Pourquoi nous devons repenser en urgence la mondialisation (et comment le faire)
La baisse de la croissance chinoise, la pression pour une politique plus « protectionniste » dans les pays développés, l'inefficacité de la politique des taux bas en Europe... Quel est le lien entre ces trois phénomènes économiques et financiers ? Les grands investisseurs, les grandes sociétés, et les états ont négligé l'importance des « Petits ». Et quand je mentionne les Petits, je désigne les petites entreprises et la classe moyenne. Même si j'ai bien conscience du sous-entendu politique généralement impliqué par ce genre de phrase, je n'ai pas trouvé d'autre phrase pour expliquer l'impasse financière vers laquelle nous nous dirigeons. Voici pourquoi.
Les Petits doivent devenir plus que de simples consommateurs.
La fin de la Guerre Froide a marqué le début de la mondialisation telle que nous la connaissons. La finance est devenue « interconnectée » et les trois grands pôles économiques ont mis peu de temps à émerger. Les plus grandes multinationales ont su saisir l'occasion et se sont montrés très prompts à décentraliser leur organisation. Ainsi, ils ont pu optimiser leur productivité, leurs coûts de production et également le nombre de produits disponibles à la vente. Les gens n'ont jamais été capables de voyager aussi facilement jusqu'à présent, et l'argent s'est mis à circuler encore plus vite. Désormais, on peut aller partout où on veut dans le monde et y accomplir tout ce qu'on veut, à partir du moment qu'on en a les moyens financiers bien sûr. Où est le problème ?
Je ne vais pas m'attarder sur les détails à propos de la crise économique de 2008, parce qu'il n'est pas question de savoir à quel point l'économie a été ébranlée : il est question de savoir à quel point la reprise a été faible depuis.
Cette crise et la décennie qui l'a suivie prouvent que les consommateurs s'appuient beaucoup trop sur les services fournis par les multinationales. Depuis que la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé de donner un coup de pouce à la consommation grâce à la planche à billets et grâce à la baisse des taux d'intérêts, les résultats se sont avérés peu probants. Ce n'est pas parce qu'il devient tout d'un coup plus facile d'acheter une maison que la vie des Européens sera moins précaire, puisque l'argent qu'ils possèdent réellement n'augmente pas. Il est même encore plus probable que tous ces efforts partent en miettes, étant donné que les banques et les compagnies d'assurance ne pourront pas résister plus longtemps à la pression financière exercée par la BCE et les autorités régulatrices. Les gens ne seront pas assez forts pour supporter l'augmentation des taux, donc des prix à venir. Cela entraînera des inégalités d'autant plus fortes dans la classe moyenne. Une classe moyenne faible et disparate signifie qu'on aura moins de clients à servir. Et il y a de fortes chances que les clients restants deviennent encore plus inquiets quand leur argent sera en jeu.
Le secteur de l'assurance illustre parfaitement le problème. Les assureurs européens ont par ailleurs énormément de mal à convaincre leurs clients d'acheter des contrats d'épargne diversifiée, dans laquelle une partie des retours serait soumise au risque et non garantie par l'assureur. Cependant, la vente de ces contrats leur permettrait de réduire leur responsabilité financière envers ces contrats, et donc les risques qui y sont associés.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les banques et assurances devraient cesser de courir aussi désespérément derrière l'argent. Ils devraient à la place aider la classe moyenne à devenir financièrement plus aptes à acheter leurs produits et services. Pour ce faire, ils ont besoin que les personnes innovent et produisent de la valeur ajoutée par eux-mêmes.
Ceci nous amène à nous poser la question suivante : comment en arriver là ?
La plupart des entreprises financières a déjà trouvé des réponses : le développement d'actifs verts ou de contrats d'épargne visant à investir dans les PME en sont des exemples. Néanmoins, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a encore d'autres chemins à explorer.
Une entreprise n'est jamais trop petite pour commercer au niveau mondial...
… Mais elle peut avoir besoin d'aide.
Permettez-moi de vous raconter une histoire assez marquante à propos de certains membres de ma famille. Cela fait maintenant deux ans qu'ils tiennent un petit magasin localisé à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. D'ailleurs, ce magasin a connu un succès très rapide. Quel est son secret ?
Le magasin vend des biens importés d'Europe uniquement, mais à des prix que la classe moyenne supérieure locale peut réellement se permettre.
Saviez-vous qu'à peu près chaque produit originaire de l'Europe était considéré comme un produit de luxe dans l'Afrique subsaharienne ? Ce marché ne vaut pas la peine d'être investi quand on est une entreprise de poids à l'échelle internationale : l'investissement serait risible, et le retour sur investissement encore plus. Malgré tout, pour une petite compagnie qui connaît le marché local et son comportement, cela représente une source non négligeable de bénéfices.
Cet exemple n'est pas unique. Il me rappelle également un boulanger breton qui s'est installé au Japon, et qui a établi avec succès une boulangerie à Tokyo où les clients peuvent acheter des pâtisseries typiquement bretonnes. Ce sont des occasions que les grandes entreprises ne saisissent pas spontanément car ils recherchent généralement des marchés plus grands et moins risqués sur lesquels parier. Quoi qu'il en soit, je pense que ces commerces sont les plus susceptibles d'enrichir les gens et de les rendre moins vulnérables aux désastres économiques.
Il s'agit de ce genre précis de commerce dans lequel les grandes entreprises et les états devraient investir, s'ils souhaitent avoir des clients et des citoyens capables de supporter d'éventuelles difficultés financières.
Il n'est même pas nécessaire de voyager aussi loin afin de gérer une activité internationale. Avec notre technologie actuelle, il doit être encore plus facile de créer un partenariat entre deux compagnies provenant de deux régions différentes du globe. Ce lien peut ouvrir l'accès de nouveaux marchés qu'il n'aurait pas été possible d'atteindre autrement, et c'est tout ce qu'il faut pour qu'une entreprise puisse se développer.
À ce point, pas besoin d'avoir l'idée commerciale la plus novatrice pour prospérer : il suffit de s'assurer que le marché ciblé n'est pas rempli de concurrents (c'est même encore mieux s'il y en a aucun).
Partout où il existe quelque chose de nouveau à accomplir, on peut y trouver de la valeur ajoutée.
Un pays n'est pas réellement riche tant que son peuple ne l'est pas.
Derrière cette phrase niaise et stéréotypée se cache une dure réalité : les pays émergents se sont développés bien trop rapidement pour que leur classe moyenne puisse en bénéficier pleinement. La Chine actuelle correspond parfaitement à la description. Comme expliqué par les spécialistes, ce pays a été l'usine du monde pendant au moins vingt ans jusqu'à aujourd'hui. Il a connu une croissance économique exponentielle grâce à ses exportations et à l'immobilier. D'un côté, les faibles coûts de production ont motivé les entreprises et investisseurs à s'intéresser à là-bas. De l'autre côté, l'urbanisation nécessaire pour accueillir une telle activité (et l'attrait des Chinois pour l'épargne) a entraîné un boom dans l'immobilier, donc des maisons et des appartements d'autant plus chers.
Or, la croissance économique a diminué dernièrement. Par conséquent, le gouvernement chinois veut investir dans le secteur tertiaire et stimuler le marché intérieur de la Chine. Le problème réside dans le fait que le pouvoir d'achat local est bien trop faible pour que les Chinois puissent accéder à la société de consommation. La Chine se retrouve alors confrontée à un dilemme.
Elle doit renforcer sa classe moyenne tout en maintenant des coûts de production assez intéressants auprès des compagnies étrangères.
À mon avis, la Chine pourrait prendre soin de sa classe moyenne si elle encourageait les commerces plus petits à se développer à l'international. Ainsi, de l'argent étranger viendrait finalement abreuver le marché chinois, et le gouvernement n'aurait plus autant besoin de faire fluctuer la valeur du Yuan dans une vision à court terme. La Chine doit trouver une réponse à travers une économie réelle et physique, et pas à travers des mesures financières temporaires.
Conclusion
Beaucoup d'argent a été perdu lors de la crise de 2008. C'est pourquoi l'économie mondiale doit vérifier que les gens sont capables de générer à nouveau cet argent par eux-mêmes. La finance redeviendra complètement efficace seulement quand il y aura à nouveau assez d'argent à gérer. Une classe moyenne plus puissante et plus autonome est la première idée à laquelle je pense pour accomplir une telle tâche.
Michaël Tuambilangana.
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