Quatre propositions pour préserver et valoriser la santé professionnelle
La moitié des incapacités de travail sont d’origine psychique. Prévenir ces risques passe par notre relation au temps, à l’amitié professionnelle, à la capacité des équipes à s’auto-gérer et au principe de symétrie: toujours faire aux autres le bien que j’aimerais qu’ils me fassent.
Une récente étude de l’assurance maladie SWICA révèle que 57% des incapacités de travail sont d’origine psychique, déclenchées par des conflits sur le lieu de travail et durent en moyenne 218 jours (soit environ sept mois). Cette étude ignore délibérément, faute d’éléments probants, les nombreuses somatisations, conséquences biologiques ou mécaniques, de nos états d’âmes négatifs et déprimés, nés de l’environnement professionnel, qui génèrent autant d’arrêt.
Les émotions négatives (à base de peur, de haine ou de tristesse, disent les scientifiques) seraient-elles à l’origine de l’actuelle et exponentielle pandémie de détresses psychiques en entreprise, telle qu’on ne peut absolument pas manquer de l’observer? Et leur prévention serait-elle la clé de la bonne santé professionnelle? Ces humaines émotions, que depuis Descartes, on oblitère, refoule ou dénie, qu’elles soient positives ou négatives, seraient-elles la racine profonde de notre motivation – ou de son contraire? Voici quatre simples propositions pour créer ou recréer l’environnement propice à cette bonne santé professionnelle, garante de toute performance durable.
1- La rationalisation du temps. Notre époque semble être caractérisée par une incessante accélération d’un temps chronologique (Chronos); l’incessante et irrépressible accumulation des secondes évanescentes créé alors une tyrannie permanente, constituée des fausses urgences. On le sait désormais, l’impatience pathologique comme la procrastination se fondent sur ces émotions négatives incontrôlées: la peur de l’échec, souvent aussi inconsciente qu’inconséquente ou encore celle de l’autre, qui pousse à vouloir le dominer ou à le contraindre d’échéances impossibles. Rien jamais pourtant n’est vraiment urgent, dans nos belles organisations. Réapprendre le temps, bien convaincu du paradoxe explicite de notre époque «plus on va vite, moins on a de temps», ne permettrait-il pas, sans aucun doute, d’éviter surmenages, absentéismes et conflits?
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2- L’amitié professionnelle. Par l’effet de je-ne-sais-quel darwinisme social cruel et dévoyé, avoir de l’amitié ou de l’estime pour ses collègues, ses collaborateurs ou ses fournisseurs, semble constituer une faute, une coupable mollesse ou indigence, un crime d’anti-performance passible de méchantes sanctions. Un capitaine d’industrie ne déclarait-il pas récemment que «lorsqu’un salarié est heureux, c’est qu’il y a un problème de performance»? Mais les neurosciences, ré-humanisantes, l’affirment pourtant: nos comportements sont grégaires parce que notre intelligence est sociale. Nous passons donc notre vie, dans tous ses lieux, à entreprendre de créer des relations positives, généreuses, altruistes, pacifiées et harmonieuses. Aucune surprise donc dans cette exponentielle inflation de la détresse psychique laborieuse… Réapprendre l’amitié professionnelle, au bénéfice de ses salariés, de ses clients autant que de ses fournisseurs, ne constituerait-il donc pas une efficace et très élégante solution, pour enraciner nos succès individuel ou collectif dans cette humanité réelle – que tant prétendent vouloir «remettre au centre»?
3- Une hiérarchie de services. Loin de nos héritages corrompus à base d’un obsolète prêt-à-penser militaro-industriel et plutôt que de chercher une légitimité dans d’incessantes et fastidieuses réorganisations imposées, au gré de systèmes dépassés, d’innombrables séances et de longs débats chronophages, managers et dirigeants ne pourraient-ils pas judicieusement susciter, stimuler ou encore simplement permettre une auto-organisation permanente de leurs équipes? Économisant ainsi le temps perdu en projection de «slides» et un bon nombre d’honoraires de consultants? Évitant encore l’invariable lassitude ou démotivation, nées au cœur des perpétuels «réorganisés» du sentiment de n’être que des pions?
4- Le principe de symétrie. «Toujours faire aux autres le bien que j’aimerais qu’ils me fassent; ne jamais leur faire un mal que je détesterai subir.» Rien de plus simple ni pourtant de plus exigeant que cette véritable bienveillance active! Bientraitance, bienfaisance et biendisance s’y expriment, s’y complètent et en vérifient l’authenticité, écartant radicalement les faux-semblants comme les dysfonctionnements interpersonnels, causes de tant de réelles souffrances.
Nous vivons l’émergence d’un nouveau monde, catalysée par la pandémie passée et la guerre actuelle, les crises climatiques, écologiques, énergétiques, d’approvisionnements et financières. Les innombrables interdépendances non-solidaires que nous avions créées se révèlent toxiques et démontrent la sauvage incurie comme l’inélégance de nos systèmes productivistes. Nos collaborateurs sont les premiers à porter ce nouveau paradigme, où vivre en respectant ses valeurs intimes, les valeurs communes et notre planète constitue désormais l’essentiel.
Directrice du marketing et de la communication Groupe Suisse
2 ansMerci pour cet article intéressant qui présente le nouveau paradigme dans lequel nous vivons. Avec, pourtant, une "vieille" recette : faire aux autres ce que l'on voudrait qu'ils nous fassent. A croire que les solutions sont finalement à notre portée... non ? Tatiana Garaventa, Imene M. : article en lien avec une séance très récente 😉