Quel Maroc en 2030 ?
Un vide stratégique récurrent
Le dernier remaniement ministériel marocain ne convainc pas, tant l'absence manifeste de vision globale est une constante depuis plusieurs gouvernements successifs. Certes, des trajectoires sectorielles sont périodiquement dessinées, avec des résultats mitigés, et une cohérence et une coordination d’ensemble quasi inexistantes.
Autour de ce vide stratégique gravitent des partis politiques visiblement tournés vers leurs propres intérêts, au détriment de ceux de la nation et des citoyens. Censés nourrir la réflexion stratégique du Royaume par des programmes et des débats politiques riches et renouvelés, les partis ont failli à leur mission ; aussi bien individuellement que collectivement.
Avec un tel constat, le regard se tourne naturellement vers la société civile, les élites intellectuelles et les centres de réflexion. Là encore, le même constat de désolation, tellement la production d’idées est insuffisante quantitativement et qualitativement. Entre critiques non constructives, études et propositions décorrélées de la réalité socioéconomique du pays, et soufrant chroniquement d’absence de vision stratégique globale à un horizon lointain.
Dans ce contexte peu producteur de réflexion à un niveau stratégique, la tendance observée lors des années passées peut nous livrer une prospective pour la décennie à venir. A moins de se convaincre tout de suite de la nécessité d'une réelle stratégie offensive à horizon 2030.
Et des menaces grandissantes
La tendance observée lors des années passées nous livre une prospective, qui pourrait être résumée en ces termes : Amélioration disparate, toutefois notable du tissu économique, et détérioration du tissu social. Avec une accumulation des richesses chez la classe supérieure, une paupérisation de la classe moyenne et un accroissement de la proportion de la classe modeste. Et avant d’entamer toute réflexion stratégique, la prospective réalisée a une vertu : nous alerter sur les potentielles menaces à venir.
Le fait est : le monde est en ébullition. Partout des mouvements populaires agitent jusqu’à parfois déstabiliser les régimes en place. En Algérie, au Liban, au Soudan, en Guinée, à Hong Kong, en Indonésie, au Chili, en Bolivie, en Angleterre, en Espagne et même récemment en France. La liste n’est pas exhaustive, avec un point commun : le sentiment de désespoir qui nourrit la colère. De par le monde, les populations ont acquis la conviction que demain ne sera pas meilleur pour la majorité, alors qu'une minorité concentre les richesses. Un sentiment ambiant de déclassement du peuple, parfois couplé à une tendance de remise en cause des filets sociaux, pour ceux qui ont le privilège d’en avoir.
Sentiment de déclassement, voire d’humiliation et absence d’espoir dans un meilleur lendemain, alors que ces mêmes populations sont de plus en plus cultivées, de plus en plus connectées et informées, et par conséquent de plus en plus revendicatives.
Cette contagieuse tendance mondiale une fois observée et analysée, elle nous appelle à la plus grande vigilance quant à de potentielles secousses à venir dans le Royaume. A l'image du hirak de 2017, mouvement de protestation identitaire sur fond de revendications socioéconomiques. Et à l'image du boycott de 2018, mouvement de protestation sociétale sur fond également d’aspirations socioéconomiques.
Enfin, s’agissant du risque de déstabilisation du Royaume, il y a un principe qui une fois appliqué donne une perception intéressante des menaces à venir. Selon ce principe, le risque de déstabilisation dépend moins du catalyseur, que de la densité des tensions. Le meilleur parallèle pour comprendre ce principe est celui avec un feu de forêt, dont d'importance de l’embrasement tient moins au catalyseur qu'à la proximité entre les arbres. Et apaiser les tensions actuelles et les potentielles à venir revient à agir sur leur terrain : le terrain socioéconomique.
De là vient la nécessité d’un nouveau modèle de développement
Ainsi, vu sous le prisme des menaces plus que celui des opportunités, il devient impératif pour le Royaume d'adopter un nouveau modèle de développement. Modèle à même de répondre et d’anticiper de légitimes aspirations socioéconomiques, et qui gagnerait à s’adosser à une vision stratégique globale à horizon 2030.
Pour ce faire, il conviendrait d’adopter un nouveau mindset, car « pour entrevoir les solutions d’avenir à l’échelle du Royaume, quoi de plus important que de rompre avec les solutions passées ? Un nouveau mindset c’est une approche méthodologique nouvelle, par exemple empruntée à l’Intelligence Économique et Stratégique. Et un nouveau mindset c’est également des profils nouveaux, par exemple des experts de disciplines nouvelles, et un groupe de citoyens représentatif de la diversité du pays. »(*)
Enfin, il conviendrait d’être offensif, à l’image de la réussite indienne avec « seulement deux paris et deux leviers pour y parvenir ! Alors si on peut réussir le décollage socioéconomique de plus d’un milliard d’indiens, il nous est permis d’envisager de faire autant pour nos trente-six millions de marocains. »(*)
(*) Article lié : Quel modèle de développement au Maroc ?
Adil M. - Expert en intelligence économique et stratégique
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