Professionnels de l’investissement: faut- il craindre les « robots » ?

Professionnels de l’investissement: faut- il craindre les « robots » ?

Depuis quelques mois, les « robo-advisors », ces automates effectuant des allocations d’actifs pour le compte de clients, ont fait la une de la presse tant financière que généraliste. Composante du mouvement « Fintech », dont l’essor est phénoménal, ils suscitent curiosité, parfois engouement et souvent peur du phénomène (et néologisme) en vogue en cette année 2015 : l’ « uberisation ».

 De quoi s’agit-il ?

 Nés aux Etats-Unis, les « robo-advisors » utilisent des algorithmes pour proposer aux clients allocations d’actifs, arbitrages, pilotage de portefeuilles. Les leaders américains Wealthfront et Betterment ont surpris par leur croissance spectaculaire et atteint en quelques mois 3 milliards de dollars d’actifs sous gestion chacun.

 En France de nombreux acteurs développant des approches distinctes se sont créés : Advize, Anatec, Fundshop, Marie Quantier ou Yomoni sont les plus connus. Les chiffres en termes d’encours sous gestion restent en France difficiles à obtenir, le marché est en devenir. 

 A qui s’adressent les « robo-advisors » ?

 La cible principale assumée des grands du secteur est la population des « Millenials », ces jeunes nés entre 1980 et 2000 qui sont nombreux à rejeter la relation traditionnelle avec les intermédiaires financiers et sont en recherche de nouvelles expériences utilisateur.

Comment ça fonctionne un robot ?

 La plupart des opérateurs utilisent des algorithmes dérivés des modèles d’efficience de marché (CAPM). Il est souvent difficile d’en savoir plus, chacun estimant avoir une « sauce secrète » permettant d’optimiser performance et volatilité. Les propositions d’allocations résultent de la définition d’un profil utilisateur défini par un questionnaire plus ou moins sophistiqué. Peu de nouveauté en ce sens et une certaine opacité que l’on peut légitimement déplorer. 

Les différences fondamentales viennent du choix d’une stricte gestion passive (choix d’ETF pour leurs moindre coût et/ou leur surperformance dans la durée,  un élément contestable sur de nombreuses classes d’actifs) ou de l’ouverture vers une gestion active.

 En France, la distinction provient également de la profondeur du service proposé. Ainsi, là où certains vont proposer de réelles gestions privées automatisées en ligne avec un agrément de Société de Gestion de Portefeuille ou de CIF (et concurrents directs des conseillers en gestion de patrimoine et gérants privés), d’autres comme se présentent comme prestataires de service destinés aux plateformes et opérateurs en ligne.

 Le succès des « robo-advisors » vat -il durer ?

 Un article récent de The Economist alertait sur la croissance ralentie des leaders du secteur. Le constat est sévère dans la mesure où les robots ont trouvé rapidement un public en créant leur marché.

 La question se pose tout de même de l’avenir du concept au-delà d’un public d’« early adopters », ces passionnés de nouveautés qui peuvent ne représenter in fine qu’un micro- marché. A ce stade, force est de constater que la somme des leaders américains ne représente qu’une infime part de l’épargne privée US.

 Les « robo-advisor », un business ou un service connexe ?

 Une question fondamentale de l’univers startup : l’idée est- elle un nouveau business ou constitue-t-elle un service complémentaire pour un business existant (en anglais : « is it a business or is it a feature ») ?

Le lancement de services de « robo-advisor » par les plateformes Vanguard et Schwab aux USA, avec un succès analogue à celui des startups précitées, laisse entendre qu’il y a bel et bien une demande élargie pour un service automatisé de gestion de portefeuille. Le leader mondial de l’Asset Management Blackrock vient d’afficher sa volonté de ne pas rester à l’écart du mouvement en achetant Future Advisor, numéro 3 du secteur. Enfin, le réseau Bank Of America Merril Lynch, fort de plus de 14500 conseillers, vient de trancher quant à la nécessité d’équiper son réseau et annonce une offre pour début 2016.

 Les grands acteurs US ont fait leur choix : ils veulent ajouter le service « robo-advisor » à leur offre !

 Quel avenir ?

 Les robots doivent faire leurs preuves dans la génération durable de performances. En effet,  aucun d’entre eux n’a encore passé 2008 et 2011 (en dehors de leurs propres simulations), années clé en matière de pertes maximales sur les allocations d’actifs. Si certains robots ont claironné des pertes limitées fin août 2015, peu ont communiqué sur leur capacité à réinvestir en octobre. Le tout ETF a du reste été assez contesté post « Black Monday » du 24 août quand des ETF de taille significative ont vu leurs valeurs s’effondrer pour des raisons techniques.

 Il y aura peu d’élus pour les acteurs 100% « robo-advisor »souhaitant s’adresser directement aux clients finaux, le coût d’acquisition des dits clients restant élevé. A ce titre l’échec de Zebank, « disrupteur » affiché du monde de l’épargne au début des années 2000, doit inviter les nouveaux entrants à une certaine modestie.

En revanche, avec l’appui des dernières innovations en matière d’algorithmes et de traitement de la donnée, et portée par de réels changements dans le mode de consommation des produits financiers, l’offre « robo-advisor »  a clairement sa place dans l’univers de l’épargne. Nous n’en sommes donc qu’au début.

 Quelles implications de fond pour les conseillers en gestion de patrimoine et gérants privés ?

 La présence de ces nouveaux acteurs impose une plus grande transparence quant à la valeur ajoutée du conseiller dans la proposition faite au client et son suivi dans le temps.

 Il va sans dire que les tarifications constatées aux US (couramment moins de 25bp) ainsi que le recours massif aux ETF ne sont pas sans créer une pression déflationniste (qui sera fatale à de nombreux intervenants de l’offre stricte  « robot »).

 Par ailleurs, la faible adhésion relative des épargnants aisés à ce stade démontre l’importance de la relation humaine dans le domaine restant singulier qu’est la gestion de l’épargne.

 N’ayons pas peur ! L’outil « robo-advisor » peut être appréhendé comme un « sparring partner » dans le cadre de la construction et du suivi des allocations d’actifs par le conseiller.

 Il est très certainement un excellent outil dans la « panoplie » du conseiller, notamment pour offrir une réponse d’une clientèle plus jeune ou en recherche de nouveauté. Le « robo-advisor » peut être ainsi le moyen de « reconnecter » avec la génération montante, à faible épargne aujourd’hui mais clé pour demain.

  L’outil présente également une solution pour les « petits clients » pour lesquels les arbitrages deviennent particulièrement coûteux et contraignants.

 Osons la transformation digitale ! Au-delà du seul domaine des « robo-advisors », les apports numériques présentent des avancées à appréhender de façon constructive en estimant qu’ils sont autant d’outils destinés à consacrer plus de temps aux taches de forte valeur ajoutée : démarche commerciale, écoute, recherche et mise en place de solutions individualisées…

 

Pour conclure, l’outil « robo-advisor » a selon nous toute sa place en complément d’une offre traditionnelle de gestion privée.

Plateformes, conseillers en gestion de patrimoine, gérants privés, exigez votre robot !

 

Stéphane Toullieux

Fondateur TLLX

Président Athymis Gestion

 Rédigé le 02 décembre 2015

 

 

Note : Stéphane Toullieux est membre du Conseil de Surveillance de Fundshop

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