Prêts non performants : le difficile équilibre entre maîtrise des risques et objectifs commerciaux
La crise financière de 2008 a mis en évidence l’incidence négative que pouvaient représenter, pour les banques et leurs clients, les prêts dits « non performants »[1] (« non-performing loans » ou « NPL ») lorsque leur poids était trop important. Les NPL générant moins de revenu, tout en mobilisant des ressources humaines et financières, ont un impact défavorable sur la rentabilité de la banque, ampute sa capacité à prêter, notamment aux PME, sources de croissance économique et d’emplois.
La pression exercée par les instances européennes sur les banques les plus importantes a contribué à diminuer sensiblement le niveau des prêts non performants au sein de la zone euro, particulièrement celui des pays où le ratio de NPL était élevé[2].
Notons que la surveillance de la Banque Centrale Européenne (BCE) s’applique essentiellement aux institutions financières d’importance systémique qui sont définies comme celles dont « la faillite désordonnée, en raison de leur taille, complexité et de leur interconnexion systémique, causerait des troubles importants au système financier dans son ensemble et à l’activité économique »[3]. En France, quatre groupes bancaires répondent à cette définition : BNP PARIBAS, SOCIETE GENERALE, CREDIT AGRICOLE, BPCE[4].
Le niveau de pression qu’elle exerce varie aussi en fonction de la politique de risque conduite par chacune de ces banques.
En dépit des progrès réalisés dans ce domaine, la poursuite de la réduction des NPL reste une priorité pour les instances chargées de préciser et de faire appliquer les règles européennes en la matière[5]. Dans une logique matricielle, l’Autorité bancaire européenne (ABE) et la BCE incitent toutes les banques à agir, mais en ciblant particulièrement celles dont le taux de NPL ≥5%, ou en deçà de ce taux si certains seuils d’alerte sont franchis[6]:
- En vision verticale, tout au long de la vie d’un crédit, de l’analyse de la demande à la gestion du défaut, en passant, dès lors qu’il est accepté et réalisé, par sa surveillance pour déceler un risque potentiel ;
- En vision horizontale, sur des notions clés telles que la stratégie, la gouvernance, la restructuration, la comptabilisation, le provisionnement et la valorisation des garanties[7].
Les orientations définies par l’ABE[8] sont en cohérence avec le droit positif et les pratiques bancaires français. Pour atteindre leur objectif de résultat, les « établissements de crédit », dans un contexte de réduction des marges, de pressions législatives et jurisprudentielles, ont été amenés à prendre des mesures, bien avant 2008, pour réduire leur coût du risque. Pour une partie d’entre eux, les conditions d’octroi ont ainsi été resserrées, les procédures de recouvrement mises en œuvre dès les premiers incidents de paiement. Le juste déséquilibre entre développement des volumes de crédits et maîtrise des risques reste une quête.
Les nouvelles normes vont plus loin dans le recueil d’informations, qu’il soit réalisé en phase d’instruction de la demande du crédit ou tout au long de la vie du crédit.
1 - Lors de la phase d’instruction du crédit, la banque devra recueillir des éléments fiables sur la situation du demandeur.
Ces éléments ont une triple nature :
- Temporelle. L’information doit porter non seulement sur les éléments actuels mais aussi les variations futures d’ores et connues ou identifiables lors de l’instruction du prêt [9] ;
- Personnelle. L’information doit porter sur la personne du demandeur, entre autres éléments, son état civil, sa situation maritale, son régime matrimonial, sa situation face à l’emploi…
- Réelle. Une information exhaustive du dossier suppose de prendre connaissance du patrimoine immobilier et mobilier du demandeur et de le valoriser.
Les banques seront tenues de vérifier l’ensemble des éléments communiqués pour prévenir toute tentative de fraude. A ce sujet, l’ABE préconise que les tiers déclarés soient contactés pour vérifier la véracité des déclarations et justificatifs fournis par le demandeur au crédit. A titre d’exemple, le prêteur devra contacter l’employeur, les pouvoirs publics…, poser toutes les questions utiles et prendre le temps nécessaire pour analyser leur réponse.
La liste exhaustive des éléments à collecter par nature de prêt figure dans l’annexe 2 de la consultation de l’ABE du 19 juin 2019.
2 - Lors de la phase de gestion des crédits[10], et afin de prévenir les risques potentiels, la banque devra s’assurer, au fil du temps, que les revenus et le patrimoine déclarés pour l’analyse, ne se sont pas dégradés.
Elle doit notamment mettre en place des indicateurs précoces de détection des NPL, évaluer régulièrement les sûretés, prendre en compte les données macro-économiques et les dynamiques de leurs marchés, entre autres, celles du marché de l’immobilier. Les risques potentiels ne sont pas appréciés uniquement au dossier mais tiennent compte de données économiques de marchés pour apprécier un risque global sur une typologie de crédits en cours.
Les méthodes de valorisation des biens immobiliers varient suivant la période de l’interrogation, du montant du prêt, de sa représentation dans le portefeuille de la banque et de l’évolution de la valeur globale du portefeuille garanti.
Si les principes retenus par les instances européennes sont en cohérence avec les pratiques bancaires actuelles, il n’en demeure pas moins que la complétude des informations à recueillir amènera à une constitution et une analyse plus élaborées et, partant, à un temps de traitement plus long de la demande. Cela ne sera pas sans conséquence sur les stratégies visant à réduire le temps de réponse aux demandes, dans un contexte très concurrentiel.
Contexte concurrentiel d’autant plus important que la politique européenne vise à réduire les risques de crédit. Conséquence : à chercher « les clients sans risque », les banques finiront par chasser les mêmes clients et, par voie de conséquence, à diminuer encore leur marge pour convaincre un prospect. A ce sujet, les services marketing, qu’ils opèrent dans la sphère stratégique ou opérationnelle, ont un véritable rôle à jouer dans la détection de la clientèle cible et la manière de les aborder.
L’analyste et le valideur de la demande de crédit subiront une double pression : celle de l’objectif commercial et celle de la maîtrise des risques. Il est peu probable que les objectifs commerciaux diminuent et il est probable que la pression de la Direction des Risques s’intensifiera.
Si l’ABE recommande que les personnes en charge de l’analyse et de la validation de la demande de crédit aient toutes les compétences requises, la banque doit y intégrer une capacité à décider en autonomie. Elle devra aussi les mettre en position de se prononcer en toute connaissance de cause, ce qui suppose que les analystes et valideur puissent fonder leur décision sur des éléments fiables d’information. A cet égard, face à un demandeur peu enclin à se dévoiler, des moyens existent.
Arca Conseil s’inscrit pleinement dans ces recommandations, en soutien des services Engagements, grâce à des solutions complètes allant de la vérification des éléments de solvabilité à la valorisation de biens immobiliers.
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Notes et références :
[1] Selon la définition donnée par l’Autorité bancaire européenne, un prêt est non performant lorsqu’il présente un incident depuis plus de 90 jours ou lorsqu’il ne sera probablement pas recouvré sans recours à la réalisation de la garantie, qu’il présente ou non un impayé
2] Le ratio de NPL est passé de 8% à 3,7% entre fin 2014 et fin mars 2019. En volume de prêts non performants, les banques françaises se hissent au 2ème rang des établissements de l’Union européenne (derrière les banques italiennes) mais leur ratio NPL/Encours total de crédits se situe dans la moyenne, soit ~3%
[3] En 2009, le G20 préconisait la mise en place de normes spécifiques afin d’encadrer les plus grandes institutions financières internationales et parer à d’éventuels défauts. Conscientes d’être trop grandes pour être laissées sans solution par les pouvoirs publics, les principales institutions financières étaient tentées de prendre toujours davantage de risques (« Entités systémiques du secteur bancaire », ACPR, article mis à jour le 13/02/2020). En 2014, une étude menée par la BCE révélait que 25 des 130 banques européennes contrôlées présentaient des fonds propres négatifs (« L’union bancaire », Fiches thématiques sur l’Union européenne, Parlement européen, Marcel Magnus, 12/2019)
[4] Cette liste est révisée et mise à jour chaque année, en France, par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
[5] En tête, l’Autorité bancaire européenne (ABE ou EBA), la BCE et l’instance de contrôle de chaque Etat membre (En France, l’ACPR). L’impact du Covid-19 sur cet objectif sera observé dans les mois qui viennent.
[6] Citons, des flux entrants de NPL en hausse, un niveau élevé ou accru de prêts renégociés ou d’actifs saisis, des taux de provisions faibles, des violations d’indicateurs d’alerte précoce, un ratio Texas élevé (part des NPL sur fonds propres), la qualité et la pertinence de l’activité de résolution (cf. orientations EBA/GL/2018/06)
[7] « Lignes directrices pour les banques en ce qui concerne les prêts non performants », Banque Centrale Européenne, Mars 2017
[8] Pour une liste des orientations de l’ABE, se référer aux documents suivants : EBA/GL/2015/11, EBA/GL/2018/06, EBA/CP/2019/04 (mise en œuvre prévue le 30/06/2020)
[9] Il sera tenu compte par exemple du montant de la pension de retraite à recevoir (à condition qu’il puisse être estimé…) si le prêt devait se poursuivre au-delà de la période d’activité de l’emprunteur
[10] Nous n’évoquons ici que la situation des prêts avant traitement contentieux