Quand la parole est bonne...
Les entreprises semblent fréquemment oublier que la parole est utile - et les salariés, dans la foulée, en ont aussi perdu l’usage. Tout le monde a vécu, au moins une fois, le pénible silence qui suit une série de présentations internes, au moment des questions/réponses. Quand quelqu’un « se jette à l’eau » pour reprendre la phrase couramment dite pour détendre l’atmosphère (!), on sent avec quelle prudence, avec quelle circonspection, le courageux intervenant veille à ne pas faire de vagues (justement !). La parole est un danger public – et le silence est d’or.
Et pourtant ! La parole, avec ses enjeux, avec ses risques, est une merveilleuse entreprise humaine : elle permet d’expliquer, de convaincre, d’argumenter et aussi de ne pas être d’accord - sans pour autant en venir aux mains. Elle nous offre cette chance de pouvoir, avec justesse, avec sincérité, exposer nos arguments et recevoir ceux de l’autre ; elle nous met en devoir de développer une pensée claire pour être compris de notre interlocuteur ; elle refuse la facilité (se taire ou délivrer un message creux) parce que l’exigence préalable à toute parole est de ne pas prendre son public pour un idiot ; elle présente aussi le « risque » de nous conduire à réviser notre point de vue et à agrandir notre réflexion. La parole est un enjeu de taille : elle postule que nous avons suffisamment questionné, avec rigueur, avec audace, ce que nous avons à dire. Et aussi que l’autre est digne qu’on échange avec lui avec exigence.
Cette parole est fort loin de la propagande, de la parole politique ou de l'avis du donneur de leçons. Dans ces cas, les mots ne vont que dans un sens : top down, comme diraient nos amis anglo-saxons. Pour ce qui est de l’autre sens, du bas vers le haut, bottom up, on sait bien quel casse-tête c’est pour les communicants, pour les RH, pour tous ceux dont la mission est de « faire circuler l’information » dans l’entreprise. A qui la faute ? A ceux qui s’expriment du haut d’une lointaine Olympe, dans une langue dévitalisée par les clichés et les poncifs ? A la paresse intellectuelle qui réfute l’utilité de « parler aux cons » car ça pourrait les instruire ? A nous, peuple de l’entreprise indolent, qui nous résignons à gober les balivernes dont on nous afflige ? A la peur qui nous taraude – et si, en posant une question pertinente, on venait à irriter le gorille qui sommeille dans notre interlocuteur ? Ah oui ? Voilà qui est intéressant : quand les mots manquent à l’appel, on donne un coup de boule, on dégaine un couteau, on tue symboliquement ou réellement. La violence contre les mots qui fâchent, contre les idées qui font leur chemin : c’est une option, pas la seule, pas la meilleure mais la plus fréquemment utilisée. Le pouvoir serait-il donc un lieu de paupérisation intellectuelle, de repli identitaire, de mépris de l’autre ? Stoppons là ! Remettons nos écouteurs : Bach ou Goldman, la musique est bonne… quand elle ne triche pas !
NR – Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur
Consultant- Coach- Auteur & conférencier - Président GCCG
6 ansSUR LE SILENCE DES AGNEAUX... A force de donner sa parole, la perd-on?
Consulting engineer
6 ansla parole, beau sujet. Tellement bafouée. Pourtant, elle est primordiale. Et au delà de la parole , savoir écouter. J'ai entendu tellement de paroles coupées, bafouées, dénigrées, auto censurées... Par ceux ou celui qui prétend tout savoir, allant jusqu'à affirmer des contre vérités, des inepties..