Quel est le B-A.BA à connaître avant de lire (et signer) son contrat d’édition ?
Il y a une chose de certaine, les auteurs sont complètement largués face à un contrat d’édition. Et j’irai même plus loin : ils ne font pas vraiment l’effort de s’y intéresser et de comprendre, à part pour connaître leur à-valoir et leur droit proportionnel calculé sur le prix de vente public HT (dit plus simplement : le pourcentage de rémunération sur les ventes du livre). Je suis un peu dure peut-être en disant cela mais c’est une vérité. Les auteurs, souvent trop heureux d’être édités, se laissent complètement infantiliser dans la relation avec l’éditeur. Alors oui, on peut arguer que les éditeurs se payent grassement sur le dos des écrivains (c’est vrai et c’est faux), mais il n’empêche que les auteurs ne font pas leur travail. Car si vous voulez être auteur, vous devez accepter de ne pas être qu’un créateur, qu’un artiste. Vous êtes aussi un homme ou une femme d’affaires, vous « vendez » l’exploitation d’un texte qui vous appartient, et il vous incombe d’en connaître le fonctionnement. Je me permets donc de glisser ici à tous les auteurs qu’il est essentiel de rejoindre la SGDL, la Société des Gens De Lettres, pour vous former à votre posture d’écrivain (Notez que ce conseil est probablement l’un des meilleurs que je puisse vous donner).
Chaque contrat d’édition est à la fois le même, et à la fois unique. De nombreux passages du contrat découlent de dispositions légales essentielles qu’il n’est même pas envisageable de négocier. La SGDL met à disposition sur son site un contrat d’édition commenté qui vous montre ce qui relève du cadre légal, et ce qui ne l’est pas. Pour tout le reste, sachez que le contrat d’édition est un contrat intuitu personæ, conclu en considération de la personne donc parfaitement négociable !
Je ne peux pas ici vous donner des fourchettes de rémunération des auteurs, cela dépend du type d’ouvrages et cela peut aller du simple au centuple selon que vous soyez littérature jeunesse, auteur de livres de recettes végétariennes ou écrivain SF. Également, cela varie en fonction de votre « ancienneté » (êtes-vous primo romancier ou non), de votre notoriété (si vous êtes l’enfant caché de Macron, votre témoignage vaut cher), et d’autres critères propres à chaque maison d’édition.
Mais je peux en revanche vous donner quelques billes sur les trois ou quatre notions clés à connaître, et même à maîtriser assez rapidement ! Certaines définitions proviennent directement de la SGDL, car je les trouve on ne peut plus claires.
· Le droit d’auteur
C’est l’ensemble des droits patrimoniaux et moraux que détient l’auteur d’une œuvre.
o Les droits moraux sont les droits de l’auteur attachés à la personne de l’auteur et qui ne peuvent pas faire l’objet d’une cession. Les droits moraux sont perpétuels, incessibles et imprescriptibles. (Proust sera à tout jamais l’auteur de À la recherche du temps perdu, on ne pourra jamais lui enlever ça).
o Les droits patrimoniaux sont les droits de l’auteur attachés à l’œuvre cette fois-ci, et qui peuvent faire l’objet d’une cession afin de permettre à l’auteur d’être rémunéré du fait de l’exploitation de son œuvre. Les droits patrimoniaux tombent dans le domaine public à compter de 70 ans après la mort de l’auteur.
· L’à-valoir
L’à-valoir est une somme d’argent versée à un auteur en amont de l’exploitation de l’œuvre, lui garantissant une rémunération minimum, peu importe le résultat des ventes. L’éditeur compense cet à-valoir avec les recettes issues de l’exploitation de l’œuvre. Une fois que le montant avancé est récupéré dans son intégralité par l’éditeur, l’auteur commence à percevoir des droits d’auteur. Certains auteurs sont très attachés aux à-valoir et les considèrent comme une preuve de confiance de l’éditeur. C’est sûr que plus l’à-valoir est élevé, plus cela signifie que l’éditeur a confiance dans les ventes du livre (ou qu’il veut à tout prix garder l’auteur dans sa maison). D’autres auteurs refusent catégoriquement l’à-valoir, préférant toucher leurs droits d’auteur dès la vente du premier livre.
· La cession de droits
Comme son nom l’indique, il s’agit de toute autorisation consentie par l’auteur pour l’exploitation de son œuvre. Attention, vous n’êtes pas obligé de céder tous vos droits. En effet, le contrat d’édition traite des droits principaux (reproduire, publier, exploiter l’œuvre sous forme imprimée) et des droits seconds et dérivés (droit de traduction, droit de représentation et de communication…). Un second contrat proposé traite de la cession des droits audiovisuels : il est lui aussi affaire de négociations.
· Le droit de préférence
Il s’agit du droit de priorité sur la publication d’une œuvre accordé par un auteur à un éditeur dans un contrat d’édition. En gros, pour caricaturer, vous vous engagez à proposer vos deux, trois, cinq prochains textes à l’éditeur avec qui vous signez plutôt qu’à un autre. C’est un critère qui peut s’avérer extrêmement rassurant comme anxiogène. Il est bien sûr ouvert à la négociation.
Bien évidemment, cette présentation est relativement sommaire. Une bonne formation sur le sujet, un ami avocat ou encore un agent (héhé) aide grandement à comprendre et accepter ce que l’on s’apprête à signer.
Pour conclure, je me permets de signaler qu’un contrat d’édition doit être gagnant-gagnant. Il est certain que l’éditeur gagne plus que vous avec votre propre texte. Mais sans lui, il n’y a pas de livre, ou alors à vos frais. C’est l’éditeur qui prend le risque financier de vous publier. Alors oui, on a parfois l’impression de se faire avoir, et il est important de négocier pour se sentir à l’aise et reconnu. Ceci étant, il ne s’agit pas de dire « non » à tout : non au droit de préférence, non à la cession de droits audiovisuels etc. Il faut choisir son combat, celui qui vous ressemble. Votre frère possède le plus grand théâtre parisien ? Ne lâchez pas vos droits de représentation, et soyez plus ouverts sur le reste. Votre oncle s’appelle Claude Lelouch ? Soyez bien ferme sur la répartition des pourcentages dans le contrat de cession de droits audiovisuels. Vous envisagez, après ce polar, d’écrire des ouvrages jeunesse ? Refusez le droit de préférence. Ne luttez pas pour lutter, luttez parce que cela a un sens avec votre vie et votre trajectoire. Auteurs et éditeurs doivent se respecter pour bien travailler ensemble et continuer à nous offrir de beaux livres !
Dans tous les cas, renseignez-vous sur votre statut d’auteur et cherchez à comprendre le fonctionnement d’une édition. Vous ne perdrez pas votre temps.
Pour relire l’ensemble des billets :
- Ai-je une chance d’être publié si j’envoie mon manuscrit au service des manuscrits ?
- Mes chances d’être publié augmentent-elles si je prends un agent ?
- Dois-je faire relire mon manuscrit avant de l’envoyer ?
- Peut-on écrire un (bon) roman si on ne lit pas, ou peu ?
- Est-ce moins prestigieux de publier en autoédition ?
- Mais qu'est-ce qu'un bon manuscrit ?
- Quand puis-je considérer que mon manuscrit est fini ?
- Y a-t-il un bon moment pour envoyer son manuscrit ?
9. Mon manuscrit a été refusé par tout le monde. Que dois-je faire ?
Ecrivain - Auto-éditeur - J'aide les auteurs à publier leur livre sans passer par un éditeur en 30 jours
1 moisJe trouve toujours passionnant de découvrir l'envers du décor de l'édition !