Prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à domicile : les mesures efficaces
Environ une personne sur trois de plus de 65 ans et une sur deux de plus de 80 ans chutent chaque année. Parmi elles, une sur deux fait au moins deux chutes dans l'année. Les conséquences de cet accident sont multiples, physiques et psychologiques, et peuvent favoriser la survenue d'incapacités, voire l'entrée dans un hébergement collectif. Deux chercheurs ont rassemblé les nombreuses méta-analyses d'essais cliniques contrôlés et randomisés, dont celle qu'ils ont eux-menée, pour faire le point sur ce problème important de santé publique. Leur analyse est centrée sur les personnes de plus de 75 ans vivant à domicile qui constituent la population la plus à risque de chute parmi les seniors
Promouvoir la lutte contre l'inactivité et la sédentarité, qui favorisent la diminution de la masse musculaire, apparaît comme une mesure de bon sens chez toutes les personnes âgées, quel que soit leur risque effectif de chute. Si la marche est une des mesures les plus appréciées, elle n'a cependant pas démontré d'efficacité à elle seule pour améliorer l'équilibre et réduire le risque. En revanche, plusieurs exercices y contribuent fortement, qu'on peut regrouper en six catégories : équilibre/marche/entrainement fonctionnel, renforcement musculaire/résistance, endurance, souplesse, activité physique générale, taïchi. Les programmes multicatégoriels (incluant deux catégories d'exercices ou plus) diminuent le taux de chutes d'environ 30%.
Si on ne peut pas définir de programme type valable pour tous, en revanche deux éléments sont primordiaux : stimuler efficacement l'équilibre (c'est-à-dire répondant à au moins deux des critères suivants : mouvements contrôlés de déplacement du centre de gravité, réduction de la base d'appui, utilisation minimale des membres supérieurs) et consacrer suffisamment de temps aux exercices. Les effets secondaires sont rares et l'encadrement par du personnel qualifié est bien entendu conseillé.
En plus de l'exercice physique, il faut s'intéresser aux autres facteurs favorisant les chutes : aménagement de l'habitat par des mesures simples (éclairage, barres d'appui, fixation des tapis, etc), révision des prescriptions de médicaments, avec en particulier diminution progressive de la prise de médicaments psychotropes, supplémentation en vitamine D, corrections des troubles de la vision (cataracte) et du rythme cardiaque, etc.
Comment dépister les personnes à risque de chute ? Plusieurs outils ont été proposés, mais leur intérêt clinique n'est pas solidement établi. Les auteurs retiennent : le repérage des antécédents de chutes, la mesure du temps de marche sur 6 mètres (plus ou moins 7 secondes), le test de marche funambule (capacité à faire 4 pas le long d'une ligne), la capacité à tenir en équilibre 10 secondes pieds joints. Ils ajoutent le fait de vivre seul, la prise de psychotropes, l'existence de lésions arthrosiques aux membres inférieurs, l'obligation d'utiliser les bras lors du test d'équilibre sur une jambe.
Le rôle du médecin généraliste est fondamental, tant pour le dépistage que pour les conseils à leurs patients en fonction de leurs profils de risque. Il peut s'aider des recommandations de la SFDRMG (Société française de documentation et de recherche de médecine générale), élaborées en partenariat avec la HAS, du référentiel de bonnes pratiques de Santé Publique France et des recommandations de la HAS concernant les personnes âgées faisant des chutes répétées. Pour les personnes à haut risque de chute, il est conseillé de faire réaliser une évaluation gériatrique approfondie.
Les auteurs concluent sur la nécessité d'une politique de santé publique dédiée. Elle devrait associer des prises en charge individualisées en direction des personnes âgées à haut risque de chute (dont le coût sera élevé ...) et pour les autres, une approche communautaire offrant une gamme variée de programmes d'exercices physiques efficaces. Les populations concernées étant très variées, ces programmes ne peuvent pas être construits uniquement à partir des essais contrôlés randomisés, qui ne concernent que des populations sélectionnées avec des contextes particuliers.
Serge Cannasse
Patricia Dargent-Molina et Bernard Cassou. Prévention des chutes chez les personnes âgées de plus de 75 ans vivant à leur domicile : analyse des interventions efficaces et perspectives de santé publique. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(16-17):336-43.
Haute Autorité de santé. Prévention des chutes accidentelles chez la personne âgée. Saint-Denis: HAS, 2005.