Propos sur les langues en Tunisie (3)
 La langue arabe (à suivre)

Propos sur les langues en Tunisie (3) La langue arabe (à suivre)

Avec la destruction de la Carthage romaine au crépuscule du septième siècle de l’ère chrétienne, les conquérants arabes introduisirent en Ifriqiya la langue du Coran et de la poésie préislamique qui, avec le temps, finit par s’imposer pour des raisons d’Etat, de religion, d’efficacité et de créativité. Cette nouvelle langue s’est trouvée en Ifriquiya bien à l’aise, profitant d’un terroir dûment préparé et, pour ainsi dire, fécondé par Carthage, la prestigieuse cité d’Elyssa, dont la langue appartient à la grande famille sémitique, au même titre que la langue arabe elle-même. Sans avoir la même grammaire, les deux langues partagent un riche vocabulaire et d’innombrables structures. Certaines sont attestées dans des écrits qui remonteraient au troisième millénaire avant J.C.

Aujourd’hui, personne, en Tunisie ne pourrait contester à la langue arabe sa prééminence, ni sa place de langue nationale et identitaire. Voilà ce qui ne souffre aucune contestation. Elle est en outre scellée par la Constitution. Notre devoir est donc de la cultiver sans omettre de la moderniser, de l’enrichir et de la rendre plus efficace en puisant d’abord et avant tout dans notre héritage linguistique laissée en friche et en faisant fructifier tous les apports des langues qui, engendrées par la terre devenue arabe, sont, aujourd’hui, laissées pour compte dans tous les pays arabes, où l’amnésie continue de ravager et d’appauvrir jusqu’à la désertification, voire la stérilisation. Aujourd’hui, La langue arabe vit parmi nous atrophiée. Notre lexique s’est dangereusement rétréci. Nous ne sommes plus en mesure de nommer les choses par leurs noms arabes. Nous ne savons plus décrire nos richesses matérielles et immatérielles dans notre langue. La terre, la faune, la flore, les cieux, les mers nous échappent. Au lieu d’interpeler notre patrimoine, les plus fortunés ont souvent recours à l’emprunt sans d’ailleurs être sûrs de maîtriser les glanes faites chez leurs créanciers.

Pour être nous, nous nous devons de connaître toutes nos langues libyque, punique, latine et arabe sans hésiter de renforcer et d’affuter ce que nous avons pu prendre à la colonisation française et d’acquérir d’autres langues dont l’efficacité est certaine. Cela étant, faut-il laisser aux autres nos riches littératures dont les auteurs comptent parmi les plus grands bâtisseurs de la culture universelle ? Faut-il attendre que d’autres s’en occupent et s’en servent à leur manière et au profit de leur propre cause ? Certes, non ! Nous nous devons de former des élites capables d’accomplir cette noble tâche ? Nos Universités, Instituts et centres de recherche doivent s’en charger dans le cadre d’un projet national adopté, soutenu et suivi par l’Etat. C’est aussi la tâche de notre Académie qui se doit au-delà des limites définies par les textes en vigueur qui en font une sorte de comité culturel haut de gamme. Il est pour le moins étrange que l’Académie de Carthage reste indifférente aux problèmes de la langue arabe pourtant reconnue langue nationale par la Constitution.

Mhamed Hassine Fantar

 

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