Propagation d’incendie et responsabilité vis-à-vis des tiers : nécessité de caractériser une faute (Civ2, 28/11/2024, n°2315674)
Propagation d’incendie et responsabilité vis-à-vis des tiers : nécessité de caractériser une faute du gestionnaire du réseau public national de distribution d’électricité (C.Cass., Civ. 2ème, 28 Novembre 2024, n°23-15674)
En cas de propagation d’incendie, les désordres causés aux tiers obéissent à un régime juridique bien spécifique, codifié désormais au 2ème alinéa de l’article 1242 du Code civil qui énonce :
« Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable »
Il est important de souligner que ce régime est exclusif de toute application de la théorie des troubles anormaux de voisinage (C. Cass., Civ. 3ème, 15 Novembre 1978, n° 77-12285 et plus récemment C.Cass., Civ. 2ème, 7 Février 2019, n°18-10727). Il s’agit de responsabilité pour faute prouvée.
La charge de la preuve d’une faute pèse sur le tiers lésé ou son assureur subrogé dans les droits de celui-ci (C.Cass., Civ. 2ème, 23 Septembre 2004, n°03-16445 ; Cour d’appel, Rennes, 5e chambre, 18 Janvier 2023 – n° 19/06734). Il en va même concernant la preuve d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice (C.Cass., Civ. 2ème, 21 Juillet 1992, n°91-12298).
Les dispositions du 2ème alinéa de l’article 1242 du Code civil (anciennement article 1384) ont pu faire l’objet de critiques doctrinales et la Cour de cassation au travers de son rapport publié pour l’année 1991, avait pu suggérer une abrogation de ce régime. Pour autant, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a estimé que la question de la constitutionnalité de ces dispositions ne présentait pas un caractère sérieux (C.Cass., Ass. Plén., 7 Mai 2010, n°09-15034) :
« Attendu que M. X… soutient que les dispositions de l’article 1384, alinéa 2, du code civil portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe d’égalité, au droit de propriété et au principe selon lequel tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui l’oblige à le réparer ;
Mais attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le régime de l’article 1384, alinéa 2, du code civil répond à la situation objective particulière dans laquelle se trouvent toutes les victimes d’incendie communiqué, qu’il est dépourvu d’incidence sur l’indemnisation de la victime par son propre assureur de dommages aux biens, et qu’enfin il n’est pas porté atteinte au principe selon lequel tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel »
Par son arrêt du 28 Novembre 2024, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que la démonstration d’une faute est nécessaire pour engager la responsabilité de celui qui détient un bien meuble ou immeuble dans lequel a pris naissance un incendie et qui a pu affecter des tiers (C.Cass., Civ. 2ème, 28 Novembre 2024, n°23-15674).
Sur le plan factuel :
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Par un arrêt en date du 14 Mars 2023, la Cour d’appel de GRENOBLE a
La Société ENEDIS a formé un pourvoi.
Sous le visa de l’article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2 du Code civil, la Cour de cassation rappelle d’abord que « aux termes de ce texte, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable« .
Puis elle relève que la Cour d’appel de GRENOBLE a retenu la responsabilité de la Société ENEDIS aux motifs que :
avant de censurer l’arrêt puisque la Cour d’appel n’avait pas caractérisé de faute de la Société ENEDIS.
Si la Cour d’appel avait pu retenir que « le dommage causé à la commune était dû à l’incendie ayant pris naissance dans le câble électrique détenu par la société Enedis, qui s’était ensuite propagé à l’immeuble« , cela restait malgré tout insuffisant.
Il est donc indispensable, côté demandeur, de veiller à disposer d’éléments suffisants, recueillis notamment au stade de l’expertise judiciaire, pour caractériser une telle faute, sauf à compromettre ses recours.
Il en va notamment :
Expert technique - Direction Technique (DMPE)
2 moisJe lis donc une position constante inchangée, merci du rappel.
Expert en recherche des causes d'incendies expert de justice,MIAAI ,C-FIT, E-AFI
2 moisMerci pour ce post, très intéressant.