Première neige

Hier matin, vous avez peut-être été contents de boire un café chaud, tout emmitouflé (vive le télétravail!) en regardant tomber une petite neige douce par la fenêtre au son de votre musique de Noël préférée. Si vous faites au contraire partie de la majorité, vous êtes plutôt partis en retard pour déneiger votre voiture, en sacrant de chercher vos bottes dans le fond du garde-robe ou vous avez sué à grosses gouttes en essayant de mettre les pouces dans les maudites mitaines de votre petit dernier. Hier matin, j'ai fait tout ça, mais j'ai surtout eu une pensée pour ceux pour qui c'était la première neige.

Dans mon travail d'intervenante à l'université, notamment auprès des étudiants étrangers, j'ai constaté les effets de la première neige aujourd'hui. Des jeunes français excités comme des bambins se lançant des balles de neige, presque au ralenti comme dans une publicité de manteaux d'hiver. Des Algériens se promenant dans les corridors en grosses bottes de fourrures, depuis 8h00 le matin parce que d'abord, ils ont froid, mais aussi car personne ne leur a dit d'apporter un petit sac en tissu avec des souliers de rechange pour l'intérieur, comme on le fait depuis le primaire. Des Béninois donc contents et soulagés de voir que ce n'était "que ça", le terrible hiver dont ils avaient tant entendu parler, avant d'apprendre que les températures chuteraient encore de 20 degrés et que la neige s'accumulerait de plusieurs pieds supplémentaires - pour les 5 prochains mois (vaut mieux en rire!). Et beaucoup de rendez-vous annulés, dans l'incompréhension qu'ici, la vie continue même quand le ciel nous tombe sur la tête. Cela dit, attention à nos préjugés, je suis moi-même arrivée en retard...mais c'est la faute aux pouces dans les mitaines.

Tout ça pour dire qu'immigrer, s'adapter, c'est beaucoup plus que comprendre la culture de notre entreprise ou du marché du travail, s'intégrer avec ses collègues, réussir son cours de calcul différentiel en ligne (au secours!) ou rédiger sa thèse doctorale, qui sont déjà de grands défis, que l'on change de pays ou pas. Immigrer, c'est aussi gérer tout le reste, les matins de première neige. Tout le reste, qui est souvent nouveau, incompréhensible, bizarre et franchement compliqué, si on ne connait pas tous les petits trucs appris inconsciemment au fil du temps. Si après 20, 30, 40, 50 ans d'expérience, ça nous bouscule encore, il faut imaginer la toute première fois. Une petite pensée, alors, pour nos nouveaux québécois, en cette première journée blanche ! Bonne saison des crampons 2022-2023!