Quand Beyrouth vivait derrière ses murailles
Jusque vers la moitié du XIXe siècle, la ville de Beyrouth était entourée de remparts la protégeant contre les envahisseurs. Fortement endommagés en 1773 par les bombardements de l'escadre russe, ils sont restaurés mais sont partiellement démolis de nouveau en 1840 par les tirs de la flotte britannique dans le cadre du conflit entre Ibrahim Pacha d'Egypte et la Grande-Bretagne.
Beyrouth n'est alors qu'un bourg de 800 mètres de long sur 600 de large à l'intérieur de murailles. Lorsque Lamartine visite le Liban en 1832, il s'installe dans une maison appartenant aux Gebeyli, située près de l'église Saint-Maron. Il décrit sa résidence comme "une maison isolée située à 10 ou 15 minutes de marche de la ville". A l'époque, les quartiers de Basta, Mazraa, Moussaïtbé, Achrafieh et Gemmayzé ne font pas partie de la ville. C'est à partir de 1864 que Beyrouth commença à annexer sa banlieue et que les restes des murailles sont abattus.
Les murailles étaient flanquées de tours et donnaient accès à la ville par sept portes qui s'ouvraient sur autant de routes:
-Bab el-Dabbagha, la plus importante car donnant accès directement sur le port et évitait le passage des marchandises par la ville. Dans ses environs florissaient les tanneurs de cuir, d'où son nom.
-Bab Yaacoub, du nom du notable Yaacoub Kesrouani qui habitait au-dessus de la porte.
-Bab as-Saraya, ainsi nommée car proche du palais de l'Emir Fakhreddine où sera érigé souk Sursock, face au Vieux ou Petit-Sérail.
-Bab ad-Darké, nom d'origine persane qui signifierait hôtel. De construction soignée avec de belles pierres, la porte s'ouvrait sur l'emplacement du futur Grand-Théâtre.
-Bab Abou-Nasr, près de souk Abou-Nasr du nom de la famille propriétaire du terrain où elle fut érigée.
-Bab as-Santiyé, près du cimetière du même nom.
-Bab Idriss, du nom d'une famille originaire du Maghreb qui logeait au-dessus.
Entre les deux tours flanquant l'entrée du port était tendue une chaîne qui en barrait l'accès. La région fut appelée Bab as-Sensela.
Ces portes étaient fermées la nuit par de respectables citoyens et leurs clés remises au gouverneur.
Le dégagement du centre est entamé au XIXe siècle et dès 1915 les déblais servent à combler le front de mer. Les Français poursuivent le travail, construisent en 1920 un mur de soutènement et le boulevard de Minet el-Hosn (Port de la Citadelle) devient l'Avenue des Français. Un monument à la gloire de l'Armée du Levant y est érigé. La corniche se prolonge après la crique de Aïn el-Mraïssé et s'appelle l'avenue Chourane qui va jusqu'au bas du phare.
Dans la proclamation du Grand-Liban, Beyrouth est désigné capitale, ce qui confirmait une situation de fait. La ville monopolise déjà l'activité commerciale au Levant et sa population, avec les migrations du Mont-Liban et de l'intérieur syrien, est passée de 80000 habitants en 1865 à 136000 en 1908. Elle devient le centre à partir duquel sont gérés les Etats de la région sous mandat français.
Sous Weygand, on commence à percer des avenues dans le centre, à aménager la Place de l'Etoile. Les plans sont dessinés par les ingénieurs Deschamps et Destrée. Les rues Allenby, Foch et Fakhreddine (future rue Riad el-Solh) voient le jour. La première est asphaltée en 1927. Sa partie sud devient la rue Maarad, du fait des foires qui s'y tiennent. La rue Bab-Idriss, baptisée en 1924 rue Weygand, va de la Place des Canons et se prolonge par la rue Georges-Picot.
Sur la Place de l'Etoile est érigé le siège du Parlement, inauguré en 1934. Le nom de Gouraud est donné à la rue reliant la Place des Canons à la montée Accaoui. Au début de l'indépendance, de nouvelles artères sont percées et la configuration de la Place de l'Etoile est achevée.