Quel bilan pour la première décennie d’existence de l’Institut Supérieur des Sciences de la Mer de Nouadhibou (2/7) ?
En Mauritanie, à l’indépendance, en 1960, le secteur des pêches maritimes constituait déjà l’un des piliers de l’économie. Il continue à jouer ce rôle. Pendant plusieurs décennies, il était confronté à des pénuries de compétences, en particulier dans les domaines de l’hygiène de la qualité et de la transformation sur place des produits halieutiques mais aussi en matière de recherche scientifique et de gestion des pêcheries.
Une étude commanditée par le Ministère des Pêches et de l’Economie Maritime en 2009 avait recommandé de créer un enseignement supérieur professionnel, pertinent et de haute qualité dans ce domaine. L’institut Supérieur des Sciences de la Mer (ISSM) est né dans ce contexte.
Pour avoir un enseignement pertinent et de qualité à l’lSSM, plusieurs préalables étaient requis en particulier un programme d’enseignement complet et innovant, un personnel d’encadrement et d’enseignants dévoués et des étudiants méritants et des infrastructures pédagogiques modernes.
1. Un programme d’enseignement complet et innovant
Le programme de l’enseignement à l’ISSM est une hybridation de plusieurs maquettes de formation tant au niveau des universités francophones qu’anglophones et une contextualisation pour tenir compte de nos propres réalités. Il a cherché dès le départ à contribuer à l’épanouissement personnel de ses étudiants et de ses stagiaires et d’accompagner les transformations économiques, technologiques et sociales du secteur des pêches en Mauritanie.
Notre maquette de formation, accréditée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique en 2017, cherchait à se positionner à l’avant-garde dans le paysage universitaire national et régional.
Le programme de 480 heures par semestre pratiqué par l’ISSM, axé sur les cours théoriques et surtout des stages pratiques et les travaux personnels encadrés, est l’un des plus élevé de la Mauritanie et de la région en termes de volume horaire et de diversité des thématiques traités. Il permet aux étudiants d’acquérir des connaissances et des compétences étendues. Certes, la vraie performance ne se mesure pas seulement en heures enseignées, mais en résultats obtenus. Pour développer cette culture de résultats, tous nos étudiants acquièrent des compétences techniques et transversales pouvant être appliquées dans un large éventail de contextes, pour augmenter leur polyvalence et donc leur employabilité.
Les principaux domaines enseignés sont : la biologie marine –animale et végétale, l’écologie aquatique, l’aquaculture, l’écotoxicologue et la pollution marine, l’océanographie, la gestion et la conservation des écosystèmes marins et lacustres ; l’économie des pêches, la gestion des entreprises , le marketing, la finance, le droit de travail, la sociologie de développement, les méthodes quantitatives et statistiques, la dynamique des populations (évaluation des stocks halieutique par méthodes directes et indirectes), l’aménagement des pêcheries ; le management de la qualité des produits halieutiques, la salubrité des produits de pêche, la biochimie, la microbiologie, la nutrition, les procédés de transformation des produits halieutiques, le génie industriel et environnemental….
Le développement des soft Skills reste l’un des axes forts de cette formation -Compétences en communication (orale et écrite), en Français, en Anglais, en Espagnol et en informatique. Ces différentes compétences sont nécessaires pour devenir un professionnel efficace. Ainsi, pour permettre à nos étudiants un désenclavement total en matière de communication, l’Anglais est la seule discipline (élément) enseignée pendant les 6 semestres de la formation.
Les programmes d’étude à l’ISSM sont conçus sous forme de modules définis et d’éléments qui englobent la chaine de valeur de la pêche et de l’aquaculture. Ce qui contribue à adapter l’offre de formation à l’évolution des besoins de l’économie et de la Société.
2. Des enseignants-chercheurs confirmés
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Une formation de qualité repose sur des enseignants de hauts niveaux ouverts sur le monde et maitrisant une palette de pratiques pédagogiques les plus pertinentes.
Nos enseignants ont été recrutés, dans leur majorité, par un concours national. Ils sont donc considérés parmi les meilleurs des postulants lors de leur recrutement. Etant donné, l’étendue des savoirs à transmettre, le nombre des éléments à enseigner par chacun d’entre eux pour couvrir sa charge horaire (jusqu’à 3-5 éléments), ces enseignants n’ont pas tous des compétences pointilleuses dans chacune de ces disciplines.
La maitrise par les enseignants des pratiques pédagogiques est au cœur de toute amélioration de la qualité de l’enseignement. Au niveau national, les enseignants-chercheurs nouvellement recrutés, ne bénéficient pas de formation dédiée avant l’intégration de leur poste. Les plus anciens aussi n’ont pratiquement jamais bénéficier de formation ou de recyclage dans ce cadre. Comme si la maitrise des techniques pédagogiques et didactiques va de soi. Des efforts limités ont été fournis par l’Institut qui a financé le déplacement de certains enseignants à Nouakchott ou au Maghreb (Maroc et Tunisie) ou sur place (pédagogie numérique et classe inversée).
En raison de leurs finalités nettement plus professionnalisées et de l’inexistence de services pédagogiques à leur niveau, de leur petite taille et de leur expérience relativement limitée, les instituts et les écoles nationales sont les plus sensibles à cette situation.
Aussi, il est à craindre qu’une partie de nos enseignants se contentent de transmettre des connaissances (ou uniquement des informations) sans se soucier forcément de leur assimilation par nos étudiants et de leur intégration au savoir en constitution. Pour limiter les effets de cette éventuelle dérive, de nouvelles approches pédagogiques sont encouragées par l’Institut (classe inversée, élaboration de poster pluridisciplinaires, simulation de soutenance de PFE, jeux de rôle….). Ce qui permet aux étudiants de faire connaître leurs compétences et capacités alors qu’ils élaborent des posters ou préparent un cours. On ne revient pas des pédagogies actives les mains vides.
Le métier d’enseignant-chercheur connaît des évolutions rapides par le monde. Celui-ci cède de plus en plus sa place d’acteur principal au profit des étudiants pour devenir un metteur de scène qui initie les étudiants et les stagiaires aux méthodes d’apprentissage (apprendre à apprendre) et de recherche. Pareillement, comme prévu par le système LMD, on cherche progressivement à l’ISSM à placer les étudiants au centre pour devenir des acteurs de leur propre formation.
Le défi de la professionnalisation et de l’employabilité demande une plus grande autonomie des étudiants pour être opérationnel le premier jour de leur embauche. Ce qui implique un partage des rôles entre les enseignants et les étudiants du système de formation et d’éducation d’une part et d’autres part avec le monde économique et le marché de l’emploi, pour définir clairement les besoins.
La part des vacataires reste très importante au sein de l’Institut. Loin de constituer une contrainte, ce recours massif à la vacation est une aubaine pour les étudiant(e)s de l’Institut. Notre formation est adossée à l’IMROP et à l’ONISPA qui disposent d’un vivier de Docteurs expérimentés (20-30 ans d’expérience) en contact au quotidien avec le terrain, la recherche et l’expertise. Ils assurent des cours, une partie des TP et l’accueil en stage.
Des modules sont aussi dispensés par des professionnels de la pêche, comme encouragé par le système LMD. Ces professionnels contribuent au développement des compétences de nos étudiants en faisant référence à des situations et à des pratiques vécues sur le milieu de travail.
En définitive, les universités préparent les doctorants à des activités de recherche. La préparation à l’enseignement est limitée ou inexistante. Ce manque de préparation à l’enseignement à ce stade s’expliquerait par le postulat assez répandu qu’un bon chercheur est aussi un bon enseignant.
Pour améliorer l’enseignement supérieur à l’ISSM et plus globalement dans notre pays, il faut un développement académique axé sur la pédagogie pour soutenir en continue les stratégies d’enseignement et d’évaluation sommative mais surtout formative. Cette dernière, très intéressante, a apparemment perdu de son prestige avec les nouvelles générations d’enseignants.
Chercheur biologiste des Pêches, expert en aquaculture
2 moisFélicitations Cher collègue pour le travail réalisé jusqu'ici par votre institut. Bonne continuation