Pourquoi se "prendre la tête" avec les modèles mentaux?
J'échangeais avec un dirigeant "mais pourquoi Béatrice se prendre la tête avec les modèles mentaux*?". "Ah mais parce que votre tête et votre organisation sont prises par eux ! :) Et si vous ne les considérez pas, ce sera juste la RE-prise. Vous serez re-pris par eux, malgré vous. Et c'est bien dommage car vous laisserez l'espace qui s'est ouvert pendant cette crise se refermer...".
Un espace s’est ouvert.
Lors de cette crise inédite, tant de choses ont explosé… (voir les videos réalisées avec Philippe Silberzahn)
- Vision : Rappelez-vous les grands projets sur la raison d’être…
- Plans : Et le budget alors ?….
- Rôles : Certains se sont figés, incapable de sortir de leur « rôle », "j'ai fait mon boulot"...
- Contrôle : Tant de KPI, process, reporting qui se sont juste évaporés…
- Explications : Vous vous souvenez : mais non on ne peut pas faire du télétravail…
Tant de choses ont émergé…
- Action : Bon on fait quoi avec ce que nous avons ici et maintenant ?
- Prudence : Au pire on perd quoi ?
- Preuve : Et oui il a bien réussi à changer la chaine de montage pour faire des masques.
- Exploration : Ah ben si on arrive à être en télétravail avec peu de risques majeurs…
- Implication : Tous ces salariés qui ont « plongé » dans la réalité pour agir.
Un espace s’est ouvert. La plupart des dirigeants avec lesquels je travaille témoignent de cette énergie dégagée face à cette crise inédite et exceptionnelle.
Et maintenant juste la re-prise ?
Or l’entreprise risque d’être re-prise dans ses habitudes, ses certitudes, ses routines, ses modèles mentaux figés, même si elle ne le veut pas, en fait surtout si elle ne le veut pas…
On n’ordonne pas à un système vivant de changer sinon cela déclenche une puissante immunité au changement. Et oui plus tu pousses, plus ça repousse. C’est évident mais rarement pris en compte dans les entreprises car les mécanismes des modèles mentaux sont souvent ignorés. Au moment de la reprise, je redoute trois écueils principaux :
- S’intéresser aux conséquences et non à la source. Sympa d’avoir fait telle et telle action, nous n’avons qu’à la proposer aux autres départements…. Et c’est fini…
- L’envie de changer le monde. Galvanisés par les diverses initiatives, l’envie de lancer un grand projet de transformation… Et c’est fini…
- Vouloir faire du beau au lieu du vrai. Cette initiative est jolie pour l’extérieur, nous devrions communiquer dessus…Et c’est fini…
C’est fini car à chaque fois, il est fait fi de la source de ces initiatives, de la nature de cet espace que nous avons été nombreux à sentir.
C’est quoi cet espace ?
La trame des modèles mentaux de l’entreprise a été « évastée ». La toile d’araignée s’est trouée… C’est quoi cette toile ?
Une organisation ça organise mais quoi? Fondamentalement l’organisation organise les milliers d’actions de milliers de salariés. Ce qui fait que chaque matin, chaque collaborateur va décider de faire telle ou telle action.
Comment y parvient-elle ? Grâce aux modèles mentaux de l’organisation, la construction de croyances et de valeurs partagées, par ce collectif, sur comment les choses fonctionnent. Ils sont, en réalité, des règles et un désir pour l’action. Sans eux, la plupart des sociétés n'aboutiraient jamais à rien :
- Ils fournissent des centaines de règles non écrites dont les entreprises ont besoin pour fonctionner ;
- Ils permettent aux employés d'expérimenter de nouvelles idées sans avoir à demander la permission à chaque étape ;
- Ils fournissent une sorte de « mémoire organisationnelle », de sorte qu’il ne faut pas réinventer les procédures tous les six mois ou paniquer chaque fois qu'un dirigeant quitte l’entreprise ;
- Ils créent une « trêve » entre des groupes ou des individus en conflit potentiel au sein d'une organisation car ils constituent "le ciment" de la tribu.
L’espace observé pendant la crise est celui généré par l’élargissement des modèles mentaux de l’organisation. Les modèles mentaux obsolètes et figés ont été mis de côté et l’organisation s’est concentrée sur ses modèles mentaux racine, sa source vive. Les énergies ont été libérées. Vous avez été nombreux à le constater. C’est l’énergie de création, l'énergie du désir de vivre. La vie en somme….
Comment profiter de cet espace ?
Fondamentalement il s’agit pour chaque entreprise de puiser dans ses forces vives.
Ne pas chercher à correspondre à la BEAUTE prescrite par l’extérieur mais répondre à la REALITE intérieure. Le vrai et non pas le beau.
La plupart des entreprises florissantes et pérennes ont su respecter leurs modèles mentaux racine, le « vrai » : Préserver l’essentiel ET stimuler le progrès. C’est ce qu’à fait FUJI notamment en se concentrant sur son « essentiel », « nous sommes chimistes », là où KODAK a continué sa fuite en avant.
Profiter de cet espace généré par la crise signifie donc profiter des forces vives de l’organisation, càd les modèles mentaux racine. Il s’agit donc de les exposer, de les accepter et de les gérer pour profiter du DEFI présenté par notre époque au lieu de subir le DECLIN.
Le défi procure bien cette énergie, la JOIE. L'être vivant, comme le système vivant de l’entreprise, éprouve de la joie lorsqu'il remplit la fonction pour laquelle il est fait, lorsqu'il agit selon sa nature. Les stoïciens définissaient le bonheur comme l'euroia biou, le « bon écoulement de la vie».
Accueillons donc nos modèles mentaux, propres à chacun, afin d’utiliser pleinement notre pouvoir de création pour progresser et durer dans la joie et la vitalité.
* Stratégie Modèle Mental - co-écrit avec Philippe Silberzahn.
Manager de Transition Digitale. Expert - Consultant IT Enseignant chez Montpellier Business School
4 ansEn considérant le poids, comme une force, de ces modèles, en ayant bien perçu que le simple fait de les percevoir est incontournable, je reste avide de la manière, de les "cracker" , de les réduire, de les déplacer....etc . Pourrions en avoir , non pas des recettes , mes une approche ? Bien à vous.