Profonde attention

Profonde attention

Hier j’ai mangé du poisson. Je vous accorde un instant, le temps de digérer cette information d’une importance capitale. J’ai également conscience de la violence de ce contenu dans le contexte compliqué que traverse non seulement notre pays mais la planète tout entière. Cependant, vous me connaissez, je ne suis pas homme à me défiler face à mes responsabilités et donc, oui, hier à l’heure du déjeuner, j’ai mangé deux filets de rouget barbet. Mais pourquoi me flagellai-je ainsi pour avoir innocemment consommé la chair blanche d’un poisson à la peau rouge ? Pour le comprendre, il faut remonter à dimanche et la publication de mon édito du même jour dans la newsletter de The Media Leader. Pour ceux qui par mégarde, méconnaissance ou lassitude auraient sauté cette publication et qui n’auraient pas le courage de cliquer sur ce lien, je précise qu’elle traitait de la capacité d’attention des poissons rouges, laquelle ne serait guère supérieure à 8,25 secondes. Le conditionnel est d’importance puisque je mettais en doute dans cet article la méthode de vérification de cette assertion. Une incertitude confirmée hier par l’une de mes lectrices qui me signalait que cette histoire de mémoire des carassins dorés – c’est leur autre joli nom — n’était qu’une fake news. Selon mon informatrice cette pseudo-info est apparue en 2015 dans un rapport de Microsoft Canada qui citait un institut aussi pompeusement que faussement baptisé "Statistic Brain". Je ne rentre pas dans les détails, vous les trouverez dans l’article de Dorothée Rieu, qui, en plus d’être lectrice avisée de mes textes, est docteur en neurosciences, ce qui lui vaut mon plus profond respect. Le problème, c’est que ce « neuromythe », comme l’appelle joliment Dorothée, est tellement ancré dans nos certitudes qu’un garçon que je respecte tout aussi profondément, Bruno Patino, s’en est servies pour un bouquin qu’il a titré « La civilisation du poisson rouge » à propos de l’attention fugace des millennials. Vous comprenez maintenant mon émoi en réalisant qu’hier pendant le déjeuner, j’avais peut-être mangé l’Einstein ou le Galilée de l’océan. Je ne sais pas s’ils étaient aussi intelligents que cela mais avec un peu de sauce ils étaient très bons. Et je suis toujours aussi bête.

Dorothée Rieu

Docteur en Neurosciences | CEO MEDIAMENTO Institut (fondatrice) | #Neurosciences | #Marketing | #Cognitive

2 mois

Merci Frédéric, ça y est, vous participez à la fameuse déconstruction de ce neuromythe ... et votre article est très drôle en plus ;)

Patrick Cappelli

journaliste honoraire ex la Tribune, T la Revue, CBNews, Libération, Usbek&Rica entre autres

2 mois

Le rouget c’est top

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