Production d’électricité : abroger la PPE et refonder la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France (SNBC)
extraction de pétrole et éoliennes près de Montmirail (Marne)

Production d’électricité : abroger la PPE et refonder la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France (SNBC)

1 - Eolien en remplacement du nucléaire : un non sens écologique et économique

Sous couvert de nécessaire diversification, mais en réalité pour atteindre un « objectif » idéologique de 50 % de nucléaire dans le mix électrique français, fruit d’un compromis politique négocié par F Hollande avec les verts en 2011 pour se faire élire président de la République, et repris par E Macron, la PPE publiée en avril 2020 engage un développement effréné de l’éolien dans notre pays, visant à atteindre environ 34 GW de puissance installée en éoliennes terrestres, pour 18 GW installés en 2021.

Cela conduit à installer 2.300 MW, environ 1.000 éoliennes, chaque année, soit un doublement du rythme de la dernière décennie, alors que les régions des Hauts de France et du Grand Est connaissent déjà une forte densité d’éoliennes, et qu’un nombre significatif de parcs produisent des nuisances insupportables pour les riverains (proximité des habitations), ou détériorent des paysages remarquables ou des sites classés.

Le but est de permettre, au-delà de la fermeture purement idéologique en 2020 des 2 réacteurs de Fessenheim (1,8 GW), de fermer 12 autres réacteurs à l’horizon 2035, sans aucun effet direct sur la décarbonation de la production d’électricité en France, qui est déjà décarbonée à 92 % grâce principalement aux parcs nucléaire et hydraulique.

Les principales données quantitatives permettant d’apprécier la non pertinence de la PPE sont rassemblées dans le tableau ci-dessous :

                  
        


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Ø La production éolienne est plus chère que la production nucléaire du parc existant, y compris en intégrant les investissements du « grand carénage » permettant de porter la durée de vie des réacteurs à 60 ans. Elle nécessite en outre des investissements de renforcement du réseau de distribution d’électricité pour être accueillie (évalués à 8 €/MWh), tout en ne dégageant pas moins de CO2 sur son cycle de vie compte-tenu des quantités de béton, d’acier et de matériaux synthétiques à mettre en œuvre, et d’une durée de vie plus faible (20 ans, contre 40 à 80 ans pour le nucléaire).

 

Ø Surtout, la production éolienne est intermittente, variable en fonction de la météo, et n’est donc pas fiable pour garantir une puissance délivrée au moment où c’est nécessaire. Cela se visualise bien sur le graphique ci-dessous, où, le 10 novembre dernier à 19 h, la puissance fournie par le parc éolien atteignait seulement 1,3 GW, contre 42,6 GW pour le nucléaire. Un parc éolien a un facteur de charge (énergie produite par rapport à une production à 100 % de la capacité) de 24 % : 54 % du temps, une éolienne fournit moins de 20 % de sa puissance nominale (dont 24 % du temps moins de 10 % de sa puissance), et plus de 50 % de sa puissance seulement 11 % du temps. Alors que le facteur de charge du parc nucléaire est de 71 %, avec une disponibilité plus élevée en période hivernale.

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 Remplacer des réacteurs nucléaires par de l’éolien nécessiterait donc en plus d’investir dans de nouvelles centrales à gaz, produisant à un coût plus élevé, et émettant 450 g de CO2 par kWh (40 fois plus que le nucléaire), pour pallier le manque de vent lors des périodes de pointe hivernale, où les conditions météorologiques sont souvent anticycloniques...

Pour fournir la quantité d’électricité que produisait la centrale de Fessenheim (11 TWh), il faut plus de 2 000 éoliennes, et il en faudrait plus de 80.000 (175 GW), soit près de 10 fois le parc éolien actuel, pour produire l’équivalent de l’ensemble du parc nucléaire existant, ainsi qu’un équipement en capacité de nouvelles centrales à gaz d’au moins 45 GW, ce qui est un non sens économique et du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique.

Le récent rapport de RTE sur les « futurs énergétiques 2050 » aboutit à une conclusion similaire : le scénario 100 % ENR implique des investissements massifs en réseau de transport et de distribution d’électricité, centrales thermiques et stockage par batteries, dont le coût dépasse le coût de l’équipement en éolien et solaire.    


2 - Besoins en électricité à l’horizon 2050 : très forte augmentation, bien au-delà de ceux prévus par la SNBC

La décarbonation de l’énergie en France nécessitera, en plus de progrès constants en efficacité énergétique (fret ferroviaire, isolation des bâtiments , …) et d’un recours accru à la biomasse (bois, biocarburants, biométhane), une électrification massive des usages, par consommation directe d’électricité (pompes à chaleur, batteries des véhicules électriques,…), ou de façon indirecte via le vecteur hydrogène bas carbone pour le transport et l’industrie lourde.

En 2019, la consommation d’électricité atteignait 474 TWh, pour une production de 538 TWh, la différence provenant des pertes en ligne, et d’un solde exportateur de 55 TWh. 

La part de l’électricité dans les besoins énergétiques de la France va plus que doubler, ce que la SNBC prend en compte avec une prévision de consommation d’électricité de 645 TWh en 2050. Mais cette prévision se situe dans un contexte d’une réduction de 42 % de la consommation finale d’énergie en France à cette échéance (930 TWh, contre 1614 TWh en 2019), qui suppose des efforts de sobriété énergétique très importants, ne prend en compte que marginalement la production d’hydrogène bas carbone, et ne laisse pas de place pour la réindustrialisation du pays.

En tenant compte des travaux récents (Académie des Sciences, Académie des Technologies, rapport RTE sur les « futurs énergétiques 2050 »,…), on peut estimer, dans un scénario non décroissant et prenant en compte un effort de réindustrialisation du pays (pour regagner le chemin perdu depuis les années 1990), le besoin en consommation d’électricité à environ 800 TWh, ce qui suppose une production d’électricité a minima de 850 TWh, si l’on veut conserver une marge sécurité et la possibilité d’un solde exportateur.

Cette estimation intègre environ 125 TWh de consommation d’électricité pour produire 2,5 millions de tonnes d’hydrogène par électrolyse de l’eau, sur un besoin total supérieur à 4 Mt, dont 3 Mt pour la décarbonation des transports en remplacement du pétrole. Le complément provient d’une production d’hydrogène à partir de méthane avec capture et stockage ou utilisation du CO2 (CCUS), et de la possibilité d’importation d’hydrogène bas carbone depuis les pays d’Afrique et du Moyen-Orient dans le cadre d’une politique partenariale de co-développement.  

La mutation de la France vers une économie neutre en carbone demandera donc une augmentation de près de 60 % de la consommation d’électricitéet des investissements massifs dans le système électrique (production, réseau, numérisation) que RTE évalue à 60 Md€ par an, à conduire de façon constante et déterminée sur la durée d’une génération.

La sécurité de l’alimentation en électricité, qui est fondamentale dans le fonctionnement d’une société développée, suppose de disposer en France lors des périodes de pointe hivernale d’une puissance de l’ordre de 100 GW, déterminée par les besoins en chauffage des bâtiments (plus 2 GW par degré).

Fort heureusement, l’isolation thermique des bâtiments, ainsi que l’utilisation de pompes à chaleur pour l’électrification du chauffage (à côté du recours au biométhane et au bois), permettront de limiter l’augmentation de cette puissance de pointe : à condition de piloter par la numérisation la consommation, en effaçant notamment la production d’hydrogène et d’eau chaude, ainsi que la recharge des batteries des véhicules électriques pendant les périodes chargées, cette augmentation ne devrait pas dépasser 5 à 10 %.

Cette hypothèse est dimensionnante pour les moyens de production d’électricité pilotable du pays, soit nucléaire, hydraulique et en complément centrales à gaz, la contribution des ENR n’étant pas garantie et marginale lors des périodes de pointe. Un recours aux importations, notamment d’Allemagne, est actuellement nécessaire (10 GW), mais il s’agit d’électricité carbonée, et sa disponibilité en 2050 incertaine.


 3 - Mix de production d’électricité en 2050 : perspectives

Le tableau ci-dessous rassemble les données quantitatives concernant les sources d’électricité décarbonées utilisables pour la production d’électricité française en 2050 (la production par biomasse, incinération des déchets et biogaz, restera marginale avec une puissance installée de 2 GW, car l’utilisation directe du biogaz pour des usages thermiques ou de motricité est plus efficace) :

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 Dans une hypothèse où les ENR intermittentes restent minoritaires à côté d’une base de production pilotable capable d’assurer la sécurité d’approvisionnement, leur coût de production est comparable à celui du nouveau nucléaire, en intégrant le coût de renforcement du réseau d’électricité.

Dans cette perspective, renouveler, et renforcer dans la mesure du possible, le parc de production nucléaire, tout en développant de façon raisonnable l’éolien et le solaire, constitue l’orientation la plus pertinente pour atteindre la neutralité carbone.

Les moyens de production hydraulique existants (25 GW de puissance installée, dont 5GW de stations de pompage permettant de stocker l’électricité) ne peuvent être développés que marginalement (2 GW et 3 GW de station de pompage).

 § Nucléaire

En 2050, le parc existant aura une puissance résiduelle de l’ordre de 16 GW (durée de vie portée à 60 ans), et de 24 GW au maximum en prolongeant davantage la durée des réacteurs les plus récents (rapport RTE).

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Le % de production nucléaire ne doit pas être un objectif en soi, mais la résultante du programme d’ensemble qui sera mis en œuvre : il faut s’affranchir du plafond idéologique de 50 % de nucléaire, mais aussi ne pas vouloir à tout prix maintenir plus de 70 % de nucléaire, d’autant qu’une part significative des besoins (électrolyse H2) pourra être fournie par les ENR, en auto-consommant sur place la production.

Dans un scénario très volontariste, un objectif de l’ordre de 85 GW de puissance du parc nucléaire en 2050 (le plafond légal actuel est de 63 GW), permettrait d’obtenir la puissance pilotable nécessaire pour assurer la sécurité d’alimentation, à côté de l’hydraulique (15 à 20 GW mobilisables) et des centrales à gaz (en conservant la capacité existante de 12 GW).

Cela correspond à une production nucléaire portée à 520 TWh, soit 61 % de la production estimée à 850 TWh.

Mais cela suppose d’avoir construit et mis en service environ 40 réacteurs EPR2 en 2050, en plus de l’EPR de Flamanville, ce qui est très nettement au-delà des 14 réacteurs EPR2 figurant dans le scénario 50 % nucléaire de RTE, qui présente cela comme un maximum indiqué par la filière…

Cet effort est comparable à celui réalisé par la France de 1970 à 1995 (construction de 58 réacteurs sur 19 sites, représentant une puissance de 63 GW), mais la faisabilité reste à prouver : capacité d’accueil sur ou à proximité des sites nucléaires existants, prise en compte de l’évolution des normes de sûreté, capacité industrielle et en compétences humaines.

En tout état de cause, une volonté politique très forte et constante sera indispensable, ainsi qu’un mode de financement assurant un coût du capital raisonnable (RTE prend pour hypothèse 4 %) pour un investissement de l’ordre de 300 Md€ (10 Md€ / an) : à cet égard, un financement par les impôts des contribuables est difficilement envisageable, et EDF n’a plus la capacité d’endettement qui lui a permis de construire le parc existant.

Une solution pourrait consister à appliquer le même mode de financement que pour les réseaux d’électricité (ENEDIS investit près de 4 Md€ par an), avec un prix régulé par la CRE sur le système de la Base d’Actifs Régulée (BAR), permettant d’intégrer au fur et à mesure les investissements réalisés dans le prix de vente de l’électricité nucléaire, qui serait mise à disposition de l’ensemble des fournisseurs, pour le marché français en priorité. Cette solution conduirait à créer au sein d’EDF une filiale nucléaire régulée, à l’instar d’ENEDIS pour les réseaux de distribution d’électricité, ce qui suppose une négociation avec la Commission de l’UE, intégrant la reconnaissance du nucléaire dans la taxonomie verte.

 

§ Eolien terrestre

Continuer à développer l’éolien terrestre, avec les subventions correspondantes, pour fournir de l’électricité au réseau en substitution au nucléaire n’a pas de sens.

Par contre, la capacité de production nucléaire n’est pas extensible à l’infini, et l’électricité éolienne est indispensable pour concourir à la production d’électricité nécessaire pour décarboner l’économie et s’affranchir du pétrole, en particulier pour les besoins de la production d’hydrogène bas carbone.

Un parc type éolien type a une puissance de 12 MW (5 éoliennes), et y adjoindre un électrolyseur de 6 MW permet d’auto-consommer sur place plus de 90 % de la production d’électricité éolienne, en produisant annuellement 420 tonnes d’hydrogène, et autant avec l’électricité du réseau en-dehors de heures de pointe. Dans ce schéma, l’intermittence de la production éolienne n’est plus un problème, et les coûts de renforcement du réseau réduits.

Les appels d’offre pour les nouveaux parcs seraient attribués sur la base du prix de l’hydrogène produit, subventionné au moins au départ par le plan hydrogène.

Le même schéma peut être mis en oeuvre pour les parcs éoliens qui vont arriver en fin de contrat d’achat au bout de 15 ou 20 ans (1 GW par an en rythme de croisière) : il sera possible de les rénover (repowering en gardant la structure mâts, génie civil et raccordement au réseau) et d’y adjoindre un électrolyseur : l’investissement étant plus faible, le prix de l’hydrogène sera plus compétitif et moins subventionné.

le 1er exemple de ce type d’installation vient d’être mis en service en Vendée à Bouin sur le 1er parc éolien installé en 2005, par la société Lhyfe et le syndicat d’énergie Sydev avec le soutien du département et de la région des pays de la Loire.

Bien entendu, chaque projet serait soumis préalablement à l’accord des collectivités locales, sur la base d’une analyse environnementale et d’une enquête publique, ce qui donnera l’opportunité de démanteler certains parcs existants dont les nuisances sont inacceptables.

Ce schéma de développement permettrait, avec un rythme d’installation de nouveaux parcs éoliens réduit de 50 % par rapport au rythme actuel (soit 0,7 GW par an), de disposer d’une capacité de production d’hydrogène par électrolyse décentralisée qui, en ajoutant les électrolyseurs à haut rendement bénéficiant de chaleur « fatale », serait en ligne avec l’objectif du plan hydrogène (7,5 GW d’électrolyseurs en 2030), pour atteindre 20 GW en 2050.

Cette orientation de l’énergie éolienne en priorité vers la production d’hydrogène bas carbone est une condition impérative de faisabilité de la mise en œuvre du plan hydrogène.

 

§ Eolien maritime

RTE prévoit de 22 GW (scénario 50 % nucléaire) à plus de 70 GW d’éolien en mer, avec des investissements massifs en réseau (raccordements lointains avec des câbles à courant continu). Cela parait déraisonnable, alors que les 6 parcs en voie de construction (3 GW) peinent à émerger et soulèvent des inquiétudes fortes sur l’activité maritime et la biodiversité, tout en occupant chacun 80 km2 (surface de Belle-Ile) : même en prenant en compte l’augmentation de la puissance unitaire des éoliennes, il faudrait implanter au moins 20 parcs éoliens de la surface de Belle-Ile le long du littoral français pour atteindre 22 GW.

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Avant d’engager d’autres projets, voire de maintenir les projets en cours, il apparait indispensable d’approfondir les conditions environnementales et économiques d’un tel développement, et son intérêt réel, d’autant que la durabilité de ces parcs dans un environnement très agressif est sujette à caution.

L’éolien flottant n’a pas à ce stade prouvé son intérêt économique, d’autant que le coût du raccordement électrique est aussi plus élevé.

Les parcs finalement construits pourront également concourir à la production d’hydrogène par électrolyse, d’autant que la ressource en eau est facilement disponible.

 

§ Solaire photovoltaïque

Un développement accéléré de la production d’électricité photovoltaïque permettra de développer l’autoconsommation (installation sur la toiture des bâtiments ou des ombrières de parking) et une production de grands parcs au sol en synergie avec la production hydraulique (économie et/ou pompage de l’eau dans les barrages pendant les heures méridiennes).

Il faudra prendre garde à l’insertion environnementale, en particulier à ne pas obérer des terres agricoles ou des forêts, et d’utiliser des panneaux fabriqués sans électricité à base de charbon (c’est un bon exemple d’application de la barrière écologique aux frontières de l’UE).

Un rythme de 1 GW par an sur toitures, et de 1,5 GW par an en grands parcs au sol (2 fois le rythme actuel) permettrait d’atteindre 85 GW installés en 2050, pour une production de l’ordre de 100 TWh. C’est un développement comparable à l’hypothèse basse de RTE (scénario 50 % nucléaire).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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