Quand la lumière était produite avec le chanvre dans le Lauragais !
Pour ce Chanvrorama 81 , après l'usage explosif du chanvre sous sa forme de mèche décrit dans mon précédent article , voici son usage fondamental au quotidien : l'éclairage ! Là, il lui a fallu pendant de longs siècles s'associer avec une diversité de matières grasses pour produire durablement une flamme en dehors de l'âtre de la cheminée et la transporter selon le besoin , sous la forme de lampe à huile ou de chandelle . Plutôt que de traiter génériquement et mondialement cette histoire , je préfère entrer dans la réalité d'un territoire bien de chez nous pour vivre le chanvre dans sa "chair sociétale" ! Car nous sommes incapables d'imaginer le mode de vie autarcique de nos Anciens qui avaient domestiqués les animaux (mouton ) pour leur laine et les végétaux (lin, chanvre ...)pour leur fibre textile ! Matériaux essentiels pour vivre en société et travailler ! Ce qui explique qu'ils étaient prêts à leur donner toute l'énergie nécessaire, tout au long de l'année , pour les obtenir et les transformer en objet utile . Cela allait de soi ! Pour nôtre "civilisation des loisirs" , des gestes mécanisés et automatisés ce mode de vie serait invivable assurément !
Pour illustrer cette ancienne civilisation rurale, il se trouve que je suis tombé sur une étude portant sur le territoire du Lauragais - l'ancien "pays de Cocagne" produit par l'exploitation de la plante tinctoriale: le Pastel - . Elle traduit la totale nécessité d'utiliser le chanvre par les communautés paysannes d'avant la lampe à pétrole et sa mèche en coton , pour s'éclairer, puisque elles utilisaient ses graines pour l'huile , ses fibres textiles pour faire la mèche et d' un morceau de chènevotte appelé le "luquet" pour allumer celle-ci !!!. Je dédie donc cet article à la coopérative lauragaise Virgocoop qui oeuvre pour le renouveau du chanvre textile (et de la laine locale !) (https://virgocoop.fr/cooperative/projet/)
A vous, peut être, ensuite, éclairé(e) par cette civilisation de l'économie de "bouts de chandelles" , de plonger dans l'histoire de la conquête de la lumière artificielle jusqu'à l'invention de l'électricité et de la lampe à incandescence mais où le végétal n'a plus été nécessaire !! A.R
Ouvrage : L'éclairage d'autrefois en Lauragais (lé lum) Recherche et texte : Odette BEDOS Couleur Lauragais N°48 - décembre 2002
Eclairage traditionnel Les ruraux s'éclairaient à la chandelle de résine (candélou de rousino). Cette "résinette" en gomme de pin, de fabrication artisanale, répandait une clarté fumeuse et exhalait une senteur âcre de térébenthine brûlée. Par dérision et à cause du crépitement provoqué par la combustion de la mèche (méco) enserrée dans la résine, ce mode d'éclairage était appelé "Pétarel" et plus courtoisement "Madou-maïsélo Peto Candelo". Certains se servaient du chandelier (candélié) de fer ou de laiton avec poussoir. On le posait sur le rebord de la cheminée pour éclairer le "cantou" (coin de feu), lors des veillées hivernales. Le bougeoir ou chandelier bas avait sa place dans la chambre, sur la table de nuit (1830).
Evolution des techniques Le Lauragais produisait du lin et du chanvre (li et carbé), plante textiles (linge de maison, vêtements, cordages) et oléagineuses (médicaments et lubrifiants). L'huile de chanvre obtenue par le presseur d'huile dans son moulin était utilisée pour l'éclairage.
La lampe à huile ou lampe romaine :Une mèche de filasse incandescente baignant dans l'huile de chanvre répandait la clarté. Son principe de fonctionnement est défini par cette devinette : "Qui es ? Beu soun sang et manjo sus tripos". Réponse : la lampe. En effet, cette lampe métallique comprenait un réservoir en forme de coeur allongé ferrmé par un couvercle à charnière (le tampadou). La mèche émergeait à l'extrémité du bec. On l'allumait avec un luquet . Cette lampe à queue appelée "couéto del lum" se pendait au mur par un crochet (le gafet ).
Autre lampe à huile : le caleil (lé calel) : cet appareil plus élaboré était en fer ou en laiton. Une bande de métal (parfois ouvragée) supportait deux récipients superposés. Le godet supérieur pentagonal et amovible portait cinq bec à mèche imbibée d'huile. Le godet inférieur (coupelho ou crasset) récupérait l'excédent de la combustion. On allumait les mèches (atiza las mecos) avec la branchette d'un tison et on suspendait la lampe par sa tige en harpon.
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Ces lampes étaient peu fiables. Le poête toulousain Goudouli (1580 - 1649) les jugeait ainsi :"Taleu alucat, taleu fum et dins noun ré, ni fum, ni lum",(Aussitôt allumées, aussitôt de la fumée et dans un rien de temps, ni fumée, ni éclairage).
Dans d'autres documents, pour la France, Il y a aussi d'autres modes de combustions éclairantes pour les plus pauvres :
" Les moins fortunés utilisent aussi les brûle-joncs : des tiges de jonc séchées sont trempées dans de la graisse animale, et brûlent en produisant une faible lumière. Elles sont maintenues à la base par une espèce de pince en fer (parfois doublée d'un porte-chandelle -). Encore moins chers, et encore moins performants sont les éclats de bois : des morceaux de bois résineux sont posés sur une grille, souvent près de la cheminée, et sont enflammés.
Ndr : on peut facilement imaginer l'usage de tiges de chanvre , et de copeaux de chènevotte pour cet usage !
La lumière artificielle coûte cher, trop cher. Le plus souvent, le feu de l’âtre éclaire seul la table familiale lors des repas et des veillées."
vous pourrez donc faire vos investigations sur cet excellent site traitant de l'histoire de l'éclairage!
André Ravachol
Chanvrier de Coeur et de Raison
Fondateur de la marque PLASTICANA (www.plasticana.com)