Pourquoi les RSE ne fonctionnent pas ? Ou la théorie du Thermomix
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Pourquoi les RSE ne fonctionnent pas ? Ou la théorie du Thermomix

Branle-bas de combat ! Une étude de la Chaire Intelligence RH et RSE soutenue par le cabinet BDO dévoile que les RSE, comprendre Réseaux Sociaux d'Entreprise, ne fonctionnent pas. Bon en fait, ce sont plutôt les articles vulgarisant cette étude qui disent cela, le titre de l'étude lui est bien plus juste : "Pourquoi les Réseaux Sociaux d'Entreprise peinent encore à développer des comportements collaboratifs?" Alors oui pourquoi ?

Un RSE est une application, les plus connues sur le marché étant Yammer ou Workplace by Facebook, sur laquelle les collaborateurs d'une même entreprise peuvent échanger à coup de "likes", commentaires et autres posts à la manière des réseaux sociaux traditionnels (Twitter, LinkedIn, Facebook…). L'objectif est de fluidifier le partage de l'information et d'aller vers plus de transversalité entre les services, filières, équipes… Bien que l'idée soit attractive, il semblerait que l'objectif ne soit pas encore pleinement atteint.

 

Qu'est-ce qu'un RSE qui fonctionne ?

Personne ne le sait. L'étude choisit d'abord de s'appuyer sur des données quantitatives. On apprend donc que 58% des grandes entreprises ont un RSE et que 26% envisagent d'en lancer un rapidement. Une grande majorité donc. La partie déceptive maintenant : 17% des collaborateurs sont actifs et seulement 25% des managers. Ce n'est pas beaucoup à l'échelle de l'ensemble des entreprises mais il serait illusoire d'imaginer qu'on puisse engager 100% de l'entreprise sur cet outil. Ne serait-ce parce que, selon le principe des 90-9-1, une communauté web c'est 90 % des utilisateurs passifs, ils regardent le contenu sans interagir, 9 % d'actifs, ils interagissent (commentent, cliquent…) et 1 % de contributeurs c'est-à-dire qui participent réellement.

Estimer le succès d'un RSE en utilisant des données quantitatives c'est délibérément ignorer son aspect social. Certes, il est important de voir que le nombre de membres augmente, le nombre de groupes aussi mais s'ils n'échangent pas, ne "vivent" pas, cela n'a aucun intérêt. Mieux vaut 5% des managers connectés qui collaborent régulièrement sur le réseau que 25% de managers qui n'osent pas liker ou publier de contenu. L'étude le reconnait en conclusion, on ne peut pas mesurer le succès d'un RSE comme on estime le succès d'un outil classique. Les métriques doivent être adaptées et venir souligner les performances collectives et la valeur ajoutée pour l'entreprise. Plutôt que le quantitatif, il vaut mieux étudier la qualité des échanges et ce qu'elle révèle des usages du réseau.

 

La mise en place d'un RSE : tout un programme

Étonnement, lorsqu'on met à disposition un RSE dans l'entreprise, le discours est généralement le suivant : "Telle entreprise en a un, il faut qu'on fasse pareil" mais on se pose rarement la question du pourquoi ? Comment cet outil s'inscrit-il dans la stratégie de l'entreprise ? La deuxième chose que l'on entend également est la suivante : "C'est comme Facebook, il n'y a pas besoin de former les gens". L'outil est donc souvent lancé sans beaucoup de communication, les collaborateurs le découvrent un beau jour au détour d'un mail ou d'une discussion et ne savent tout simplement pas quoi en faire. De plus, il arrive qu'il n'y ait pas d'équipe dédiée au sujet ou alors une personne peu/ pas formée, votre humble servante en a fait les frais.

La mise en place d'un nouvel outil, quel qu'il soit, tant sur le plan personnel que professionnel, nécessite une phase d'appropriation. Les collaborateurs ont besoin d'en comprendre l'usage et surtout l'intérêt pour leur travail. On ne peut pas simplement attendre d'eux qu'ils s'en emparent. C'est ce que j'ai appelé la "Théorie du Thermomix". En gros vous pouvez acheter un outil extrêmement performant, si vous ne savez pas à quoi il sert, que vous ne décidez pas quelle recette faire avec et que vous n'entretenez pas la machine, il y a de grandes chances qu'en dépit de toutes ses qualités il reste à prendre la poussière. C'est la même chose en entreprise, on ne le dira jamais, le collaborateur doit bénéficier de la même attention qu'un client externe.

L'accompagnement via des campagnes de communication, une assistance technique et des sessions de formation est primordial pour que le RSE soit adopté et compris par les membres de l'entreprise. D'autant plus que le collaboratif dans les grandes entreprises est souvent encore un vœu pieux.

 

Non, le RSE n'engendrera pas le changement dans votre entreprise

Un RSE n'est ni plus ni moins que le reflet du fonctionnement de votre entreprise. Je l'observe à titre professionnel : il y a des groupes très actifs qui correspondent à une filière soudée et où règne une grande convivialité. En revanche, certaines filières ont une ambiance bien moins agréable et le groupe ne vit tout simplement pas. C'est exactement la même chose en externe : vos groupes Facebook correspondent à vos cercles familiaux, professionnels, d'intérêts. Vous n'allez pas subitement rejoindre un réseau d'adorateurs de la Tarte Tatin si vous détestez cela.

L'étude divise les membres du RSE en plusieurs groupes : Adopteurs, Tactiques, Réfractaires et Passifs. L'analyse qui en est faite dans ces fameux articles est que le RSE exacerbe ces comportements et fait ressortir le pire chez les collaborateurs au détriment de leur productivité. Encore une fois, je pense que le réseau social n'est que le reflet de ce qui existe en entreprise. Il met simplement en visibilité des comportements existants. Regardez autour de vous et étudiez le caractère de vos collègues. N'ont-ils pas déjà ce type de comportements ?

Enfin, nous sommes dans des entreprises très hiérarchisées où les managers (sauf exception) ont un rôle central et fixent seuls les règles. Encore une fois, les chiffres illustrent cet état de fait : 17% des salariés utilise le RSE dont seulement 25% de managers. Si les managers ne comprennent pas l'intérêt des RSE, s'ils ne se l'approprient pas et que ceux qui osent y mettre les pieds y appliquent leurs méthodes de travail traditionnelles, évidemment, le RSE ne remplit pas ses promesses de collaboration, de transversalité et de libre-échange des idées.

 

Alors comment initier le changement dans votre entreprise ? Si vous avez une méthode simple et efficace pour répondre à cette question, je vous invite à l'indiquer en commentaire, je suis certaine qu'un grand nombre de professionnels du métier seraient intéressés. En réalité, il n'y a pas vraiment de réponse toute faite mais une chose est certaine : le changement doit être réellement inscrit dans la stratégie de l'entreprise. Vous ne pouvez pas demander aux collaborateurs de collaborer, de se transformer si le management reste cloîtré dans sa tour d'ivoire et refuse de faire évoluer sa manière de travailler. L'outil n'est pas le moyen d'initier le changement, en revanche une réflexion sur les process, le système de management, l'organisation hiérarchique oui ! Commencez par là avant de vous lancer à corps perdu dans la mode du RSE.

Plutôt que la lecture des articles alarmistes vulgarisant l'étude, je vous conseille la lecture de l'étude elle-même bien plus pertinente.

Vanessa BOYARD

En recherche d’opportunités

7 ans

Article qui me fait sourire avec sa comparaison au Thermomix. La réflexion sur la mise en place d'un RSE en entreprise est très pertinente. En effet, un outil seul ne transformera aucune organisation, elle n'offrira qu'un outil supplémentaire à la charge de l'entreprise (aspect financier) et de ses salariés (charge supplémentaire de travail en plus des tâches déjà existantes). A défaut ne parlons pas de réussite de mise en place ou de déploiement d'un RSE car ça ne veut rien dire. L'important est de mesurer l'aspect qualitatif (le compliquer à mesurer) c'est à dire l'amélioration de la diffusion de l'information, augmentation de la productivité (avoir des réponses plus rapides en interne, trouver l'information plus rapidement, ...), des salariés plus engagés, etc. De nombreux exemples pourraient être cités pour illustrer l'ensemble des avantages qu'une entreprise pourrait avoir à mettre en place un RSE. Une expertise managériale de l'organisation basée sur un accompagnement personnalisé et une méthodologie est nécessaire pour tirer l'ensemble des avantages d'un RSE.

Eliette Darnaud

Doctorante en ergonomie : "Construire un travail soutenable dans un contexte de triple transition industrielle : Digitalisation, Tertiarisation, évolution des populations au travail"

7 ans

Bonjour, Ce qi m'interpelle dans cette histoire c'est l'approche outils. Le RSE est un outil mais pour quoi faire ? Vous toucher du doigt des sujet fondamentaux notamment quand vous dite que finalement le RSE n'est que le reflet de ce qui se passe dans l'entreprise. S'il existe un collectif de travail alors l'outil aura peut-être une raison d'être. Pour autant on reste dans les outils. ma question ne serait pas a-t)on besoins d'un RSE ? mais plutôt a-t-on besoins d'un collectif de travail ? A quel échelle ? Pour quoi faire ? Quel élément de contexte met-on en place pour favoriser sa construction ? Et peut-être qu'a la fin je me poserais la question de l'outil qui matérialise ce collectif, pourquoi pas un RSE si le besoins existe et là encore je partirais du besoin utilisateur. Mais il est clair que pour avoir des besoins utilisateurs, encore faut-il avoir des utilisateurs...

Bruno GERIN

Business Development Manager Be Charge France

7 ans

Hélène RAGUENES Valérie ESSIG Tiffany Tuaillon réflexion autour de la communication interne

Sébastien C.

Formateur, Ergonome et UX researcher - Sujets de prédilection : #ergonomie, #UX et #accessibilité

7 ans

Merci pour cet article. Avant de mettre en place un outil RSE et dans le but d'optimiser son utilisation, comme pour tout autre outil informatique, il vaut mieux se poser la question des besoins utilisateurs et le mieux est de la poser aux utilisateurs eux mêmes grâce à une étude UX sérieuse. Les résultats de cette étude permettent de rendre l'outil plus intuitif, plus utilisable, en proposant des fonctions essentielles (et non pas un fourre-tout hétéroclite), quitte évidemment à ce que les initiés ajoutent des fonctions avancées au fur et à mesure. Un outil RSE simple, efficace et qui inspire confiance. Ceci est assez loin des outils RSE que je connais. :)

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