur ce plan.
Ce plan n’existe pas donc il n’y a rien à discuter d'autre que la hausse de quelques pourcents qui ne changeront rien mais laisseront penser que le pouvoir d’achat des médecins sera conserver (le reste des variables étant ignoré).
La vision prospective et systémique n’intéresse pas l’exécutif en santé. Ils en ont même une forme de mépris et de condescendance, ce qui leur permet de garder bonne conscience.
Si vous augmentez les tarifs de 30%, de 50% ou de 70%, vous ne changerez peu les revenus des médecins mais vous changerez tout sur l’attractivité de la médecine de ville et sa capacité à assumer les soins et les missions de santé publique dont la PDSA et la prévention.
Evidemment que le revenu est une variable importante d$mais les conditions dans lesquelles vous obtenez ce revenus sont essentielles.
Vous me direz où trouver l’argent?
Cet argent existe si on veut bien l’utiliser pour financer la médecine de ville et non des coûts administratifs des mutuelles, des allègements de charges sur les contrats collectifs, des couts administratifs de de GHT, de CPTS…Voir programme d l’Institut Santé (ici)
San compter que tout le mode sait que l’investissement dans les soins primaires est à forte rentabilité pour la collectivité.
Comme pour la crise agricole, on ne peut pas tout régler tout de suite mais avec quelques décrets, on peut largement desserrer l’étau financier.
Cette commande d’une enquête pour dénigrer la médecine libérale ne doit d’autant plus rien au hasard que le Ministre délégué à la santé a fait de son hobby préféré justement de faire passer les médecins libéraux de ville comme les boucs-émissaires de l’effondrement de l’hôpital public dont il a eu mandat de s’occuper pendant plus de 10 ans.
La diversion a marché pour sa carrière, mais pas vraiment pour l’hôpital public. Il poursuit sans forcer cette stratégie, oubliant qu’il n’’est plus à la FHF mais au ministère, et que l’échec probable des négociations va lui revenir en boomerang.
La solution passe par la création d’un rapport de force avec le pouvoir public pour imposer une série de réformes objectives et efficaces, rapidement.
Les agriculteurs(trices) ont montré la voie...
P.S: Débat de BFMTV du 22 février sur les dépassements d'honoraires
PH CHU / Gériatrie / Médecine de ville / Expert de justice / Médiateur
10 moisLimpide, enfin un qui comprend ce qui l'enseigne ! Doctolib sauce la mise de la médecine générale par le volume des affaires à traiter et donc raccourcit d'autant une prise en charge globale du patient à une prise en charge d'un symptôme. Bien sûr, tous les cupides s'y retrouvent et ne sont guère contestataires surtout en secteur 2 ou les dépassements d'honoraires deviennent une arnaque organisée. 2 solutions, la médecine générale, spécialité à part entière passe en secteur 2 ou chacun définira le dépassement d'honoraires ou bien plus simplement pour échapper aux affres des tutelles, le secteur 3 à honoraires libes. Bientôt en rayon dans les boutiques de luxe.
Co-fondateur OPHTALINK
10 moisPourquoi appelle ton cela dépassement d’honoraires ? Ne s’agit il pas simplement des honoraires du médecin pour lesquels la sécu contribue à la hauteur qu’elle souhaite ? Les médecins sont ils des voyous pour commettre des dépassements ? Non, alors III serait juste d’arrêter de parler de dépassement …
Directeur d'hôpital
10 moisAnalyse intéressante. Cependant le risque de n’agir que sur la variable « tarif » porte des risques de déséquilibres. Si le praticien vise un revenu cible correspondant à ses besoins, le passage de 1 à 1,5 peut se transformer en contraction de l’activité. Pour obtenir 100, il ne devra plus assurer que 66/67 consultations (ce qui est aussi un moyen légitime de gagner en qualité de vie). Dans les territoires en tension, il faudrait ainsi envisager d’autres mesures d’accompagnement pour éviter l’accentuation de la désertification.
PU-PH Université de Caen Normandie
10 moisDésolé de répondre par un fichier image, trop long pour linkedIn
👉 Médecin néphrologue 🩺 Président du groupement des néphrologues de Belgique 🎯 Coach certifié ACC ICF 🖍 Auteur 🗣️Conférencier 🎤 Formateur
10 moisInvestir dans l’humain est rentable économiquement à moyen et long terme, malheureusement les politiques ont souvent une vision à court terme.