Propos recueillis par Marc Landré et publiés dans Le Figaro du 8 juin 2017
Que vous inspire le projet de plafonnement des indemnités prud’homales du gouvernement ?
Aucune surprise : il s’agit d’une des idées fixes d’Emmanuel Macron qui en est à sa troisième tentative depuis 2015 et ce devrait être, cette fois, la bonne. Le plafonnement a deux vertus : briser les fantasmes car les condamnations prud’homales ne sont jamais si bonnes ni si mauvaises qu’on croit. Et contribuer à une uniformisation des pratiques qui peuvent très fortement différer d’un conseil de prud’hommes à l’autre. Mais il ne devrait pas changer fondamentalement le montant des condamnations ou réduire significativement l’aléa judiciaire.
Une telle réforme peut-elle lever le frein à l’embauche des petits patrons ?
Ce n’est pas impossible dès lors qu’elle favoriserait un changement de la perception des pratiques prud’homales. Si les employeurs ont la croyance qu’un litige ne leur coûtera pas la vie de leur entreprise (ce qui est, pour l‘essentiel, déjà le cas aujourd’hui), ils pourront plus facilement embaucher, surtout si, à l’inverse, les salariés croient qu’ils n’obtiendront pas des sommes mirobolantes.
Y a-t-il des risques de contournement du plafonnement ?
Ce n’est pas un risque mais une certitude. Les indemnités prud’homales qu’il s’agit de plafonner sont exclusivement celles octroyées en réparation d’un licenciement injustifié, c’est-à-dire un licenciement dont le motif n’est pas jugé valable. Or le conseil de prud’hommes peut être saisi de multiples autres demandes qui, elles, ne sont pas plafonnées comme, par exemple, le paiement d’heures supplémentaires (dont le coût peut s’avérer très lourd pour l’entreprise) ou tous les autres types de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ou harcèlement. Et c’est bien le coût judiciaire total qui pèse sur l’entreprise. Il ne faut pas oublier que les conseillers prud’homaux salariés qui devront mettre en œuvre ce plafonnement sont issus des syndicats qui s’y opposent et on peut donc légitimement penser qu’ils n’hésiteront pas à user de ce contournement si facile.
Les salariés y gagneront-ils en cas de licenciement abusif ?
Tout dépendra du barème qui sera retenu : le barème indicatif actuellement en vigueur se situe dans la fourchette haute des condamnations, alors que le barème qui avait été proposé en 2015 se situait plutôt dans la fourchette basse, surtout pour les salariés de petites entreprises. Mais les salariés pourraient ne pas y perdre, voire même y gagner car il n’est pas invraisemblable de penser que les conseillers salariés tenteront d’imposer à leurs homologues employeurs l’utilisation du plafond non pas comme un plafond mais comme la norme tarifaire.