Le barème Macron vient d’être écarté par la Cour d’Appel de Paris faute d'indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi par le salarié

Le barème Macron vient d’être écarté par la Cour d’Appel de Paris faute d'indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi par le salarié

Lorsque Emmanuel MACRON est arrivé au pouvoir en mai 2017, il a réformé le Code du travail ainsi qu’annoncé dans le cadre de sa campagne.

Le but ? prévisibilité et sécurisation des relations de travail

L’un des outils pour ce faire a été la création d’un barème des indemnités pouvant être allouées aux salariés dont le licenciement serait jugé abusif par le Conseil de Prud’hommes.

Avant cette réforme, lorsqu’un licenciement était jugé abusif, les juges fixaient le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice lié à la perte de l’emploi en fonction du préjudice subi par le salarié. Aucun maximum ne leur était imposé. 

Depuis la réforme, l’indemnité est plafonnée et dépend non plus du préjudice subi par le salarié mais de la taille de l’entreprise (plus ou moins de 11 salariés) et de l’ancienneté du salarié. 

A titre d’exemple, un salarié ayant 5 ans d’ancienneté, dans une entreprise de plus de 11 salariés aura une indemnité comprise entre 3 et 6 mois de salaire brut.

Le résultat ? moins de liberté pour les juges et une réparation forfaitaire des préjudices subis par les salariés du fait de la rupture de leur contrat de travail.

Côté employeur, l’on évalue plus facilement le coût d’un licenciement. Côté salarié, on évalue plus facilement aussi l’enjeu du litige et pour tous les salariés ayant une faible ancienneté, ces barèmes sont dissuasifs : vu ce qu’ils vont devoir payer en frais d’avocats, l’aléa judiciaire et le montant de l’indemnité maximale à laquelle ils pourront prétendre en cas de succès ... le calcul est vite fait. On laisse tomber.

Le but de la réforme devait, aurait dû, être atteint : une réduction des contentieux et des indemnités encadrées.

« Mais voilà, j’habite en France…. »*

Les syndicats se sont insurgés contre cette modification du Code du travail par ordonnance, les Conseillers prud’homaux se sont opposés à ces barèmes qui limitaient leur pouvoir, les avocats eux-mêmes se sont mobilisés (enfin certains) contre cette réforme privant les salariés du droit à une réparation adéquate de leur préjudice.

Le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel ont validé le barème, jugeant qu’il n’était en contradiction ni avec la convention n° 158 de l’OIT ni avec la Charte Sociale Européenne et qu’il était conforme à la Constitution (CE 7 décembre 2017, n° 45 243 et CC Décision 2018-761 DC du 21 mars 2018). 

La Cour de Cassation elle-même, la plus haute juridiction de France, a validé ce système dans deux avis rendus en formation plénière le 17 juillet 2019, considérant que la convention de l’OIT n’interdit pas le plafonnement de l’indemnisation et que ce système ne constitue pas un obstacle procédural entravant l’accès à la justice (Cass. avis, 17 juill. 2019, n°15012 P+B+R+I ; Cass. avis, 17 juill. 2019, n°15013 P+B+R+I),  

 Et pourtant, un certain nombre de Conseils de Prud’hommes ont continué de refuser d’appliquer les barèmes, suivis par quelques Cours d’Appel, jusqu’à la Cour d’Appel de PARIS, le 16 mars dernier.

Dans cet arrêt, n°19/08721 la Cour d’Appel de PARIS a décidé d’écarter le barème MACRON en allouant à la salariée ce qu’elle a considéré être une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi en terme de diminution des ressources financières !

Les fait sont simples : une salarié, âgée de 53 ans, conteste le motif économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail et obtient gain de cause. Reste à fixer le montant de l’indemnité à lui allouer afin de réparer le préjudice causé par la rupture injustifiée de son contrat de travail.

La Cour d’Appel de Paris aurait dû appliquer le barème MACRON et ainsi condamner l’employeur à lui verser entre 3 et 4 mois de salaire brut soit en l’espèce : entre 13 211 Euros et 17 615 Euros, la salariée ayant moins de 4 ans d’ancienneté.

Mais la Cour d’Appel de Paris n’a pas procédé ainsi.

Elle a calculé le préjudice réellement subi par la salariée en terme de diminution des ressources financières depuis son licenciement, 32 000 Euros, et a jugé que le montant des indemnités prévues par le barème MACRON ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi.

Elle a donc condamné l’employer à lui verser la somme de 32 000 Euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l’équivalent d’un peu plus de 7 mois de salaire au lieu des 4 mois maximum prévus par le barème MACRON.

Perspectives : impossible de savoir quelle sera la position de la Cour de Cassation dans quelques mois ou celle des autres Cours d’Appel mais ce qui est sûr c’est que la Cour d’Appel de Paris vient de donner le ton : si le montant des indemnités prévues par le barème MACRON ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi par le salarié en terme de diminution des ressources financières depuis son licenciement : les juges peuvent l’écarter.

En conclusion :

#     salariés : vous n’êtes plus limités par les barèmes MACRON

#     employeurs : c’est le moment de revoir le montant de vos provisions


Brigitte AUBRY GLAIN

Avocat libéral au sein du Cabinet Raffin & Associés

3 ans

Affaire à suivre !

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