Présidentielle américaine: le monde se prépare à un second mandat de Donald Trump
Le Figaro / International
Isabelle Lasserre
6/02/2020
Il n’avait pas anticipé l’élection de Donald Trump en 2016. Mais aujourd’hui le monde se prépare et s’habitue à l’idée d’un second mandat du président républicain. «L’establishment américain veut la peau de Donald Trump. S’il est réélu, ça va être spécial…», prévient l’ancien ambassadeur français à Washington Gérard Araud à l’occasion d’une conférence devant la chaire sur les grands enjeux stratégiques contemporains à la Sorbonne. Non seulement le président américain, en cas de second mandat, promet de confirmer tous ses choix de politique étrangère, mais on peut aussi s’attendre à ce que sa réélection gonfle encore son hubris.
Si les démocrates américains, qui n’ont toujours pas digéré son élection en 2016, ne peuvent pas l’envisager, si l’Iran l’appréhende, un second mandat Trump ne ferait pas que des désespérés dans le monde. En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a trouvé en lui son meilleur allié américain, celui qui déplace la capitale à Jérusalem, propose d’entériner l’annexion d’une partie de la Cisjordanie et renoue avec la fermeté vis-à-vis de l’ennemi iranien. À la suite d’Israël, les pays du Golfe, bien que déstabilisés par le manque de fiabilité de leur allié américain, ont fini par s’habituer à ses méthodes ; souvent, il est vrai, en courbant l’échine à regret devant ses initiatives diplomatiques. Ils ont ainsi soutenu le «deal du siècle» présenté par Donald Trump pour régler le conflit israélo-palestinien. La Grande-Bretagne, enfin, ne peut qu’applaudir, elle qui a quitté l’Union européenne grâce à l’impulsion finale donnée par Boris Johnson, soutenu par la Maison-Blanche.
D’autres puissances se réfugient dans l’indifférence, comme la Russie. «Vladimir Poutine tenait la victoire de Hillary Clinton pour acquise. Il a été enthousiaste de voir gagner Donald Trump, avec qui il partage beaucoup de choses, notamment la méfiance vis-à-vis du vieux système international. Mais, depuis, les relations entre Moscou et Washington se sont dégradées», explique Andreï Kortunov, le directeur du Russian International Affairs Council de Moscou, invité lui ausi de la Chaire stratégique de la Sorbonne. Il poursuit: «Que Trump soit réélu ou qu’un démocrate accède à la Maison-Blanche, les relations vont rester tendues pendant un moment. La Russie ne voit aucune bonne solution pour elle.»
Sur le sujet, les deux grands pays de l’Union européenne depuis le départ de la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, divergent. Puissance du statu quo, l’Allemagne ne s’est jamais habituée au successeur de Barack Obama, et pas seulement parce que Angela Merkel ne supportait pas sa misogynie. «Pour la chancelière, Donald Trump n’est qu’une parenthèse, car il ne peut être, il ne doit être, qu’une parenthèse. L’Allemagne ne veut pas voir que le roi est nu», regrette un diplomate français basé à Bruxelles. Ce n’est pas l’opinion de la France, qui s’est d’ailleurs toujours gardée de faire du «Trump bashing», à Paris mais aussi dans les grandes organisations internationales comme l’Otan. «Nous avons une analyse différente. Nous ne voulons pas la mort de l’Otan, mais notre politique étrangère est basée sur le fait que nous considérons possible la réélection de Donald Trump. Nous avons toujours intégré cette hypothèse, et aucun frein ne nous empêche de le dire. Donald Trump n’est pas une parenthèse», poursuit le diplomate français.
Les Français le disent d’autant plus ouvertement qu’ils considèrent que la politique de retrait des affaires du monde a été «inaugurée» par Barack Obama. Le refus d’être le gendarme du monde est une ligne de force de la politique étrangère américaine, que l’on retrouve chez les candidats démocrates à l’élection présidentielle. «Le génie est hors de la bouteille et il n’y rentrera plus. Nous assistons à un repli de la puissance américaine dans le monde. Il n’y aura pas de retour au “business as usual”», prévient Gérard Araud. Donald Trump n’était pas une cause, mais un symptôme. «Les Balkans, l’Irak, l’Afghanistan: ce bruit a dissimulé le fait que l’Alliance atlantique n’a plus d’ennemis depuis la fin de la guerre froide. Mais la survie de la relation transatlantique aux causes qui lui ont donné naissance est fragile», poursuit-il.
Cette fragilité vient de loin. Les États-Unis sont longtemps restés inactifs devant la montée de Hitler. «S’ils sont finalement entrés en guerre, c’est parce qu’ils ont considéré que l’URSS était un ennemi global», rappelle l’ancien ambassadeur aux États-Unis.
Bien plus qu’à Donald Trump, la France et l’Europe doivent s’adapter au tournant que représente l’effacement progressif de l’hégémonie américaine. Ce tournant, en créant des vides dans les crises internationales, crée un appel d’air pour des puissances déstabilisatrices et autoritaires. «Et là, ça va être sportif», prévient Gérard Araud, rappelant que la Turquie, par exemple, ne se serait jamais engagée en Libye si les États-Unis s’y étaient impliqués.
Emmanuel Macron, qui a toujours eu, selon son entourage, des «relations de franchise» avec Donald Trump, est conscient des limites de l’exercice. «Il essaie de rester l’adulte dans la pièce. Il est indispensable à un chef d’État français d’avoir de bonnes relations avec un président américain, quel qu’il soit. A fortiori parce que, même s’ils sont sur le départ, les États-Unis vont rester la clé de voûte du système international pendant plusieurs décennies», analyse un autre diplomate.
Après la prise de conscience, Emmanuel Macron voudrait transformer l’Europe en une puissance stratégique capable de compenser l’effacement américain qui se poursuivra avec ou sans Trump. Mais il lui reste à trouver des alliés aussi motivés que lui dans l’Union européenne.
CEO & Co-founder Princeps Strategy
4 ansDonald Trump a un enorme avantage celui de nous faire prendre conscience de nos faiblesses.....Ah quand l europe puissance! Avec le Brexit le tempo est parfait....!