Psyché & Déclic : Filmania
Sylvaine n'en peut plus de cet irrespect systématique. Cela fait une bonne trentaine d'années, qu'elle travaille au Centre Hospitalier Léo Schnug, et ces derniers mois l'unité de soins où elle officie depuis bientôt cinq ans, a connu une vague de vidéos plus ou moins clandestines, réalisées par des patients et parfois même des visiteurs.
Comme si l'hôpital, psychiatrique qui plus est, relevait de la même catégorie de lieux fréquentés par du public, qu'un banal espace de loisirs ou carrément un zoo. Oui un zoo, car plus que touchés par le simple travers hyper narcissique de la propension à la selfiegraphie, ces Ms & Mrs Nobody ne sont rien d'autre que des voyeurs de la pire espèce.
Des voyeurs qui, sans vergogne et surtout sans autorisation, filment souvent à leur insu et parfois même ouvertement, tant le personnel soignant que les patients de l'unité. Pire encore, ces vidéos par nature illicites et dont les auteurs sont passibles de poursuites, se retrouvent allègrement postées et relayées avec moult commentaires, sur divers réseaux sociaux.
Ces réseaux sociaux qui, comme l'a en 2015 si justement dit Umberto Eco, "ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.". Une excellente synthèse en peu de mots.
Aujourd'hui, avec le développement phénoménal de leurs capacités opérationnelles, les smartphones espionnant constamment leurs utilisateurs, deviennent aussi pour ces derniers des outils de possible espionnage de tiers. Or certains ne s'en privent pas, et comme une fois diffusée sur la toile toute image ou vidéo devient irrécupérable, les dégâts sont incalculables.
C'est pourquoi Sylvaine, qui est de la vieille école, conserve toujours dans une poche de sa tenue de travail, une plaquette de gommettes multicolores. Lorsqu'elle surprend un patient ou un visiteur occupé à filmer des tiers à leur insu, subrepticement elle en appose une sur l'objectif du smartphone. Cela ne cause aucun dommage à l'appareil, et vaut rappel à la loi.
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Si toutefois le pseudo cinéaste vient à se montrer vindicatif, l'appel immédiat à l'Équipe de Sécurité, a généralement pour effet de le calmer. Quant à l'incident, il est systématiquement signalé à l'encadrement et l'objet d'une Fiche d'Événement Indésirable (FEI), mentionnant le collage de gommette sur l'objectif du smartphone, au titre de mesure conservatoire prise dans l'urgence.
Avertissement : L'unique ambition de cette série #psychéetdéclic est de contribuer à la réflexion collective sur le sens du soin en psychiatrie. Construites sur le modèle des chroniques de Baptiste Beaulieu, ces récits et vignettes cliniques synthétisent plusieurs situations pour en restituer une version romancée. Ainsi aucune des personnes présentées ici, dans des contextes au demeurant plausibles et réalistes, n'existe ou n'a réellement existé en tant que telle.