Prospective et apprentissage

Finalement, devant la rapidité avec laquelle l’environnement, tant économique que politique, bouge, l’entreprise a de plus en plus besoin d’un management capable non plus de planifier en fonction d’une situation présente mais bel et bien d’envisager de manière prospectiviste l’avenir en tentant de prendre en compte le plus d’éléments possibles afin d’assurer une certaine pérennité. Cela vaut tout autant pour l’entreprise publique qui doit survivre à des politiciens en recherche constante de pouvoir et d’interventionnisme, que pour l’entreprise privée aux prises avec des conditions socio-économiques qui se dégradent malgré les propos rassurants de nos élites qui ne semblent pas apprendre de leurs erreurs. La rapidité avec laquelle les crises se succèdent, en ce début de 21e siècle, ne peut que fragiliser un management traditionnel qui tente d’imposer un ordre factice dans le chaos ambiant, plutôt que de déceler les tendances profondes qui émergent et remettent en cause l’ordre « établi ».

Il faut donc aux organisations et aux entreprises une intelligence managériale qui leur permette, à partir d’éléments clés, de maintenir une ligne à la fois souple et continue, ouverte et intégrante, précise et auto correctrice comme l’est une fusée à tête chercheuse poursuivant un objectif mobile. L’intelligence managériale c’est ce qui permet à l’entreprise d’apprendre en avançant, d’interpréter son environnement en fonction de la vision retenue, et de ne pas s’enfermer dans des façons de faire pouvant se révéler des obstacles à une lecture éclairée de l’environnement en mouvement.

L’intelligence managériale c’est aussi cette façon d’envisager l’apprentissage comme une condition sine qua non de se maintenir en phase avec l’environnement auquel se retrouve confronté l’entreprise. C’est permettre à celle-ci d’apprendre de l’apprentissage de ses membres en intégrant le savoir « adapté » que les employés, à différents niveaux, acquièrent dans leur agir quotidien. C’est aussi intégrer l’expertise et son transfert aux différents échelons de l’entreprise par le biais des technologies ambiantes dont sont de plus en plus friands les jeunes générations. C’est également trouver le moyen de « structurer » les réseaux informels, source d’information continue au sein de l’entreprise, sans les étouffer ou les faire dévier à des fins purement individuelles comme ils le sont généralement.

L’intelligence managériale c’est, pour les cadres, assumer, au jour le jour, l’insécurité d’avoir à composer avec ce nouvel univers sans constamment rechercher la sécurité des structures mais davantage la sérénité d’une vision partagée par l’équipe de gestion. C’est accepter de composer avec l’apparent « chaos » qui risque de prendre une place de plus en plus importante dans l’environnement en cherchant non pas à l’encadrer, ce qui est impossible, mais à l’inclure tout comme le skieur expérimenté inclut l’incertitude que représentent les autres skieurs et les aspérités de la pente dans sa descente.

Cette intelligence managériale fait davantage appel à l’aspect relationnel de la gestion qu’à son aspect rationnel. Et c’est là l’un des paradigmes les plus tenaces dont l’entreprise devra chercher à en atténuer les effets. Car gérer intelligemment c’est fondamentalement mettre des personnes en relation autour d’objectifs communs et partagés afin que ces personnes aient le goût de mettre leurs connaissances et leur expertise au service de l’entreprise. C’est intégrer ce qui mobilise les individus plutôt que de chercher à coordonner ce qui les motive. En d’autres mots, c’est répondre à leur besoin de sens pour que le contrôle puisse s’exercer de l’intérieur et se révéler plus efficace dans ses résultats.

L’intelligence managériale est une façon, pour le leader et son équipe de gestion, de canaliser les enjeux multiples des différents individus qui composent l’entreprise en un enjeu essentiel pour la survie de cette dernière. Cet enjeu est essentiellement sa capacité de décoder, dans un monde incertain, ce qui en fait son essence même et la pertinence de sa présence auprès de consommateurs dont la confiance en l’avenir est fortement perturbée par tout ce qu’ils constatent autour d’eux.