Préparer l’après-Covid : le rôle de l’assurance dans la relance économique

Préparer l’après-Covid : le rôle de l’assurance dans la relance économique

Retrouvez une version résumée de cette tribune parue dans Les Echos du 22 juin 2020 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-assurances-il-faut-tirer-les-lecons-du-covid-1217144

Un mois après le déconfinement, notre économie ressort assommée d’un choc d’une violence sans précédent. Personne n'avait vu venir la pandémie mondiale du Covid-2019. Personne n'était préparé à affronter une situation aussi grave, aussi globale et aussi systémique. Les assureurs pas plus que les autres acteurs de l’économie. Mais surtout, le plus difficile reste devant nous.

Nous faisons l’objet d’un paradoxe : alors que les assureurs, eux-mêmes impactés par la crise, sont les plus gros contributeurs à l’effort national de solidarité dans la lutte contre la crise et à la relance de l’économie avec un engagement global de plus 3,5 Mds €, nous apparaissons comme les « mauvais payeurs ». L’effet d’un métier mal considéré car mal compris. Nous venons de traverser deux mois où médiatiquement nous sommes apparus comme une profession divisée, en proie à des guerres commerciales qui n’en portent pas le nom et qui nous affectent collectivement. Outre les incompréhensions suscitées pour nos assurés, l’ensemble des agents généraux a souffert sur le terrain des divisions de leurs compagnies mandantes alors qu’ils font un travail d’accompagnement très méritoire des professionnels, artisans, commerçants, professions libérales et entrepreneurs. Je tiens à saluer leur engagement.

Nous sommes beaucoup à être affectés dans notre engagement  professionnel par les nombreuses contre-vérités sur l’assurance. Mais, au-delà des polémiques stériles, je souhaite surtout partager mes convictions pour l’avenir.

Nous, assureurs nous devons nous poser les bonnes questions et devons “casser les codes” de notre profession : donner plus de transparence à notre fonctionnement, affirmer avec force notre rôle économique et sociétal. Il faut sortir des oppositions intestines qui se sont fait jour pendant la crise et mettre notre énergie à définir quelles sont les actions les plus efficaces pour la relance de notre économie.

Je voudrais partager trois convictions :

1/ Les effets de la crise ne font malheureusement que commencer or notre solidité est la condition de notre solidarité

Nous n'en sommes qu'au début. Licenciements, dépôts de bilan et faillites en cascade sont malheureusement redoutées à l’automne.. C'est pourquoi les annonces à court terme, les surenchères médiatiques traitent le symptôme mais non le problème dramatique qui s’annonce.

Quelle économie et quelle croissance voulons-nous ? C'est là que le rôle de l'assurance doit être particulièrement souligné et analysé comme un des leviers essentiels pour permettre ce redémarrage économique en accompagnant par des garanties tous ceux qui reprennent leur activité. Lorsqu'un système est à ce point fragilisé, tout ce qui le consolide est bienvenu et c'est bien là le cœur du rôle de l'assurance.

Seuls les assureurs - en tant que secteur professionnel privé – ont contribué, aux côtés des Régions, au fonds de solidarité gouvernemental destiné aux professionnels et TPE. Parce que la solidité de notre secteur contrastait avec la fragilité réelle de tous les acteurs économiques que ce fonds visait. Or cette solidarité ne peut s'envisager au détriment de la solidité que les assureurs doivent à leurs clients et à l'économie en général. Exiger des assureurs qu'ils aillent, en période de crise, très au-delà de leurs engagements, notamment sur le sujet des pertes d’exploitation des entreprises suite aux fermetures liées au confinement, serait irresponsable. Le Ministre de l'économie et les superviseurs nationaux et européens ont d’ailleurs relevé ce point à plusieurs reprises pendant la crise. La solidité des assureurs est là pour leur permettre en toutes circonstances d'honorer leurs contrats.

Le débat qui s'est instauré sur la question est un débat à la fois stérile et dangereux puisqu'il amènerait le secteur à se mettre en difficulté et en position de ne plus pouvoir jouer le rôle qui est le sien : celui de ceinture de sécurité de l'économie !

Soulignons ici un paradoxe :  ce qui paraît naturel à tous en cas de guerre ou de terrorisme - c'est-à-dire le fait que les règles normales ou habituelles ne peuvent pas s'appliquer - apparaît extraordinaire aujourd’hui dans le cadre du blocage généralisé de l’économie consécutif à cette pandémie, situation sans précédent depuis la crise de 1929.  

La tentation est forte de considérer à tort les bilans et ressources financières des assureurs comme un trésor accumulé, et mobilisable à discrétion en cas de crise… Mais ces réserves et ces bilans représentent la contrepartie d’engagements de toutes natures pris enver nos assurés : sinistres à régler, bâtiments à reconstruire, rentes de victimes d’accidents, et, bien sur, épargne constituée en assurance Vie.

Nous, assureurs, ne sommes pas les propriétaires mais les dépositaires et les gestionnaires de l’argent de nos clients. Les raisonnements simplistes consistant à imaginer prélever sur ces sommes une certaine fraction pour indemniser les problématiques d'une partie de la population particulièrement touchée par la crise du Covid comme les commerçants, ne seraient en fait qu'une spoliation, un détournement de la destination de ces réserves. Leur montant important ne doit à aucun moment faire oublier leurs affectations précises et leur vocation de protéger l'économie et de préparer l'avenir. Les assureurs qui les gèrent n'ont en aucun cas la faculté de les utiliser à une autre fin. Les assureurs sont les garants de l'épargne et par là même, l’instrument clé de protection de l'économie nationale.

2/ Les assureurs sont là pour sécuriser, accompagner et investir dans la relance

Les conséquences de la crise seront durables : la période de redémarrage de l’économie ne fait que commencer et la capacité future de création de richesses est affectée pour plusieurs années. Les dégâts économiques en termes d'emploi, de pouvoir d'achat ou de nombre d'entreprises en faillite vont se révéler au cours des mois qui viennent avec probablement plusieurs années pour en prendre la mesure et surmonter le choc qui a été subi.

Or quels autres acteurs économiques que les assureurs ont la capacité à maintenir un effort d'investissement dans la durée, à regarder le long terme au-delà des cycles économiques pour donner le temps nécessaire à leurs investissements de porter leurs fruits ?

Déjà avant la crise du Covid, nous avons été appelés par le gouvernement à participer à des fonds d’investissement clés pour notre économie : le fonds « Tibi », pour participer au développement de la tech français, et le fonds « Lac d’argent » pour protéger les fleurons de l’économie française en réponse aux fonds activistes.

Investisseurs de long terme, les assureurs français se sont engagés à mettre en place un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros pour soutenir la reprise économique et notamment les ETI, les PME, les secteurs de la santé et du tourisme (à hauteur de 10 %, soit 150 millions d’euros, pour ce dernier).

Plus fondamentalement, et en raison de notre spécificité de gestionnaire de risques, l’activité d’investissement indissociable de l’activité d’assurance fait de notre secteur le partenaire stable et durable par excellence de la relance économique et du développement de l’emploi.

3/ la relance doit être fondée sur des principes de responsabilité sociale et environnementale

Cette crise du Covid-19  s’inscrit en résonance avec les dérèglements climatiques et environnementaux et exacerbe nos enjeux de société. C’est toute une architecture de risques qui fait aujourd’hui système. Les risques auxquels la société est exposée, et que nous devons désormais couvrir, ont changé d’échelle. Les assureurs ne peuvent pas financer aujourd’hui des secteurs qui affectent les équilibres sociaux et environnementaux car ils auront à en assurer demain les effets.

C’est pourquoi la relance de la machine économique doit être fondée sur des bases différentes, plus respectueuses de l'environnement, plus durables et plus économiquement soutenables. Elle rend impérative la présence des assureurs, investisseurs de long terme dont la vocation n’est pas de faire des mouvements d'arbitrage à court terme.

Il faut placer la RSE en colonne vertébrale de nos stratégies face aux enjeux de demain.

Un premier pilier se dégage : la transition démographique avec l’allongement de l’espérance de vie. Particulièrement touchés par la crise sanitaire, 92% des victimes du Covid ont 65 ans et plus. Or les seniors tiennent un rôle social majeur, que ce soit au sein de leur cellule familiale en veillant à leurs petits-enfants, ou dans le monde associatif en constituant les forces essentielles du bénévolat en France.

Encore à défricher, c’est autour de tous ces enjeux que Generali a décidé de rejoindre le think tank sur la transition démographique « Club Landoy » au même titre que la Caisse des Dépôts et Consignation ou de grands entreprises comme Orange, La Poste, Sanofi, Transdev, Dassault Systèmes ou Korian.

Tout un ensemble de nouveaux services sont à développer en matière de e-santé, de téléconsultation, de prévention, de services d’assistance permettant notamment le maintien à domicile et une longévité sereine et active. S’ajoutent les enjeux de dépendance, la « 5ème branche » de la Sécurité sociale, avec cette réforme tant attendue à laquelle notre profession participe.

Le deuxième pilier qui se dégage de cette crise et de la reconstruction est celui de la transition climatique. Le dérèglement du climat est certainement le plus grand risque de ce siècle ! Les phénomène brutaux comme les ouragans, les pluies torrentielles ou les crues éclairs nous endeuillent à présent régulièrement. Nous devons faire évoluer nos méthodes pour optimiser la modélisation prospective et développer les actions de sensibilisation, de pédagogie et de prévention face aux incompréhensions exacerbées en temps de crise. Generali est sur cette voie, en ayant fondé des unités d’excellence dont le Generali Climate Lab qui désormais modélise les risques climatiques à l’échelle de nos territoires en ayant recours au big data et à l’open data, à l’intelligence artificielle et en travaillant en architecture ouverte avec des unités de recherche et des Universités.

Aux côtés de ces outils métier, les enjeux de transition climatique sont au cœur de nos choix d’investissements ISR (investissements socialement responsables) pour une relance verte et inclusive, pour investir dans des modèles industriels décarbonnés et d’économie circulaire, dans la qualité de l’air et la qualité de vie.

Le troisième pilier est celui de la transition sanitaire et sécuritaire. Nous serons en mesure de modéliser les impacts des risques pandémiques comme nous avons modélisé ceux liés aux accidents climatiques. Nous devons aujourd’hui définir un régime qui puisse parer aux grandes catastrophes extérieures : fermeture administrative suite à pandémie, à émeutes ou encore pour prévenir les effets d’une catastrophe environnementale, dans un véritable partenariat public-privé compte tenu des impacts et des sommes en jeu.

Si la crise du Covid-19 nous a enseigné que ce sont les TPE, PME et ETI qui ont été fragilisées, il nous faut encore préciser le champ de ce nouveau régime, les conditions de son déclenchement et les modalités d’indemnisation. Les assureurs ont déjà formalisé leurs premières conclusions en proposant de nombreuses options ouvertes qui pourront être débattues durant l’été, et le Groupe Generali soutient l'idée d'une coordination européenne avec une approche PPP, partenariat public-privé dans lequel les assureurs peuvent apporter leur rôle d’expert en prévention et résilience.

Pour bien appréhender toutes ces transitions, nous devons favoriser une approche ISR, socialement responsable, dans tous nos choix d’investissement pour servir la France et le monde de demain. C’est le sens des deux tribunes publiées dans Le Monde que j’ai signées sur la durabilité des modèles économiques et sur un engagement pour une longévité heureuse.

Notre vocation d’assureur et d’investisseur se renforce encore à la lumière des crises : nous sommes et serons là pour sécuriser, pour accompagner et pour appuyer le développement économique et le retour de la prospérité que permettra seule une économie durable et responsable menée par les entrepreneurs.


Henri FOLLET

Agent Général Generali France 🦁 #Assurance #Courtage #Prévoyance #Collectives #Entreprise #HCR #Transport

4 ans

A partager et à méditer .

Très bonne tribune félicitations!

Philippe Francois

Re+international insurance broker. Advisor. Entrepreneur.

4 ans

L’assurance a un rôle fondamental de réparation des aléas/évitement des risques individuels et même collectifs localisés (il suffit de voir les dégâts pris en charge en cas de catastrophe naturelle) et d’investissement long terme. Et une vrai approche de tarification et mutualisation solidaire des risques.Qui va bien au delà de l’intermediation de transactions financières. Pourtant face aux gouvernements et au système bancaire il semble encore que notre image soit faible et pas à la hauteur de cette action et méthode. On le voit sur toutes les geographies. Le caractère du cycle inverse de l’assurance et la complication des tuyauteries de distribution, contractualisation et portage de risques (mais vrai aussi en banque) y sont peut-être pour quelque chose. En tout cas un métier à continuer de mieux valoriser politiquement à la hauteur de son poids economique. Avec la mise à disposition des techniques de risque management au service des gouvernements (et pas seulement pour le contrôle de la solvabilité) qui semble une voie.

Douglas Anderson

Helping businesses serving the silver economy to find valuable new longevity insights

4 ans

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