Projet ou boulet ?
Qu’un projet prenne du retard ou dépasse son budget, ça s’est déjà vu, n’est-ce pas ? Mais il existe des projets qui prennent beaucoup de retard, qui dépassent très largement leur budget, et pourtant, tout est fait pour leur réussite : les acteurs sont compétents, les méthodologies correctes et appliquées, le soutien des décideurs est sans faille. Alors que se passe-t-il ?
Malgré tous les efforts et toute l’intelligence investis, les anomalies pleuvent, les défauts s’accumulent et la qualité s’enfuit. Qu’est-ce qui distingue donc ce travail a priori bien fait de la réussite incontestable ? Aucun tableau de bord ne permet de l’analyser clairement et peut-être faudrait-il faire mijoter des données quelconques et accessoires du projet dans une marmite d’intelligence artificielle pour y trouver des corrélations inattendues. Ou bien devrait-on sonder les reins et les coeurs des parties prenantes du boulet collectif qu’on appelle encore projet, par convenance plus que par conviction.
Si vous côtoyez un tel projet, ne vous leurrez pas : ceux qui y sont engagés, pour ne pas dire coincés, n’y croient plus vraiment, même s’il est politiquement correct d’affirmer le contraire. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas d’un soutien indéfectible des dirigeants au projet : on s’alignera alors prudemment sur la doxa du chef. Mais dans les faits, on temporisera, on regardera ailleurs, on prendra la tangente, tout en faisant sérieusement le minimum professionnel vital.
Un projet est aussi un acte de foi collectif en l’avenir, même si son objectif est modeste et prosaïque. Sans l’étincelle, même petite, de l’enthousiasme, un projet devient un programme de figures imposées de procédures bureaucratiques. Dans ce cas, il est urgent de mettre bas les masques, sans acrimonie, de s’asseoir autour d’une table, et de donner au projet un nouveau design, ce qui veut dire, en bon français, un nouveau dessein. Un grand, de préférence.